Le ciel était gris, gris comme mon cœur, enfin, je le supposais, avec ce qui hantais mon esprit, il devait être plutôt noir. Cela ne changeait pas le cours du temps et encore moins la météo. Je repensais à la parole de Nanis et celle de mon frère. Je ne savais plus qu’elle était mon rôle, je passais de plus en plus de temps sur les terres neutres que sur celle de ma propre meute à laquelle je devais jouer mon rôle, mais ce rôle m’agaçait plus qu’autre chose, je voulais devenir delta, mais par principe, pour honorer la mémoire de ma mère, j’avais décidé de rester ainsi. Mais cette décision ne me rendait pas heureux. Comme le disait Nanis, tout parent cherche le bonheur de ses enfants, mais qu’était le bonheur ? Je n’étais pas normal, j’avais ces voix dans ma tête qui me hantait jour et nuit. Pourtant, je me sentais si seul, abandonné. Ils étaient là, toujours là et plus de parent avec qui partager ma peine, personne pour me dire qui j’étais réellement. J’étais comme un fantôme hantant mon propre corps, déambulant sur la terre glacée par la neige. Qui suis-je ?

Il y avait une présence non loin de moi, mais je n’y prêtais aucune attention. Me tuera-t-il ? Seul l’avenir nous le dira. Je n’étais pas suffisamment concentré pour m’inquiéter des présences qui se trouvait autour de moi. Mes spectres guettaient l’individu, ils avaient peur pour moi, car si je mourais eux aussi succomberais. Pensaient-ils plus à eux qu’a moi ? Je ne saurais le dire, peut-être qu’eux même ne le savent pas. Je continuais mon chemin jusqu’à un étant et m’abreuvais de sa pureté. Sans adresser le moindre regard à celui qui était tout proche de nous j'ouvrit la gueule et laissa les mots sortir de ma gorge.

« Qui es-tu ? Et que fais -tu ici ? »

Il répéta les mêmes mots que les miens. Il n’avait pas l’air si agressif, mais plus dépressif. Étais-ce plus dangereux ? Je ne saurais le dire. Il y avait de toute évidence une ressemblance entre lui et moi, seulement moi, je n’étais pas réellement moi, mais plus nous dans ce cas. Cela devait être la seule chose qui nous différenciait, ainsi que notre pelage bien sûr. Il semblait disant et froid, comme nous, mais en plus glacial. Je semblais ne rien craindre en sa compagnie.

« Je ne suis qu’un simple oméga loin de sa meute et de son devoir, et toi, je t’avais posé la question en premier, il me semble. »

Je me tournais pour être face à lui, je sentais mes spectres s’agiter pour une raison que j’ignorais. De l’actions, voilà ce qu’ils désiraient tous. Mais le mâle blanc sembla fort désintéresser de toute violence. J’enfouissais mes voix au plus profond de mon cœur. Ils devinrent silencieux et observaient la scène qui se déroulait sous nos pupilles.

Il était proche, trop proche même. C’était comme s’il nous défiait. Diablo s’excitait de l’intérieur, il voulait sortir pour me protéger, ou pour jouer, je ne pouvais pas savoir, je ne comprenais plus ce sensées qui se mélangeait aux miennes. Que faisait -il, il était censé être au fond de mon âme, je le sentais, il voulait m’arracher les tripes et sortir de mon corps.

Il parlait doucement et s’approchait de plus en plus de nous. Il ne pouvait pas savoir la souffrance qu’il me faisait endurer. Je faisais tout pour contenir Diablo, mes autres voix ne faisaient rien pour le retenir, tout se mélangeait dans mon esprit. Peu à peu, Diablo prenait le contrôle du corps durant un laps de temps. Je n’étais plus maître.

« Si tu trouves que tu es loin de ta meute pourquoi ne retourne tu pas en arrière ? À moins que tu fuies ce que tu sembles hésiter à considérer comme ton devoir ? Simple Oméga... J'ai croisé un oméga autrefois, il était faible et a essayé de se faire passer pour un fort, tu me sembles être tout le contraire. »

Un grognement sortit de ma gorge, mais ce n’était pas moi, et ce n’était pas ma voix. Faible, j’étais faible face à eux, mais je les aimais, car elles aussi les aimaient.

« Oui, nous sommes puissants, bien plus fort que tous ceux de notre rang ! Mais lui ! Il nous a enfermé dans cet espace si étroit ! Il ne comprend pas, il ne comprend rien ! Ils sont si méprisables ! Peux-tu ressentir la haine qui nous envahit ? »

Le regard émeraude se posa sur le loup blanc, les crocs sorti, Diablo était prêt à défendre la vie de son maître. Nehëmah était piégé dans son propre esprit et laissé libre court à l’une de ses voix qu’il avait tant essayé d’emprisonner au fond de son corps. Diablo n'avait peut-être pas réussi à invoquer son corps spectral, mais il avait réussi à prendr ele contrôle du corps du loup gris.

Le blanc parlait calmement, sans aucune agressivité, Diablo ne cherchait pas les conflits, enfin ce n’était pas mon impression. Il avança sur l’étang, gelant l’eau au contact de ses pattes. Diablo restait inerte, il observait chacun de ses paroles. Il observait la gueule du mâle blanc avec la plus grande attention. Il était calme, mais pas totalement, il gardait son énergie. Je sentais son spectre dans ma tête, il était si intense. Le blanc le provoqué, je pouvais le ressentir, car c’était une part de moi. Je tentais de reprendre le contrôle de mon corps, c’était difficile, mais j’étais le maître des lieux ! On se battait mutuellement, esprit contre esprit. Il était fort, et contre toute attente, il me redonna la place qui m’était du. Je reprenais contrôle de moi-même, tournant la tête à droite puis à gauche, de haut en bas, dégourdissant mes pattes. On fixa le loup blanc. Il était au milieu du lac, une parcelle autour de lui était gelée. Il était là et nous provoquer, ou plutôt provoqué mon autre moi.

« Si tu veux te battre, je t'en prie ne te retient pas, mais tu n'as pas choisi un terrain à ton avantage... Je me pose une question, si ce corps venait à mourir d'hypothermie survivrait tu ? »

Il rirait dans mon corps, celui qui s’exprimait ne connaissait pas la véritable nature de Diablo et de mes autres moi. Mes spectres, ne pouvaient mourir, car ils n’étaient, en aucun cas, matériel. Mon regard devient plus intense et une boule noire sortit de mon pelage grisâtre, la boule devient un cerbère fantomatique, il traversa le ciel pour entourer le mâle blanc qui était au milieu du lac.

« Regarde-moi dans les yeux ! Vois ce que je suis. Qu’oserais-tu faire à mon maître ? Oserais-tu nous défier ? Nous sommes plus fort que tu ne le crois. »

Le regard rouge sang de Diablo s’intensifier, lui qui désirait voir le jour depuis si longtemps. Il avait besoin d’espace, tout comme les autres moi, mais je ne pouvais les laisser sortir au sein de la meute. Je l’avais promis à ma mère, je lui avais promis de les cacher. Je baissais la tête, je ne savais plus quoi faire, je ne pouvais plus vivre ainsi et eux non plus.

Diablo ne quittais plus le regard du mâle blanc, il soutenait sa férocité, il savait qu’il ne risquait rien à cause de son aspect, mais il le défiait du regard tout en observant chaque changement de comportement. Malgré son envie de combattre, il me protégerait toujours quoi qu’il arrive.

Un sourire fendait le visage du spectre. Mon corps était au bord de ce lac qui venait de geler, je n’avais pas peur, car on devait tous mourir un jour. Je laissais mon spectre dominer le mâle blanc. Bien que sa glace fût rapide, on pouvait l’être encore plus en s’enfonçant dans les ténèbres. Je laissais mon esprit vagabonder entre les pattes spectrales de mes voix. Ils aimaient se sentir libres, c’était pour cette raison que je quittais de temps en temps la meute pour leur laisser un semblant de liberté, mais quand je leur en offrais un peu, ils demandaient mon corps. Par moment, je les laissais faire, ne voulant pas m’opposer à leur volonté. Je n’étais qu’une marionnette au fond, je le savais depuis longtemps, peut-être même depuis ma naissance, mais j’avais laissé le destin faire son travail. Je n’aurais peut-être mieux ne jamais existé, mais en repensant au doux visage de ma mère, pour rien au monde, je n’aurais voulu laisser ce moment à un autre sous aucun prétexte. Mon spectre souriait devant les propos du loup blanc. C’était ce sourire méchant et qui montrait sa domination. Je le laissais interagir avec le blanc, sans prendre par a cette discussion. Personne ne comprenait, personne ne le pouvait aussi. Je m’assoyais donc, observant les évènements.

« A quoi cela nous servirait-il de te tuer si personne n’est là pour regarder ? »

Il continuait à tourner autour du mâle comme si c’était une vulgaire proie. Il ne lui portait pas le même regard qu’avec les autres canidés. Diablo ressentait le sang dans l’âme de cet individu. Un sang bien caché au fond de lui, une chose que les yeux ordinaires ne pouvaient voir. C’était étrange, mais Diablo n’aurait pas peur de se battre contre lui. Nous ne fuirons pas devant l’adversaire, on se battra jusqu’à la mort. Il tournoyait autour de ce corps dégageant de la fraîcheur. Il reniflait son odeur spectrale, décelant diverses odeurs de sang. Cela le remplissait de bonheur et de désir meurtrier.