Le soleil tape fortement sur mon pelage, le réchauffant de ses doux rayons si inattendues en ce moment de l'année. Les proies seront bientôt au chaud dans leur terrier, alors que nous, les loups, nous serons dans le froid extérieur. Il faudra que je me fasse quelques réserves de nourriture avant que le froid ne tombe véritablement et que je meurs de faim. Le froid viendra jusque ici, je le sais, cette clairière est peut être protégée par les arbres, mais elle ne peut être invulnérable lorsque le temps se dégradera plus rapidement. Je n'ai plus qu'un faisan et un lièvre dans mon petit tas de gibier, ce n'est plus grand chose, bientôt il n'y aura plus rien, c'est pourquoi je pars en chasse ce soir.

Je commence à marcher vers la rivière qui s'écoule en contrebas, juste derrière les arbres qui forment la limite de ma clairière. Je dois m'abreuver, c'est pour cette raison que je me dirige d'un pas rapide vers l'étendue d'eau. Après je chasserai, je me le promets, puisque personne ne peut me remplacer dans cette tâche. J'aime bien cette solitude, j'ai appris à en voir les bons côtés. Elle ne m'avale plus comme elle le faisait avant. Je ne panique plus à sa pensée. J'ai appris à aimer ce silence que seuls les oiseaux rompent alors que la lune se lève. De toute façon, je n'aime pas rencontrer de nouveaux loups, ils sont bien trop imprévisibles avec les vagabonds. Je n'ai connu que deux loups gentils avec moi, Henael et Rhapsody. Les autres n'ont fait que me faire fuir de leur territoire où ont alors cherché la tranquillité sans ma personne. Je leur ai toujours obéis, de peur de leur exploser dessus si jamais ils me prenaient pour une véritable menace. Je ne peux me permettre de rester là en courant ce risque. C'est pour cette raison que je préfère fuir pour trouver un endroit plus accueillant. De plus, toutes ces rencontres n'ont servies à rien. Aucun ne m'a réellement menée sur la piste de mon frère. Je ne peux plus me permettre de le retrouver dans ces conditions. Je dois arrêter de me mettre comme but le fait de le retrouver, ça ne sert à rien, il m'est inaccessible. S'il veut me retrouver, il pourra demander à Henael, elle le mettra sur ma piste. Je ne peux plus prendre le risque de retourner sur le territoire d'une meute qui ne veut plus de moi. Cette meute offre un trop grand gouffre à nos retrouvailles, et je ne peux en franchir la limite. De toute façon, je ne sais même pas s'il se souvient de moi, nous étions jeunes... Je ne pourrais le savoir que si nous nous croisons sur une terre libre un jour, mais je ne sais pas si cela arrivera. On en peut savoir ce que l'avenir nous réserve.

Je soupire lors que le bruit de la rivière gronde non loin de là. Les poissons doivent se sentir parfaitement bien dans cette eau à peine chauffée par le soleil à cause de sa course rapide entre les différentes terres. Je sais que quelques roches créent de petites cascades sur les côtés, et souvent je vois des poissons qui y sautent pour jouer. Je sors e l'orée de la forêt en descendant la petite pente escarpée. Je saute à la dernière foulée pour atterrir souplement sur le sol. Lorsque je parviens la rivière, je ralentis mon pas pour pouvoir sauter sur un rocher qui peut facilement supporter ma taille. Une fois la roche sous mes coussinets, je me penche pour accéder à cette eau fraiche.

Ma langue lape délicatement la surface de l'eau, amenant de ce liquide dans ma gorge. Sa fraicheur vient geler l'intérieur de moi, mais je m'en fiche, j'avais besoin de boire et j'en ai l'habitude. Je bois pendant quelques minutes, regardant en même temps les poissons qui nagent en dessous de moi. J'en vois un aux nuances oranges, qui est franchement hypnotisant. Je le regarde quelques instants, en même temps que ma tête remonte pour se retirer de l'emprise de l'eau. J'entends soudainement un raclement de gorge sui vient rompre le doux silence que la nature m'offrait. Qui peut bien être là ? Mon corps sursaute de lui même sans que je puisse faire quelque chose. Si, je m'accroche désespérément à la roche à l'aide de mes griffes quand je réatterris pour ne pas tomber dans cette eau froide. Mon regard se détache du poisson pour rencontrer celui d'une louve que je reconnais aisément. Celle qui ne voulait pas me voir dans le désert. Celle qui m'a demandé de partir ce que j'avais fait sans attendre. Que fait-elle là ? Si proche de ma clairière ? Je croyais qu'elle ne voulait surtout pas me revoir, et que je la dérangeait la dernière fois. Et si cette fois-ci c'était elle qui me dérangeait ? Non, moi je ne suis pas méchant. Je ne renvoie pas les loups des terres libres. je les laisse vaquer à leurs occupations sans attendre.

Je soupire et saute de mon rocher pour me mettre sur la même rive qu'elle. Je croise à nouveau son regard. Je ne m'approche plus, je suis à quelques pas d'elle, mais bien assez loin pour ne pas que j'explose, ce qui est l'essentiel à mon avis. Je souris à cette pensée. Exploser. C'est si simple de me faire exploser. Je ne bouge plus. Je continue néanmoins d'observer la louve.

Je la vois qui sursaute. Enfin elle fait tout comme. Je ne vois pas vraiment comment mes propos auraient pu la faire sursauter, mais bon, je ne suis pas assez sociable pour connaitre les autres loups et leurs comportements. On dit aussi que chacun est différent, que nous avons tous nos parts de mystères et de réactions pour forger notre personnalité. Je ne sais pas ce que les autres pensent de moi, et à vrai dire, je ne sais pas si j'ai envie de le savoir. Je ne veux pas penser à ce que les autres voient lorsque les loups m'observent. Je connais la vision que ma mère a de moi. Elle me voit comme le pire des monstres, je le sais parfaitement. Et c'est peut être ce que je suis. Je ne sais pas ce que je dois en penser, du coup j'arrêt d'imaginer et je laisse les autres avec leurs pensées. Tant qu'ils ne me crient pas que je suis un monstre cela me va parfaitement.


Elle me reconnaissait mais ne pouvait dire qui j'étais. AU moins c'était déjà ça, mais maintenant elle sait. J'hoche la tête avant qu'elle continue de parler.


Je sourie doucement. Je ne suis pas compliqué, des excuses toutes simples me suffisent, et encore, elle n'était pas obligée de le faire, je ne lui en voulais pas. Je ne suis pas méchant, je n'aime pas l'être. Je pouffe doucement, tellement que c'en est plus un soupire qu'autre chose.