Oublier ses sentiments, c'est s'oublier soi-même ? Oublier son passé, essayer de faire un futur sans erreur. Est-ce que tu t'oublies ? Peut être. Cela serait si mieux. Pourtant, tu vois son visage. Toutes les nuits. Elle est ton souvenir. Elle était ta flamme. Cette flamme que tu veux oublier. Tu dois l'oublier. T'en sauver. Elle te consumait. Elle l'a consumée. Elle est morte. Devenue des cendres comme le pelage que tu portes. Elle t'a laissé derrière elle. Non, tu l'as laissée, tu l'as abandonnée après de ses parents qui l'ont tuée. C'est toi le fautif, et c'est ce que tu fuis. Tu fuis les erreurs, les fautes. Tu fuis les sentiments. Ils en sont la cause. Tu voulais la protéger, tu as failli. Tu voulais les protéger, ces deux males qui te ressemblaient, tu as tout autant failli. Tu n'as réussi à sauver que son double, sa pâle copie, bien moins joyeuse qui doit garder des traumatismes de cette journée. De cette nuit. Un cauchemar. Un cauchemar qui ne se finira jamais, il est trop tard pour y faire quoi que ce soit.

Tu ne veux plus fermer les yeux. Tu ne veux pas la voir réapparaitre derrière tes paupières. La flamme ne veut pas te lâcher, plus depuis qu'elle est morte sous tes yeux. En une punition trop sévère pour toi. Tu es lâche, peut être, mais le fait d'abandonner est tellement mieux pour toi. Abandonner pour mieux recommencer. Ou abandonner pour périr. Tu ne vois pas la différence. Tout est identique pour toi. Tu ne ressens plus rien. Plus depuis que tu te l'es interdit. Tu as tout lâché. Jusqu'à l'amour que tu devrais porter pour ta fille. Ta tendre fille dont Rhapsody s'occupe. Tu sais tout d'elle. Tu sais ce qu'elle aime. Tu sais avec qui elle traine. Mais au grand jamais, tu ne la regardée en face. Elle ne sait rien de toi. Elle ne connait pas ton nom, elle ne saura rien. Tu as interdit à Zenaïs d'en parler. Le faire ne servirait à rien, tu ne veux pas rajouter de poids sur les épaules de ta fille, au risque qu'elle refasse les mêmes erreurs que toi.

Tu entends un bruissement de feuille, si bien que tu te retournes à peine pour voir ce raton laveur avant qu'il finisse mort entre tes pattes.

Tu lâche le raton laveur qui tombe juste sur tes pattes avant. Tu sens sa chair chaude te réchauffer quelques secondes tes pattes avant que tu ne le pousses tout gentiment, comme si tu pouvais lui faire mal. On t'a appris à respecter la proie que tu chasses. Ce n'est aucunement la boule de mousse que tu t'amusais à courser avec les autres de ton âge. La proie est ce qui te permet de vivre, tu peux pourtant te passer de boule de mousse. Ton mentor état juste avec toi. Il t'a rendu aussi juste que possible, à son image en réalité. Et tu ne vas pas t'en plaindre, tu aimes être ainsi. Tu aimes faire des choses dans le respect. tant que tu ne mets pas tes sentiments dans le jeu. La chasse te libère, tu rends meilleur. Elle te permet d'oublier, quelques secondes. Elle te permet de penser à autre chose, à comprendre le monde qui t'entoure. Elle te permet de ne plus entendre sa voix dans ta tête qui te répète qu'elle aimerait que tu la rejoignes.  

Tu la vois. Chaque nuit. Tu l'entends sans cesse. Elle te répète de venir la rejoindre. Elle te dit qu'elle pourrait te sauver. Elle te dit tant de chose, mais tu ne peux que la combattre. Tu ne veux pas la rejoindre. Tu ne dois pas le faire. Tu sais que ce n'est pas ce qu'elle aurait voulu. Tu sais qu'elle aurait voulu que tu vives, tout comme elle veut que votre fille mène une vie sans accrocs. Tu sais tant de choses, et c'est ce qui te permet de combattre cette voix qui te répète de te laisser aller à l'encontre de sa patte que tu ne cesses d'essayer d'esquiver. Tu dois combattre.

Tu avances plus vite en direction de ce qui te sembles être une proie. Peut être qu'il y en a une dans cette direction, tu ne sais pas vraiment. Tu te contentes d'avancer vers là où le coeur t'en dit. Tu avances, sans t'arrêter, pa tant que tu n'auras pas trouver de proie à ton goût

Sauf que il ne te semble pas voir de proie. Elles sont absentes, parties de cette terre depuis longtemps. Elles ne sont pas là où elles devraient être, et tu ne sais pas pour quelle raison. Tu ne vois pas la moindre trace sur le sol de terre meuble. Tu ne vois pas la moindre touffe de poils accrochée au niveau des buissons. Tu ne vois même pas la plume d'un oiseau qui se serait fait attaquer. Cet endroit est aussi vide que doit l'être le monde après la mort. Ce qui attend tout le monde, le moindre être vivant de cette terre. Peut être y sont-elles déjà, qui sait ? Elles ne peuvent pas avoir disparues de toute part, elles sont juste dans un endroit que tu ne peux accéder. Elles te sont enlevées, cachées. Elles ne peuvent passer sur tes griffes, tu ne peux pas sentir le sang couler le long de tes poils.