Tu veux bien te promener avec moi ? || Ft. Dédé (Ahmadeuss)

Ca fait une bonne heure que j'attends. Maman est avec les grands, elle parle de je sais plus trop quoi. J'ai cru entendre "chasse", mais je suis pas sûr. Nana, elle est partie faire la sieste. On a fait des batailles toute la matinée ! C'était trop bien. Mais maintenant, elle est fatiguée. Et moi je veux pas dormir.

Je regarde avec curiosité les grands qui circulent. Ils sont pas nombreux, à cette heure ci soit on fait la sieste soit on chasse dehors. Mes yeux restent sur Ahmadeuss. Evidemment, je ne le connais pas beaucoup, il fait partie des grands, mais bon, quand on est le fils de l'Alpha, c'est un peu notre devoir de connaître ceux avec qui on grandit. Il est tout noir Ahmadeuss, mais y'a quelques reflets bleus. Je ne sais pas trop pourquoi mais voilà. Il a des yeux bleus aussi. Et une cicatrice. Elle m'intrigue elle. Elle court sur sa joue, je ne sais pas quand il l'a reçu, mais ça a dû faire mal.

Timidement, je m'approche du jeune chasseur. Il baisse les yeux sur moi et je soutiens son regard perçant. Je commence de ma petite voix :

- Salut... Tu... tu veux bien sortir avec moi ? Dehors. (J'ai un petit geste vers la forêt) J'ai pas le droit sans un grand. Tu veux bien ? J'm'ennuiiiie.

Je le regarde avec mes grands yeux. C'est rigolo, je me suis regardée dans une flaque, l'un d'eux change de couleur. Enfin l'autre aussi, mais moins.

Tu veux bien te promener avec moi ?

C'était une après-midi des plus tranquilles, la plupart des chasseurs étaient partis chercher des provisions étant donné que les réserves se tarissaient, ils n'auraient aucun mal à les remplir dans la journée, ils ne partirent donc qu'à 4 ou 5. Ayant été de chasse la fois précédente, j'en étais exempt cette fois, et restais donc avec le reste de la meute. Certains papotaient avec Elemiah, l'Aplpha, d'autres s'amusaient entre eux, je préférais laisser divaguer mes pensées en regardant le paysage. Enfin, elles divaguaient tellement que je ne le voyais bientôt plus. Je passai un certain temps que je ne saurai évaluer, debout à ne rien faire.

Mon flot de pensées fut interrompu lorsque le jeune louveteau d'Elemiah s'approchait de moi, timidement, me dévisageant de ses yeux si étonnants, l'un bleu, l'autre vert. Le simple fait de les regarder captivait l'esprit et avait déja réussi a calmer quelques -légères, il faut le dire- disputes entre quelques membres de la meute. Il s'approchait de plus en plus, jusqu'à me demander :

- Salut... Tu... tu veux bien sortir avec moi ? Dehors. J'ai pas le droit sans un grand. Tu veux bien ? J'm'ennuiiiie.

Je n'étais plus vraiment surpris de la quantité d'énergie qu'avait Shlava en réserve, mais il faut dire qu'après avoir passé la matinée entière à courir partout avec sa soeur, Henael, pour savoir lequel des deux était le plus lourd, je me demandais comment il tenait encore debout.

- Bonjour Shlava ! Je veux bien, mais il faut d'abord demander l'autorisation à maman. Tu n'es pas fatiguée après avoir courru toute la matinée ? Ca fait bien une heure que ta soeur dort.

- Bonjour Shlava ! Je veux bien, mais il faut d'abord demander l'autorisation à maman. Tu n'es pas fatiguée après avoir couru toute la matinée ? Ca fait bien une heure que ta soeur dort.

Je soupire et j’ai un petit geste de la queue. Mes épaules s’affaissent un peu et je le regarde d’un air implorant :

- Allez s’il te plaîîîît. J’ai pas envie d’attendre que Nana elle se réveille, je suis plus un bébé moi, je fais plus toujours la sieste ! Et puis Nana elle a mangé un papillon, c’est pour ça qu’elle dort, c’est pas bien de manger les papillons, et puis maman elle dira pas non, fin je pense pas, parce qu’elle veut pas que je sorte seul, mais là je serai avec toi enfin tu vois ?

Mes yeux sont toujours tout grands, et j’ai envie de le pousser vers la forêt, mais il est trop gros pour moi, je suis trop petit pour lui, si j’arrive à bouger sa patte se serait déjà énorme !

Tu veux bien te promener avec moi ?

- Allez s’il te plaîîîît. J’ai pas envie d’attendre que Nana elle se réveille, je suis plus un bébé moi, je fais plus toujours la sieste ! Et puis Nana elle a mangé un papillon, c’est pour ça qu’elle dort, c’est pas bien de manger les papillons, et puis maman elle dira pas non, fin je pense pas, parce qu’elle veut pas que je sorte seul, mais là je serai avec toi enfin tu vois ?

Je pris le temps d'inspirer profondément avant de chercher à répondre, non par agacement, mais parce que je me demandais comment un louveteau si jeune pouvait avoir autant d'énergie. D'où Shlava la sortiait-il ? Enfin, après tout j'avais moi aussi envie de me dégourdir les jambes. J'allais en toucher deux mots à Elemiah, sa mère, qui me donna son accord pour une petite ballade, puis retournais vers Shlava lui disant :
- Maman est d'accord, on va marcher un peu vers le Soleil, mais je veux que tu reste sage et que tu ne t'éloigne pas trop de moi, d'accord ?

Rien qu'à ces mots, Shlava commencait déjà à sautiller, mais à vrai dire je ne craignais pas tant cette sortie que la réaction d'Henael quand elle apprendrait qu'il était sorti alors qu'elle dormait.

Je sautille un peu en attendant sa réponse. Ahmadeuss va voir maman (c'est pour lui demander si elle veut bien, il a dit). Il revient, il a l'air content.

- Maman est d'accord, on va marcher un peu vers le Soleil, mais je veux que tu reste sage et que tu ne t'éloigne pas trop de moi, d'accord ?

J'ai un grand sourire, et puis je saute sur mes pattes. Je détale sur quelques mètres avant de revenir vers le grand.

- Promis je t'écoute ! On va par où ? Par là ou là ?

Je saute d'un caillou à un autre, regardant souvent derrière moi. Faudrait pas aller trop loin d'Ahmadeuss, sinon il sera pas content, et il le dira à maman, et maman sera pas contente, et je pourrais plus courir dans la forêt ! Le grand, il marche tranquillement, mais aussi, un pas pour lui, c'est 3 ou 4 bonds pour moi.

- Diiiiiiis ? Pourquoi t'es grand ? Y'a pleins de grands, et pas beaucoup de petits, on fait comment pour être grand ? Maman elle est grande. Mais Nana et moi, on l'est pas. Pourquoiiii ? T'as fait quoi pour devenir grand ? Hein ? Waouh !

C'est le spectacle qui est beau qui me coupe la parole. Enfin plutôt je me suis coupé tout seul la parole, comme un grand ! Les grands ils sont forts pour parler d'un truc et puis d'un autre sans... transition, je crois qu'on dit comme ça. Enfin c'est bizarre. On parle d'un truc, et pouf ! un autre, et puis si ça se trouve il répondra jamais à ma question sur les grands. Mais bon.

On voit pleins de petites cascades, ça fait de la brume c'est joli. Ahmadeuss, il a un petit sourire amusé. C'est vrai que ma tête doit être rigolote. Lui, il a pas l'air impressionné, peut-être qu'il a l'habitude. Je ne sais pas comment les grands ils peuvent prendre l'habitude à la beauté. Peut-être qu'en devenant grand on devient insensible à la beauté ? Comme on a moins mal ? Peut-être ? Faudra que je demande à Ahmadeuss, mais pour l'instant je préfère regarder la beauté là où y'en a. C'est à dire partout.

Tu veux bien te promener avec moi ?

Il en sautait de joie, c'était plutôt agréable, il en fallait si peu pour qu'il semble si heureux.
- Promis je t'écoute ! On va par où ? Par là ou là ?
Nous commencions à avancer, j'esasyais de ne aps aller trop vite, pour ne pas risquer que Shlava se perde en chemin. Du moins c'est ce que je pensais avant qu'il ne m'ait presque semé quelques fois. A chaque fois qu'il s'éloignait un peu, il regardait derrière lui pour voir où j'en étais, et j'essayais alors de presser le pas. Après quelques minutes, il avait fini par se mettre à côté de moi et à me fixer régulièrement.
- Diiiiiiis ? Pourquoi t'es grand ? Y'a pleins de grands, et pas beaucoup de petits, on fait comment pour être grand ? Maman elle est grande. Mais Nana et moi, on l'est pas. Pourquoiiii ? T'as fait quoi pour devenir grand ? Hein ? Waouh !
Cette question m'avait fait beaucoup rire sur le moment, j'essayais de me contenir afin qu'il ne pense pas que je me moquais de lui, mais il faut dire que je ne m'y attendais pas le moins du monde. J'essayais de chercher une réponse à la hauteur, alors que Shlava semblait être émerveillé par le décor, qui était magnifique, reconnaissons-le. Nous étions plutôt chanceux, Hikaris, d'avoir d'aussi belles terres si proche de notre meute. Nous continuions à avancer, je continuais a réfléchir à une réponse à donner, et surtout à un moment auquel la donner, étant donné que le louveteau était émerveillé dès qu'il tournait la tête. Qu'ils sont mignons à cet âge, un rien les étonne, les torrents, les oiseaux, les papillons (surtout les papillons). Ce chemin que je prenais souvent, il le prenait pour la première fois, j'étais content de le lui montrer.
Au bout de quelques minutes je proposais à Shlava de nous asseoir et de discuter un peu, j'essayais alors de lui répondre.
- Eh bien en fait les grands ont pas choisi d'être grands. Il faut attendre pour ca, tout le monde grandit, certains grandissent vite, d'autre moins, mais tout le monde grandit. Un jour toi aussi tu seras grand tu verras !
Je le voyais regarder autour de lui, il me rappelait mon enfance, qui n'était certes pas si loin, mais me semblait être à une éternité. J'étais heureux de le voir émerveillé à ce point. Je redécouvrais moi même ce parcours que j'avais banalisé. J'en avais presque une larme à l'oeil.

Ahmadeuss me laisse un peu regarder autour de moi, et puis après on repart. Il marche vite, et en même temps on dirait qu'il se retient d'aller plus vite encore. Au bout d'un moment, on traverse une nuée de papillons. C'est beaaaaaaaau. J'en poursuis un ou deux avant que le grand me disent de les laisser pour que je ne me perde pas. C'est à contrecoeur que je les laisse derrière moi.

Ahmadeuss continue de marcher, il connaît tout par coeur ici. Moi pas. Alors je regarde partout, c'est joli partout.

A un moment, le grand me dit de m'asseoir. Il veut répondre à ma question sur les grands, c'est ça qu'il a dit :

- Eh bien en fait les grands ont pas choisi d'être grands. Il faut attendre pour ca, tout le monde grandit, certains grandissent vite, d'autre moins, mais tout le monde grandit. Un jour toi aussi tu seras grand tu verras !

C'est vrai, j'écoute avec attention. Mais c'est vrai aussi que je regarde autour. C'est vraiment beau ! Je relève les yeux vers Ahmadeuss.

- Est-ce que pour devenir grand faut tuer ? Parce que je veux pas tuer. Même les papillons faut pas tuer. Maman elle dit que c'est parce que je suis trop compatinant. C'est vrai ? Parce que c'est vrai que j'aime pas tuer. C'est triste je trouve. Ils ont rien fait, les papillons, les lapins... Pourquoi les grands vous les tuez ?

Je reste un instant silencieux et puis je vis le bout de la queue d'un lapin qui disparait.

- Lapin !

Je saute sur mes pattes et lui cours après. Je manque de me prendre un buisson en pleine tête, et m'arrête dans un dérapage plus ou moins contrôler. Je regarde derrière. Oh. Il est passé où Ahmadeuss ? Il était là, et puis je suis passé sous la branche toute basse, celle qui pique. Avec un gros buisson qui pique après. Très bas. Chuis passé en dessous, mais ça piquait quand même. Mais après il me suivait plus le grand. Il est parti où ?

Il m'a laissé tout seul ?

Tu veux bien te promener avec moi ?

A vrai dire, Shlava n'avait pas l'air autant intéressé par ma réponse que par ce qui nous entourait. Je ne m'en vexais pas, loin de là, j'avais peut-être trop attendu pour lui répondre et il avait déjà la tête ailleurs. Peu après une nouvelle question arrivait.
- Est-ce que pour devenir grand faut tuer ? Parce que je veux pas tuer. Même les papillons faut pas tuer. Maman elle dit que c'est parce que je suis trop compatinant. C'est vrai ? Parce que c'est vrai que j'aime pas tuer. C'est triste je trouve. Ils ont rien fait, les papillons, les lapins... Pourquoi les grands vous les tuez ?
Hmm... Je ne savais pas vraiment quoi répondre, bien sûr qu'il ne fallait pas tuer pour grandir, mais il fallait bien manger tout de même, on allait pas mourir de faim pour ça. J'étais assez gêné de cette question, la seule réponse que je pouvais lui donner me semblait caducque.
- Lapin !
Je n'eus pas le temps de touner la tête qu'il était déjà parti à sa poursuite. Je me dépéchais de le poursuivre à mon tour, lorsqu'il s'arrêta, après quelques secondes de course. Nous étions assez loin de l'endroit ou nous étions assis, et on ne le voyait plus dans la forêt. Je voyais Shlava en panique, chercher partout pour savoir où j'étais passé. J'éatais derrière un buisson, a moins de deux mètres de lui, mais il ne me voyait pas. Mon instinct d'enfant (j'en étais encore un après tout, grand certes, mais enfant tout de même) me conseillait de jouer au loup avec lui, et de le prendre par surprise. Je m'approchais donc lentement derrière lui. Il ne me voyait pas, ne me sentait pas grâce à la légère brise qu'il y avait. J'attendais qu'il se retourne pour lui faire peur. C'était peut être idiot mais ca pourrait être amusant. J'espèrais qu'il ne m'en voudrait pas, une fois sortis de là.

Je comprends pas pourquoi je suis tout seul. Le grand, Ahmadeuss, il m'a abandonné ? C'est pas drôle ! Si ça se trouve, y'a un méchant grand qui va me sauter dessus ! Et je vais mourir ! Loin de maman ! Et tout seul ! C'est triste ça.

Je regarde autour de moi, mais les buissons sont vraiment hauts par rapport à moi. C'est pas drôle, je vois rien. Je m'apprête à revenir sur mes pas (on sait jamais) quand une forme un peu floue apparaît dans mon champs de vision. C'est grand, ça me fait peur. Par réflexe, je me retourne pour faire face au truc qui me fait peur. C'est un truc graaaaaaaand ! Je lève les yeux pour monter en haut de la montagne noire, mais je vois que des crocs. Un sourire carnassier ? Je lance un coup de patte par hasard. La montagne lâche un cri. Elle devait pas s'attendre à ce que je me défende, et à ce que je l'atteigne. Si ça se trouve, la montagne se croyait plus rapide que moi ! Mais une montagne, ça bouge pas ! Donc j'ai raison.

Je décide de m'enfuir avant que la montagne se décide à bouger. Je me faufile sous mon buisson qui pique et je cours loin devant moi. Je regarde même pas vers où je vais, mais je crois que l'odeur de la meute se rapproche vraiment. Si ça se trouve, j'arrive au camp ?

Tu veux bien te promener avec moi ?

Shlava semblait chercher son chemin, normal après tout, il devait avoir un peu peur, et il me cherchait certainement. Je restais à côté de lui sans bouger. Après s'etre retourné, Shlava m'a laché un coup de patte et est parti. Il ne m'avait certainement pas reconnu. Je me lançais à sa poursuite, ça commencait a mal tourner. Et puis c'est qu'a force de courrir après Henael pour savoir lequel est le plus lourd, il s'était entrainé a courrir vite le petit. J'essayais de toutes mes forces de le ratrapper, je pouvais tout au plus stabiliser la distance, meme si je courrais plus vite, il passait plus facilement les obstacles. Voila l'inconvénient à être grand. Les buissons on les prend de front quand on est grand, on ne peut pas passer par dessus la petite branche à côté puis se jeter sous la racine juste derrière. Je tentais de crier pour le faire revenir.
- Shlavaaaa ! Reviens ! Cétait moi, Ahmadeuss !! Reviens !
Je n'avais pas l'impression qu'il m'entendait, ni qu'il se fatiguait, et une odeur qui ne me rassurait guerre s'approchait, je ne savais pas laquelle, je n'y faisais pas attention. Si Shlava arrivait sur un ennemi il était en danger, et si il arivait à la meute j'étais en danger. Dans les deux cas, il me fallait le ratrapper le plus vite possible. Heuresement nous arrivions dans une clairière, il y avait moins de branches et de racines, je pouvais donc ratrapper Shlava. Je lui sautais dessus, et le maintenais au sol, alors qu'il continuait de s'agiter.
Eeeeeh ! C'est moi ! Ahmadeuss ! Calme toi.

Mais il me poursuit ! Naaaaaaaan ! Je veux pas mourir ! Je suis trop petit pour mourir ! Je jette un regard en arrière, mais la montagne noire est toujours là. Heureusement qu'elle est grande, elle passe pas sous mon buisson. C'est bien ça.

Je cours toujours. Je ne sais pas vers où je vais. Et il est où Ahmadeuss ? Maman va pas être contente quand elle va savoir que je suis resté tout seul. Olala elle va peut-être crier en plus ! Mais... C'est un peu ma faute, c'est vrai.

C'est bizarre, la montagne elle s'est mise à crier. Elle dit quoi ? Je sais pas trop. J'ai cru comprendre mon nom -Shlavaaaaaaaa- avec pleins de a, c'est important, parce que la montagne a dit en tenant le a. Alors pleins de a pour mon nom. Mais d'où elle connait mon nom la montagne ? Si ça se trouve, ça fait longtemps qu'elle me suit ! Et qu'elle veut me manger ! Si ça se trouve, c'est elle qui m'a montré le lapin pour qu'Ahmadeuss me suive pas. Méchante montagne !

Je cours toujours, mais les vibrations sous mes pattes m'annoncent que la montagne avance plus vite que moi. C'est nul. Je débouche dans une clairière. Mais nan ! C'est pas drôle ! Maintenant il me voit trop !

Je regarde à droite à gauche mais y'a rien. Je peux même pas me cacher !

C'est bon, la montagne elle me saute dessus. Ses grosses pattes me retournent et viennent presser mes épaules contre le sol. Alors déjà, ça fait mal, et ensuite, ça fait peur.

- Eeeeeh ! C'est moi ! Ahmadeuss ! Calme toi.

Quoi Ahmadeuss ? La montagne a déjà mangé le grand !? Mais c'est pas gentil ça ! J'ai envie de crier, et puis je me dis que la montagne va me manger, c'est sûr. J'ouvre un oeil puis deux. Bah oui, quand je me suis fait plaquer, j'ai fermé les paupières, je voulais pas voir la montagne me manger.

En vrai, la montagne, quand on voit ses yeux, c'est pas la montagne. C'est Ahmadeuss. Alors comme ça il sait se transformer en montagne lui ? Il est grand, c'est vrai. Mais je suis sûr que la montagne a juste disparu en le voyant. Oui c'est ça, lui c'est pas la montagne, il a fait peur à la montagne.

Ahmadeuss, gentil grand, Montagne, méchante grande. Les grands ne sont donc pas tous gentils. Mais pas tous méchants non plus. Je me demande comment on fait pour savoir qui est gentil qui est méchant. Peut-être que quand on devient grand, on sait ça. Faudra que je demande à Ahmadeuss.

Enfin non, autant lui demander maintenant, comme ça je m'en rappelle. Toujours sur le dos, entre les pattes avant d'Ahmadeuss, je fais d'une voix rêveuse :

- Dis Ahmadeuss, comment on arrive à reconnaître un méchant grand d'un gentil grand ?

Il a l'air surpris. Moi je sais pas pourquoi il est surpris. Je trouve que ma question est logique en fait. Parce que si j'avais su, j'aurais mieux compris que la montagne grande était méchante.

Tu veux bien te promener avec moi ?

Shlava continuait de se débattre comme s'il avait vu un fantôme. C'était incroyable l'énergie qu'il lui restait apres cette course. On aurait dit qu'il avait vraiment eu peur, je ne comprends toujours pas de quoi, il ne m'avait sans doute pas reconnu. Je forcais de plus en plus sur mes pattes pour le maintenir au sol, et, enfin, il ouvrit u oeil, puis le deuxième, et me reconnut. Il prit quelques secondes à continuer de se débattre avant de me reconnaitre. Cette fois c'était sur, il venait d'avoir la peur de sa vie. Il me regarda quelques secondes encore, il avait l'air pensif, puis me demanda :
"Dis Ahmadeuss, comment on arrive à reconnaître un méchant grand d'un gentil grand ?"
Hein ? Qu'est-ce que... ? Donc, là en gros, Shlava venait de courser un lapin, moi de le courser puis lui de me fuir on ne sait trop pourquoi, on venait de passer deux bonnes minutes à se débattre avant qu'il me reconnaisse, et c'est la premiere chose qui lui vient à l'esprit. Mon coeur venit de prendre un sacré coup, j'essayais de reprendre mon souffle, tout en hésitant à gronder Shlava pour cette course poursuite, mais je n'en avais même pas envie. Puis c'était un enfant, il venait de se faire peur tout seul, certes il était en danger, mais je pense qu'il l'avait lui même compris. J'hésitais a lui dire qu'on rentrait, puis m'assis, regardais autour, puis me dis que c'était une bonne occasion de lui apprendre quelque chose, plutôt que de le gronder.

J'inspirai profondément, en essayant de ne pas avoir l'air agacé -un air qui vient très vite quand on inspire profondément-, je ne voulais absolument pas le vexer.
"Les méchants te veulent du mal. Les gentils veulent te protéger. Parfois, les méchants te montrent qu'ils te veulent du mal, si tu peux les battre, vas-y, si tu ne peux pas, fuis. Ne tente pas le diable pour un combat s'il est trop risqué. Essaye de te battre le moins possible, et de frapper le moins possible, sauf si tu y es obligé, à ce moment là, il faut frapper fort. C'est pour cette raison que je m'entraine autant, mon but n'est pas de me battre, mais de pouvoir me défendre si j'y suis obligé. Ces méchants là, tu n'as qu'a t'en méfier, mais les plus méchants sont ceux qui ne te montrent pas qu'ils sont méchants. Ceux là, tu apprendras à les reconnaitre quand tu seras grand."

J'essayais de me concentrer sur son regard, de le captiver autant que possible, et de m'arreter dès que je sentais que je le perdais. Il était toujours aussi distrait et émerveillé par la nature après tout.

- Les méchants te veulent du mal. Les gentils veulent te protéger. Parfois, les méchants te montrent qu'ils te veulent du mal, si tu peux les battre, vas-y, si tu ne peux pas, fuis. Ne tente pas le diable pour un combat s'il est trop risqué. Essaye de te battre le moins possible, et de frapper le moins possible, sauf si tu y es obligé, à ce moment là, il faut frapper fort. C'est pour cette raison que je m'entraine autant, mon but n'est pas de me battre, mais de pouvoir me défendre si j'y suis obligé. Ces méchants là, tu n'as qu'a t'en méfier, mais les plus méchants sont ceux qui ne te montrent pas qu'ils sont méchants. Ceux là, tu apprendras à les reconnaitre quand tu seras grand.

Il parle longtemps le grand Ahmadeuss. Parfois je débloque un peu, c'est compliqué quand même la notion de bien et mal. Mais je crois que j'ai un peu compris. Gentils, c'est bien, je peux faire confiance. Méchants, c'est mal, je dois me cacher, ou fuir ou moins. Maman, Nana, et Ahmadeuss, c'est des gentils. La grande montagne, c'est une méchante. Ca j'ai compris.

Je gigote pour qu'il me laisse partir Ahmadeuss, ca me fait mal de rester sur le dos. En plus il est lourd, et puis mes épaules elles ont mal, et mon dos aussi, et derrière ma tête, et puis mon coup parce que ma tête elle est lourde, et en même temps c'est agréable par terre, la boue elle est douce comme de la mousse, et un peu chaude aussi. Enfin voilà, je gigote, et finalement je glisse entre les pattes avant du grand, et puis je me lève.

Y'a de la boue plein mon poil, c'est beurk, en plus ça commence à sécher, ça donne froid, et puis ça colle, c'est dur, ça gêne mes mouvements. Je secoue la tête, des gouttes giclent un peu partout, et puis ça me fait un peu perdre l'équilibre, elle est lourde ma tête.

Je reprends mes quatre pattes par terre, je pose mon derrière sur le sol et relève le menton vers Ahmadeuss.

- Dis Ahmadeuss, on peut rentrer ? Je suis fatiguée maintenant, et puis maman elle doit s'inquiéter, non ? Ca fait longtemps qu'on est partis... Hein Ahmadeuss ?

Tu veux bien te promener avec moi ?

Shlava était plein de boue, je le voyais fatigué, tenter de se débattre, de se débarasser de la boue qu'il avait sur lui.
Dis Ahmadeuss, on peut rentrer ? Je suis fatiguée maintenant, et puis maman elle doit s'inquiéter, non ? Ca fait longtemps qu'on est partis... Hein Ahmadeuss ?
Il avait bien raison le petit, il commencait a être tard, il devait avoir faim - moi aussi, accessoirement - et je le voyais bailler toutes les minutes, il était grand temps de rentrer au bercail.

Je le portais sur mon dos, et me dirigeai vers la meute, d'un bon pas pour rentrer aussi vite que possible mais pas tro prapide non plus, le louveteau s'était endormi. Plein de boue, bien sur. Il allait devoir passer un petit moment au cours d'eau pour se débarbouiller. Moi aussi du coup. Et ca va pas être une mince affaire de le réveiller pour le laver.

Arrivé à mi-chemin je repensais à la journée que nous avions passée. Elle était passée tellement vite... (5 mois a peine *tousse*)