Le monde et la famille [PV

«Le monde et la famille»
Avec Naraka

Aussi sombre que les ténèbres je sors. Escaladant chaque petite roche, je gravis. Sans regarder derrière moi, j’avance. Ceci n’est qu’un petit pas par rapport aux adultes, mais pour moi, moi qui viens de voir le jour il y a quelques heures, je comprends déjà que je ne suis qu’une faible chose, qu’un grain de poussière à côté de mère et de père. Pourquoi si petit ? Je ne suis riens qu’une brindille fragile, pourtant, je foule la mousse de la grotte pour rencontrer le monde extérieur, ce monde qui ne sera sans pitié dès le début, l’affronter dès maintenant ! Je vois le jour. Cette lumière intense qui brûle mes pupilles et pourtant, je continue à maintenir mes paupières ouvertes, à me faire souffrir les yeux, car je sais que plus tard, je vivrais bien pire. Commencer à vivre dans la souffrance, sinon je ne comprendrais jamais… Encore un peu plus et je toucherais la poussière. J’écraserais les insectes qui ramperont le sol, ceux dont la vie n’aura aucun intérêt, montrer sa force sinon je ne mériterais pas de vivre. Dehors, j’observe le monde, il est grand, mais bientôt, il sera normal. Je n’étais rien, rien qu’une boule de poil, mais j’acceptais ma condition de faible pour le moment.

Non loin de moi, derrière, il y avait mon frère. Il faisait toujours beaucoup de bruit. Je ne le comprenais pas. Pourquoi était-il mon frère ? Aussi pitoyable que moi, il était faible, rien qu’une brindille frêle qui risquait de mourir. Pourtant, j’étais comme lui, aussi fragile et vulnérable au danger, mais je savais qu’un jour, on dominera cette terre qui n’est que poussière. Assise, observant la grandeur des arbres, la petitesse des insectes, toute sorte d’odeurs nous entourait. Toute aussi alléchante et fantastique. Tout se mélangeait dans mes narines, mais j’avais confiance en celle qui m’avait donné vie.

Tournant la tête pour observer celui qui avait habité la tanière avec moi et Requiem depuis le début était tout proche. Sa respiration était forte, bien plus forte que la mienne qui avait réussi à se calmer depuis un petit moment. Je ne lui disais rien, je n’avais rien à dire d’ailleurs, on avait juste le même sang, c’était la seule chose qui ne faisait pas de lui ma première cible pour quand je serais plus grande.

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Le monde et la famille

Je fulmine. Ou non, c'est juste mon sang qui devient plus chaud. Je ne sais pas trop. Je ne sais pas s'il y a une différence.

Quand je suis né, déjà, j'étais pas content. C'est dur de naître. C'est long. Gluant et chaud aussi. Ça fait mal. La pression sur mon corps. Le froid soudain. Le choc qui me paraît démesuré avec le sol. Ce sol si dur, si bizarre sous mes pattes. Puis les crocs de maman qui se plante dans mon cou. Pas bien profondément mais quand même. Cette frêle peau qui soutient tout mon corps. Je me demande comment elle ne s'est pas déchirée.

Et puis pas longtemps après, les yeux qui s'ouvrent, avec la lumière qui fait si mal, qui va comme une griffe jusqu'au cerveau, qui brûle tout partout sur son passage. Mon propre poids me fait mal. Je suis trop lourd. C'est pas bien ça.
Mes pattes qui ne veulent pas rester sous moi. Le sol dur, avec tous ses cailloux qui vont pleins dans mes coussinets. Je suis trop lourd pour mes pattes. Maman a dit que c'était parce que je n'étais pas assez musclé. Oui, bah je devrais être moins lourd. Comme ça se serait bien dès le début.

J'avance d'un pas, regarde derrière moi. C'est encore un peu flou, mais je reconnais maman, elle est avec Requi. Requi, c'est ma soeur. Enfin une de mes sœurs. L'autre, elle est partie. Elle m'a devancé. Je voulais pas. Je voulais être le premier à sortir. Déjà que moi je suis né le dernier... Bon, au moins, c'est Requi qui sera sortie en dernier de la tanière.

Je lève une patte, la repose lourdement et vivement. J'ai aucun équilibre. Je souffle bruyamment par les narines. Réessaie. Bon, si j'avance plus vite, je perds moins l'équilibre. Les gros cailloux me bloquent le passage. Je suis trop petit. C'est pas bien. Maman est grande. Très grande. Moi je fais la taille de son gros coussinet. Je suis petit. Trop petit. Maman, elle passerait au-dessus de tout trop facilement, moi je suis obligé de contourner, c'est plus long, plus dur, tout ! Je grandis vite, ou alors je me venge.

Je cligne des yeux. Les rayons sont forts. Je lève la tête. L'astre tout blanc me brûle la rétine mais je continue à regarder. C'est beau. Quand je serai grand, je serai comme ça. Tellement imposant et brillant qu'on pourra pas me regarder sans se faire mal. Je détourne le regard. De petits points blancs dansent devant moi. Je lève un griffe pour essayer d'en attraper une mais je perds l'équilibre et tombe le museau en premier. Contact avec le sol. Aïe. Je renifle et éternue. Poussière dans mon nez.

Je secoue la tête et reprends mon ascension. Plus j'avance, plus y'a de la lumière. Je respire avec grands bruits. Ça m'embête. Nan mais c'est quoi cette discrétion de... de je sais pas quoi ?!

J'arrive enfin tout en haut. Xil elle est déjà là. C'est elle mon autre soeur. Celle qui est sortie avant moi. Mais je ne l'attaquerai pas. C'est ma soeur. Si c'était quelqu'un d'autre, je le ferai. Mais elle, elle est ma soeur, et la famille c'est important. C'est sacré la famille, on y touche pas, même quand on l'aime pas. On doit la protéger.

Je m’assoie. Essaie de reprendre une respiration moins laborieuse. Petit à petit. J'observe tout autour de moi. C'est lumineux. Mais bon voilà. Beaucoup de blanc. Du noir. Un peu d'une couleur entre les deux. Du gris, voilà. Mais surtout du blanc.

Au milieu, y'a une grande étendue d'eau blanc un peu plus foncé. Tout autour, des arbres. Beaucoup, avec de très grandes feuilles, mais tout en haut. Des grosses boules noires aussi. Y'a des buissons, des fougères avec leurs très longues branches. Et tout autour, le désert, les dunes de sable presque blanc.

Il fait chaud. Plus que dans la tanière, là où je suis né, où maman et Réqui sont. Je sais pas où est papa. Je l'ai pas encore vu. Maman dit qu'elle est pressée de nous présenter à lui. Mais je sais pas moi comment il est.

Je respire enfin normalement. Je cligne des yeux. Et puis je regarde ma soeur. Elle est toute petite. Enfin moi aussi. Toute noire, avec des yeux plus clairs, gris clair, mais pas blanc foncé non plus. Je me demande à quoi je ressemble moi. Je détourne le regard et reprend mon observation des dunes. Je me demande ce qu'on peut trouver dedans, et au delà...

«Le monde et la famille»
Avec Naraka

Le monde était immense et on était que deux choses frêles faces à cette vie qui nous attendait. Le vent était chaud, il se glissait sous le sable pour refroidir nos coussinets qui brûlaient sous cette chaleur étouffante. Nos poumons se remplissaient de cet air pur et brûlant. Chaque jour, on s’habituait un peu plus à cette terre hostile. Un monde dangereux, mais qui nous faisait vibrer à chaques secondes. On recherchait cette sensation, ce sentiment qui nous rendait vivant. Les serpents se cacher, cherchant la fraîcheur sous les dunes de sable. Je tournais la tête vers l’endroit d’où je venais. Derrière moi, se trouvait Naraka. On était si différent et pour on se ressemblait bien plus qu’on ne le pensait.

Je ne lui accordais aucune parole, aucun mot gentil, je le considérais comme un vulgaire insecte, alors qu’il venait du même endroit que moi. On était frère et sœur et pourtant, je ne l’aimais pas suffisamment pour lui dire, je t’aime. Je l’appréciais si peu, que rien de le voir me donner envie de vomir. Je pouvais partager ma nourriture avec lui parce que mère le désirait, mais sinon je ne l’aurais jamais fait. Il n’était pas faible, c’était s’en doute pour cette raison que je ne pouvais l’appréciais. Ou plutôt, parce qu’on cherchait tout deux à être le dominant et qu’il ne pouvait y avoir qu’un seul. Je ne pourrais peut-être pas le tuer, mais je devais admettre qu’il était né pour être mon adversaire et que j’étais fière.

Je le regardais dans les yeux, je m’approchais de cet être frêle tout comme moi et lui léchait la joue. Cela serait sans doute le seul signe d’affection que je lui accorderais.

« Tu es mon frère, mais tu es aussi celui que je dois surpasser, soyons digne de mère. »

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Le monde et la famille

Un certain temps passe avant que Xil bouge. Elle se retourne vers moi, avance. Et puis soudainement, elle me lèche la joue.

- Tu es mon frère, mais tu es aussi celui que je dois surpasser, soyons digne de Mère.

Je lève la patte et pousse son museau avec une grimace.

- Heurk !

Je fronce le nez, la regarde de travers. Mais c'est dégoûtant ! Quand c'est Maman, ça passe encore, mais Xilven !? Qu'est ce qui lui arrive ? Faut pas me dire qu'elle devient sentimentale. On se connaît pas beaucoup encore, on a que quelques heures chacun, mais quand même, Xilven quoi ?!

- Qu'est ce qui te prends ? Me dis pas que tu faiblis, ce serait trop triste de perdre ma seule adversaire du moment. Gagner, c'est bien, mais par forfait, ça sert à rien.

Je souffle bruyamment et m'approche pour coller mon museau au sien. J'appuie si fort que ça fait un peu mal. Mais comme ça, je la regarde dans les yeux, dans ses yeux gris clair mais pas blanc foncé.

- Tu as de la chance d'être ma soeur. Tu recommences, tu vas souffrir.

«Le monde et la famille»
Avec Naraka

« Tu as de la chance d'être ma sœur. Tu recommences, tu vas souffrir. »

Il s’approchait et collait son museau contre le mien, je ressentais une légère douleur, mais ne disais rien. Il était si pitoyable que cela me faisait presque pitié. En fait, non, je ne ressentais rien, même pas de la pitié pour lui. Il pouvait penser ce qu’il voulait, je serais bien plus puissante que lui. Ma reine me rendra forte et invincible. J’étais née pour être son esclave, être son pantin, je le savais et j’étais heureuse de l’être. Un jour, il mordra la poussière et il regrettera chaque parole à mon propos.

« Tu ne seras plus jamais capable de m’atteindre. »

Je reculais, gonflais mon poitrail, faisant entrer l’air jusqu’à ce que mes poumons soit remplis. Je n’avais jamais eu peur, car je savais que mère me protégerait tant que je ne serais pas prête à exécuter ses moindres désirs. Je serais tellement forte, que tous trembleront devant nous. On était les enfants des enfers, tel était notre mission, répandre la loi de mère.

« Mais tu es ma famille, c’est pourquoi, il ne faut pas oublier les choses importantes, et par moment mettre notre rivalité à l’écart. »

Je me sentais plus grande, j’avais enfin l’impression d’être à ma place, mais ce corps si fragile me ramena à la réalité. J’avais hâte de grandir et devenir celle que je devais. Devenir l’assassin de ma reine. Ce pelage qui peu à peu oublier sa noirceur, sera recouvert du sang des victimes de ma reine.

AU fond, Naraka et moi étions pratiquement identiques, était-ce pour ça qu’on ne s’appréciait si peu ? Je ne savais plus à force, je ne comprenais pas le rapport fusionnel avec Requiem et la distance entre moi et Naraka, cela était un mystère que je ne cherchais pas à résoudre, mais que je désirais comprendre. Le monde était si mystérieux et on n’était pas encore adulte. Cela prouvait que le chemin serait plus que long.

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Le monde et la famille

- Tu ne seras plus jamais capable de m’atteindre.

Je lève un sourcil, dédaigneux. Ah bon ? Pourtant je l'ai retournée avec facilité. Je relâche la pression. Xilven se relève, gonfle fort le poitrail (comme si ça allait m'impressionner, franchement).

- Mais tu es ma famille, c’est pourquoi il ne faut pas oublier les choses importantes, et par moment mettre notre rivalité à l’écart.

Xilven aime prendre les choses de haut. Elle est persuadée qu'elle dominera le monde avec l'aide de Maman. Mais c'est dommage, moi, je pense que je serais le dominant du monde. Je la regarde, toujours calme. Elle m'amuse. Xilven pense toujours être meilleure que moi. Pourtant, elle ne l'est pas. A la limite, je peux admettre qu'elle soit d'un niveau juste inférieur au mien. Mais de toute façon, Maman nous supplante tous. Et il nous faudra du temps, de la patience et beaucoup, beaucoup de travail et d'effort avant d'arriver à son niveau puis de la dépasser.

Mais je la dépasserai. Je serai le meilleur loup du monde. Le Grand Alpha du Monde. Il faudra que je le sorte à Xilven ça un jour. Pour l'instant je le garde pour moi. Je suis ambitieux, mais j'ai de la jugeote. Il ne faut jamais dévoiler son but final, c'est pas bien.

Je soupire et sourire sarcastiquement :

- Je suis d'accord, on doit protéger notre famille, c'est pourquoi quand tu auras des problèmes c'est moi qui te sauverai des griffes des plus faibles que moi. T'inquiète sis', je m'assurerai de ta sécurité.

Je sais que ça va la faire rager. Elle déteste que je dise la protéger. Elle ne veut pas dépendre de moi. Et être sous ma protection, c'est accepter que je suis le plus puissant. Ce qui est vrai, mais Xilven n'est pas encore assez mature pour l'accepter.

«Le monde et la famille»
Avec Naraka

Plus jamais il ne me touchera, ni mon corps, ni mon esprit. Il avait beau parler, dire toutes ces choses qui était aussi futile les unes des autres. Il se voilait la face depuis sa naissance. On ne sera jamais comme mère, jamais on ne sera à la même puissance qu’elle et ça, il n’en a pas conscience. Il est trop naïf. Il parlé comme les enfants, je ne comprends pas tout ce qu’il dit, je veux grandir, quitter ce corps qui n’est pas miens. Je ne serais jamais à l’aise dans cette petite chose frêle et sans défense. Nos crocs ne nous servent à rien, nos griffes encore moins. On est rien que des boules de poils qui son trop lourd pour que le vent du désert nous emporte au lions. C’est la seule chose qui nous permet de rester debout et de le regarder ainsi.

Je n’ai rien à faire avec un faible, il n’est rien et ne le sera pour le reste de sa misérable vie. Il n’est là que parce que le destin l’avait fait naître, mais cela ne m’étonnerait pas s’il mourrait demain. Tout était plus qu’étrange. Pourquoi était-il ici ? Lui qui n’avait aucun avenir, aucune force. Pas aimé par sa propre sœur, moi qui le dénigrait depuis toujours, était-ce parce que je perdais de ma couleur et lui non ? Étais-je en colère parce que j’avais peur de ne pas être là vraie fille de mère ? C’était bien possible, je n’avais aucune réponse à mes questions, la seule qui pouvait m’aider était mère et père, m’aider à comprendre pourquoi j’étais différente de tout les autres.

Je ne disais rien, ne répondais pas cela servirait à rien de gaspiller ma salive pour ce misérable qui ne comprendrais rien. L’intelligence avait dû l’oublier, il fonçait tête baisser sans jamais rien comprendre et surtout, il ne cherchait pas à comprendre. Tout ceci est si compliqué, pourquoi est-ce lui qui est né ? Je marchais vers la tanière sans lui prêter la moindre attention, il ne la méritait pas après tout.

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Le monde et la famille

Xilven reste longtemps silencieuse et immobile. Peut-être que mes paroles ont raisonné en elle. Non, mais elle me regarde avec une sorte de pitié. Sans prononcer mots -ça ne lui ressemble pas- elle me pousse sur le côté, me fixe encore un peu puis me tourne royalement le dos et avance calmement vers notre tanière. Assis plus loin, je ne peux m'empêcher de l'admirer. J'ai de la chance de pouvoir avoir une telle adversaire. Une adversaire parfaite. Sanguinaire, sans merci. Une adversaire qui me connait si bien que je dois faire beaucoup pour la surprendre. Une adversaire que je connais si bien qu'elle pourrait en devenir prévisible, mais non.

Ma soeur disparaît dans l'ombre fraîche de notre abris et mon regard se détourne enfin. Mes yeux se promènent sur les dunes douces assouplies par le vent. Une bouffée d'air chaud vient ébouriffer mon pelage et je commence à me transformer en pelote de poils. Pff, pas très glorieux.

Le pas encore pesant, j'avance jusqu'au bord de la grand étendue sombre. Je penche ma lourde tête et lape un peu d'eau. C'est frustrant, c'est pas agréable. C'est pas satisfaisant. Il faudra que je trouve mieux comme liquide dans lequel m’abreuver, je sais que cette eau ne me satisfera jamais, et que le lait maternel n'est pas assez... pas assez.

En revanche, ce petit coeur que j'entends quand je suis à côté de Xilven ou de Requiem me donne envie. Oh ! oui, il me donne envie. Mais on ne peut enfoncer ses crocs dans ses soeurs -et c'est bien dommage- je vais donc devoir trouver quelque chose d'autre pour les remplacer.

Ça ne saurait tarder...

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