Tu laisses ton pas te mener. Il te mène là où cela lui chante, te faisant passer entre les différents arbres. Tu laisses tes pensées aussi vides que le monde sous tes pattes. Tu ne dois penser à elle. Tu ne dois entendre cette voix te rappelant vers un chemin que tu ne veux pas suivre. Tu dois tant de choses, mais surtout pas faire ça. Tu dois rester serein, tu dois rester présent. Tu ne veux pas que cette voix aux intentions étranges vienne détruire ce que tu voulais faire. Qu'est-ce que tu veux faire en réalité ? Pas même toi ne le sais, tu n'en sais rien. Rien du tout. Tu marches. Comme un loup sans âme. Tu marches. Tu es absent du monde extérieur, tu ne l'observes même pas. En fait, tu es présent mais ton âme ne suit plus. Elle a préféré fuir la situation, te laissant seul, à marcher vers un endroit que tu ne peux connaitre. Enfin, si tu le connais, tu n'es pas apte à le reconnaitre. Tu te contentes de voir sans observer, ne laissant aucune de tes pensées arriver. Tu marches. Seul. Comme l'envie t'en prend même si elle n'existe pas vraiment. Tu ne veux plus avoir à faire à tes émotions. pas aujourd'hui. Tu n'a pas envie de voir ta compagne, et ce, d'aucune façon possible. Elle doit rester morte aujourd'hui, elle ne peut apparaitre, et tu sais qu'elle ne peut pas le faire si tu ne penses pas à elle. Elle est incapable de venir si tu l'oublies. C'est ton âme qui l'amène, et sans elle, elle ne peut plus exister. Elle reste auprès de Rakuen. Elle n'essaye plus de te sauver de ta situation. Car c'est ce qu'elle fait. Elle te sauve de l'oubli. De l'abandon si fort soit-il. Cet abandon que tu veux, que tu attends. Cet abandon qui te permettra de t'éveiller. Mais c'est impossible.

Tu ne te rends pas compte de cette odeur qui te suit. Non, que tu suis. Tes pattes suivent une piste à laquelle tu ne fais pas attention. Tu ne veux pas y penser. Que tes pattes te mènent à la mort, soit. Car c’est l'odeur d'un loup que tu sens sans même le remarquer. Un loup que tu devrais connaître. Tu continues de marcher, tes pensées sont parties dans un monde que tu qualifieras de meilleur. Peut être en compagnie de ta belle. Peut être sont-elles avec elle pour la préserver sans que tu ne le vois. Tu ne peux pas le voir. Tu es aveugle sans elles.

Une louve aux multiples reflets de feu apparaît dans ton champ de vision, mais tu ne la calcules même pas, malgré ton esprit qui te demande de le rappeler toi. Tu ne l'écoutes pas, le repoussant sans cesse, sans même faire attention. Tu t'arrêtes. tes pattes se stoppent comme si tu étais arrivé à ton but. Pourtant, tu ne comprends pas. En quoi cet endroit était ton but ? Ton regard reste dans le vide, amenant un peu de couleur dans cet ensemble de cendre qui te qualifie. Tu es absent. Aussi absent qu'est devenu ta belle dans ce monde.
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Tu clignes pourtant des yeux. Comme un réveil. Comme une prise de conscience. Tu n'es pas encore réveillé de ce rêve, si vide soit-il. Pourtant, tu es au même endroit, tu n'es pas bougé. Même ta queue est toujours aussi statique. Seul le vent semble la faire se lever à son gré. Tes poils font de même, comme pris d'une vie que tu ne connais pas. Petit à petit, tes sens reprennent vie, comme si ton corps les avait appelé. Tu n'en sais rien, tu ne comprends rien. Tu ne sais pas pourquoi tu es ici, alors que tes pattes devaient te mener vers une nouvelle terre. Tu ne sais plus rien. Tu ouvres les yeux, comme si tu redécouvrais le monde. Non, plutôt comme si tu naissais à nouveau. Tu laisses ton regard parcourir l'écorce des arbres, voir comment cette couleur s'assombrit au fil du temps. Tu regardes les feuilles tomber lentement sur le sol, comme une lente agonie que tu ne peux contrôler alors que tu le voudrais pour te l'infliger toi-même. Ton regard retombe ensuite sur ce loup, présent dans ce même endroit. Ce loup qui semble attendre tant de chose.

Tu te figes encore plus que précédemment, ton souffle ne devenant plus qu'inexistant. Plus rien ne se fait entendre de ta part, ni même ton cœur qui s'est stoppé en une seconde. Tu ne sais pas si tu peux croire ce que tu vois, ou si c'est encore cette foutue voix qui te joue des tours. Tes forces te quittent presque lorsque tu manques de t'effondrer au sol. Tu ne veux pas croire ce que tes yeux voient pourtant si bien.



Non, c'ets tout bonnement impossible, elle est aussi morte que Rakuen est vivante sur notre terre. Pourtant tu la vois bien, elle, ta belle faite de flammes.   

Tu ne peux t'empêcher de plisser les yeux en quête de vérité. Non, tout cela n'est que tes yeux qui te mentent. Elle ne vit plus, la mort l'ayant accueillie gaiement. Plus jamais la terre ne la portera, tu l'as vue de tes propres yeux. Et tu t'en souviens. Chaque nuit. Comment pourrais-tu oublier ? Tu ne peux pas. Cela n'est pas la volonté de Rakuen. Elle ne veut pas que tu oublies. Elle veut que tu t'en souviennes, et que tu ne refasses pas la même erreur. Tu t'en souviendras, aussi longtemps qu'elle le souhaitera. Tu ne peux en être le maître. Tu as envie de cracher sur l'existence de cette louve divine. Elle ne devrait pouvoir te faire ça. Tu étais loyal à ta famille. Tu ne voulais que le bien. Et maintenant elle se venge sur toi, te montrant sans cesse ton erreur. Cette erreur qui lui a couté la vie. Des fois, tu te dis que cette louve divine est lâche. Qu'elle ne devrait exister. Qu'autant être des loups normaux qu'avec des pouvoirs. Les animaux vivent bien sans pouvoir, alors pourquoi pas nous ? Tu ne vois pas de différence. En plus le monde serait tellement plus juste. Les loups seraient moins au dessus de tout.


Tu te mets à dévisager la petite chose qui t'as retiré des nuages dans lesquels tu t'étais fourré. Tu te mets à l'observer sous tous les angles. Si bien que tu tournes autour d'elle d'un pas lent, presque protecteur. Elle lui ressemble tellement mais pourtant, elle semble plus petite et plus fragile. Ta belle était forte, et n'avait peur de rien, si bien qu'elle défendait sa famille contre ses propres parents. Cette louve semble avoir de ta belle. Elle lui ressemble tant. Mais semble si différente. Son contraire.

Tu recules soudainement en comprenant ton erreur. Si bien  que tu manques de tomber en te prenant une branche dans les pattes.

Ce ne peut pas être ta fille. Elle devrait être tranquillement dans le camp, pas sur les terres libres. Elle ne devrait pas être ici, sous la menace de tout danger potentiel. Elle est en danger au dehors. Elle devrait être sous la protection de la meute que tu as du quitter.

Soudain tu te sens mal. Un renard, quoi que plus gros qu'un normal, t'observes avec des yeux remplis de haine. Ton regard ne peut se détacher de lui, tu ne vois que sa fourrure de couleur rousse, si caractéristique de cette espèce. Tu grognes doucement, en une menace que tu ne peux contenir. Sauf que ce dernier se fait bien plus menaçant. Son regard te cloue sur place en fait, tu ne peux rien faire, sauf écouter ce qu'il a à te dire.


Tu n'as même pas le temps de grogner qu'une forte migraine t'abat au premier sens du terme, tu te sens partir de ce monde pour retrouver celui du noir de ton esprit.

Tu te reveilles quelques temps après, tu ne sais pas combien de temps tu as dormis, mais une chose est sûre, le soleil s'ets déplacé. Tu grommelles, et sursautes quand ton regard se pose sur ta fille qui attend là, juste à deux pas de toi. Tu la dévisages quelques instants avant de te lever doucement et de la regarder droit dans les yeux.

Il ne faut pas qu'elle te reconnaisse. Tu ne veux pas qu'elle te vois comme un père, tu ne le mérites pas. Tu l'as abandonnée, donnée à une autre pour fuir pour ta propre sécurité sans vraiment penser à la sienne. Ta belle aurait voulu que tu l'élèves, mais tu as été trop lache pour la garder auprès de toi, préférant la description que pouvais t'en faire un autre. Tu as préféré la trahir que de l'aimer et de la chérir comme n'importe quel père.


Tu manques de faire une grimace, mais te retient au dernier moment. Elle ne doit pas deviner quoi que ce soit. En fait, tu ne comprends pas comment elle peut demander une telle chose à un solitaire. C'est comme montrer le refuge à un ennemi. Même si je connais parfaitement le lieu, je ne dois pas y aller. Ce n'est plus ma vie, ce n'est plus mon monde, ce n'est que celui de ma fille. Je hoche tout de même de la tête avant de lui dire doucement.


Tu sais que tu te trahis dans tes mots, mais tu ne peux pas t'en empêcher, c'est contre nature pour toi. Tu dois savoir si elle est bien élevée, et si elle n'a pas de problème, pourtant tu ne le fais pas, tu ne peux que la ramener sans lui poser des questions sur ce qu'elle est désormais.


Tu lui fais un signe de la tête et commences à marcher en direction de ton ancienne meute. Tu pourras répondre à n'importe laquelle de ses questions, peut être en cachant la vérité.

C'est là que tu te mets à marcher en direction de cette meute que tu as du abandonner en même temps que ta file, désormais ici, en face de toi. Tu te souviens de toute cette douleur de votre séparation, même si elle ne doit as du tout se souvenir de toi. Elle t'as jamais vraiment connu, elle doit avoir un autre père. Tu n'es rien pour elle, mais tu n'arrives pas à te le rentrer dans la tête. Elle devrait être ta fille, mais en fait, en dehors des liens du sang, l'est-elle vraiment ? Tu ne sais pas si tu dois considérer cet être que tu as abandonné comme étant ta fille. Ce serait évident, mais tu bloques. Elle ne te connais pas, et que sais-tu réellement d'elle ? Rien. Tu ne sais rien. Elle est une louve totalement inconnue pour toi. Seul le sang vous unis. Tout ce que tu sais d'elle, c'est ce que ton espion te rapporte une fois par mois. Sois, pas grand chose. Tout ce qu'il te décrit pourrait être la vie de n'importe quelle louve dans ce monde. Peut être que tu devrais l'oublier, tout comme le fait d'oublier ta belle serait mieux. Tu devrais oublier tout ce qui te rapporte à ton ancienne vie et en fonder une autre. Peut être. Peut être que ça serait mieux pour toi. Mais tu ne sais pas, tu n'arrives pas à choisir entre oublier et te souvenir. C'est si compliqué. Tu es vide, mais en oubliant tu le seras peut être encore plus. Ton coeur n'st qu'une boule à moitié déchiquetée où il n'en reste que les fondations. Le centre étant un trou béant. Le fait d'oublier ne le réparera jamais. Peut être que les fondations s'effondreront si tu le fais. Peut être qu'elles ne tiendront plus. Peut être qu'elles t'emporteront avec elles.  


Tu as fait quelques pas quand tu te retournes vers cette louve qui est ta fille. Tu essayes de comprendre les mots qu'elle a prononcé. Des mots qui sonnent faux pour toi. C'est une louve tout à fait normale... non ? C'est là que tu t'attardes sur les yeux que tu n'avais pas encore remarqué. Pourtant, ce devrait être la première chose que tu aurais du faire. Ses yeux sont blancs. Aussi blancs que ceux des aveugles. Que ceux qui ne peuvent voir devant eux. Que ceux qui ont perdu ce sens précieux. Tu ne mets que quelques instants pour la rejoindre. En deux bonds rapides tu es à ses côtés, grondant, cherchant des causes pour ce malheur. Tu l'observes pour chercher la moindre blessure. Tu grognes quand tu te rends compte que tu l'as laissée seule, toute seule, sans avoir ce sens pourtant si important.


Tu sens la haine dans tes propos. Une rage pas du tout contenue. Tu veux tuer celui qui lui a fait ça. Lui faire payer.
  

Tu sens cette rage affluer en toi, remplissant tes veines d'elle. Tu ne ressens plus que ça. Tout le reste s'est envolé, si bien que tes yeux restent fixés dans ceux de ta fille. Tu ne les vois même plus, le monde se colore de rouge au fur et à mesure que le silence inonde le lieu. Tu n'entends plus qu'elle, qui afflue à toute vitesse dans tes oreilles. Cette vague de haine pure, qui ne demande plus qu'à sortir pour se défouler sur le moindre être ayant fait du mal à ta fille. Tu ne réfléchis plus comme tu le devrais, tu le sais, mais tu t'en fiches. Tu veux juste tout savoir du passé de ta fille, et la venger, tout comme tu aurais du venger ta belle. Elle doit être vengée, mais pour elle, il est bien trop tard. Il est possible que ses parents en soient la cause. Après tout, ils en avaient auprès de ta famille, et ta fille lui ressemble beaucoup trop. Une cible facile, reconnaissable. Une âme fragile qui ne demande que le même traitement que sa mère. Tu aurais du la protéger. Tu aurais du tout faire pour la faire vivre normalement, sans souffrance. Cette pensée t'enrage encore plus. Tu aurais du la protéger tout comme tu aurais du protéger ta belle. L'histoire se répète. Te poursuit, encore et encore.

 

Tu revois le monde qui t'entoure. Tu la vois reculer. Te fuir. Ton coeur se serre alors que la rage s'envole. Elle te fuit. Elle a peur du misérable que tu es devenu. Tu la vois reculer lentement, tout en gardant une posture de défense. Tu marmonnes un juron avant de t'approcher d'elle sans un bruit, un visage rempli de détresse en guise de masque. A moins que ce soient tes véritables sentiments ? Tu ne sais plus rien. Mais tu sais que tu as envie de la rassurer, et de lui faire comprendre que tu n'es aucunement le danger. Tu ne la touches pas, tu te contentes de te stopper proche d'elle pour murmurer.

 

Tu reprends alors tes distances pour la laisser respirer tout en l'observant du coin de l'oeil. Tu es juste assez proche pour qu'elle te suive dans le silence. Tu observes le moindre de ses pas pour discerner la moindre blessure dans ses pas. Tu as envie de massacrer celui qui a pu oser lui faire du mal, mais tu te mets à te poser des questions. Tout peut être la cause de sa cécité. Peut être l'est-elle de naissance, peut être est-ce une chute, ou bien alors c'est un choc bien trop violent qui le lui a causé. Tu n'en sais rien, mais tu ne peux pas t'empêcher de te poser des questions sur ce sujet. Si bien que tu ne l'entends même pas te répondre alors que tu suis le chemin vers la meute. Tu sais que ce territoire est loin, et en plus, tu ne sais pas vraiment si elle réussira à retrouver son chemin si tu la laisses à la frontière. Tu as envie de la ramener à l'alpha, mais tu n'es pas certain que Wistala, si c'est toujours elle, apprécie. Tu es censé ne plus être de la meute, tu ne peux pas retourner sur ce territoire que tu as fuit sans un mot ni une demande. Tu es parti sans un regard en arrière, et elle peut t'en vouloir. Tu ne crois pas qu'elle soit rancunière, mais tu ne peux être sûr de rien. Tout est possible avec les loups de cette meute. Tu as le droit de t'attendre à tes bras ouverts ou à une bataille au moment où elle poserait son regard sur toi. Tout est possible, et c'est pour cette raison que tu prends la décision de la laisser à la frontière quand vous arriverez. Elle devrait bien tomber sur une patrouille qui la ramènera au camp et donc à ceux qui doivent s'occuper d'elle.

Tu jettes de rapide coup d'oeil derrière toi pour ne voir que ta fille trembler de peur, quelque chose de bien normal. Tu soupires pourtant, elle est ta fille, tu devrais pouvoir lui donner confiance. Tu as envie de changer, mais tu ne peux pas. Tu ne peux pas lui dire la vérité, elle ne te croirait pas. La laisser dans le silence la protègera. C'est alors que tu vois la frontière, ou plus précisément les arbres qui la délimitent. Tu te retournes alors vers elle et lui dis doucement.