Sa forme devenait plus net, on la voyait s’approcher de nous. Gracieuse, envoûtante même, seulement, plus sa forme grossissait plus on apercevait son regard violet. Sans bouger, on la regardait avec insistance jusqu’à entrevoir la folie qui l’animait. Ce n’était pas une folie comme la nôtre, elle était bien différente, c’était étrange. Elle grandissait au fur et à mesure de son approche lente et majestueuse. Se trouvant à quelques mètres de nous, on avait cette sensation de se faire dévorer rien qu’en la regardant dans les yeux, c’était vraiment intense et maléfique.

« Je vois que les cafards arrivent même à trouver mon repaire... Que se passerait-il si, je t'arrachais un bout de carcasse... ? »

Sa voix s’élevait dans l’espace, jusqu’à rompre le temps et la rotation de la terre. Si imposante et puissante, je ne savais pas comment réagir. Cependant, cela ne m’empêchait pas de continuer à garder la tête haute, sans dire un seul mot, je restais muet, oubliant peu à peu ses mots précédents. Que dire à une femelle dont on oubliait le visage en quelques secondes et à chaque nouvelle minutes on avait l’impression de rencontrer quelqu’un de nouveau. Seulement, il était là, la tête chaude qui faisait parti de nous. Il se tortillait dans notre esprit si étroit, il voulait la défier, lui seul répéter les paroles de la noire, de plus en pus fort en grognant à l’intérieur de nous. Je secouais la tête dans tous les sens ne voulant pas lui laisser la place.

« Cafard … Cafard … Cafard … »

Ils arrivaient, puissant et en colère, laissant mon esprit dans le néant. Voyant à travers son regard, je restais silencieux aux côtés de notre autre frère et de notre maître.

Enfin libre, depuis si longtemps, on avait marché encore et encore sans rien voir dans ce monde, oubliant le passé et l’avenir, n’était qu’une feuille volant au grès du vent. Rouvrant les yeux, levant la tête avec défis, on ne laisserait jamais quelqu’un nous traiter de cafard ! Il était impensable que moi, Diablo, laisse une femelle nous ridiculiser.

« Y arriverais-tu seulement ? »

On se leva en bondissant un peu plus prêt de la femelle en montrant les crocs, le regard luisant de défis et d’amusement. L’adrénaline inondée notre corps, jusqu’à nos griffes. On avait envie de sang, on se retenait depuis si longtemps jusqu’à oublier son goût et presque sa couleur. On devait revivre, se souvenir, le protéger ou nous amuser ? Il n’était plus temps de réfléchir, mais de passer aux actes.

La femelle essayait de nous humilier, elle était belle, forte, mais nous, on était complètement fou. On devait la renvoyer à l’âge des loups préhistorique, un endroit où les femelles servaient leur mâle sans dire un seul mot ! Elles n’avaient pas le droit à la parole, juste à nous offrir des héritiers, mais aujourd’hui, le monde avait changé et nous voilà attaqué par une simple femelle. Sa morsure était bien placée, ses paroles nous énerver. Je refusais d’utiliser mon pouvoir pour la simple raison qu’on n’en aura pas besoin avec cette louve noire.

Une chose se forma, un truc noir sans réel contour, mais je n’en avais rien à faire de cette chose, elle ne se cachera pas derrière très longtemps ! Mes crocs étaient toujours de sortie, les oreilles en arrière, on ne ferait plus de faux mouvement. Utiliser notre pouvoir reviendrait par la même occasion à libérer son esprit, on avait besoin d’être deux pour le contenir dans notre corps sans le faire ressortir, ce n’était pas encore le moment, on devait attendre.

Mon attention se reporta sur la chose noire qu’on laissa de côté pour mieux analyser la femelle au pelage nuit. Bandant mes muscles, elle devait s’attendre à une attaque de face, et c’est ce qu’on fit. Je n’aimais pas réfléchir durant, c’est court moment de jeu, mais on avait réussi à amocher assez de nos compères pour tenter notre chance avec la diablesse. Debout sur nos deux pattes, arrière, on lui donna un coup de patte sur le visage. On ne lui avait infligé qu’une petite égratignure, rien de bien important. Mais on aimait prendre notre temps avant de mettre en pièces nos nouveaux amis. On reprit une posture défensive, attendant sa prochaine action. Il était temps pour nous de redevenir le cerbère du passé, celui sortant d’entre les flammes pour faire fuir chaque individu se trouvant sur notre route.

« Ne nous fais pas attendre plus longtemps dans ce cas. »

Un sourire sadique se dessina sur nos babines, la danse allait commencer.

On écarquilla les yeux à la vu du spectre qui était devenu nous, comment cela était-il possible ? Comment pouvait-on être à deux endroits en même temps ? Non ! Ce n’était pas nous, on ne voyait pas de personnalité dans son regard, c’était vide, juste un être qui exécuterait les ordres. Pourtant, il nous ressemblait, on se voyait dans son regard, on pouvait sentir cette sensation, comme si l’on se regardait dans un miroir. Puis, à la demande de la noire, il fonça sur nous, et moi, trop stupide ou plutôt, trop sur de moi, je ne bougeai pas. Attendant avec un sourire qu’il nous attaque, qu’il nous fasse souffrir, mais en fin de compte, je ne ressentais que du plaisir. Oui on avait mal, mais la souffrance nous faisait vivre, on ne trouvait pas notre place sur cette terre, alors on voulait souffrir pour mieux nous relever et rendre notre esprit invincible !

On repoussa avec force le cerbère qui nous ressemblait, mais on passa à travers, comme s'il n'avait pas de corps. Il était identique à nous physiquement, ce ne serait pas un problème de le faire partir de quelques mètres. Mais ne dit-on pas que nous sommes notre propre pire ennemi ? Cela était amusant dans un sens, même très. Une lueur de folie anima nos pupilles et sans réfléchir à notre action précédente, on recommença notre erreur, jusqu'à ce que l'information parvienne au cerveau de notre maître pour que je comprenne enfin.

Se précipitant sur la noire après avoir réfléchit quelques secondes, d’un bond, on se retrouva sur son dos, sans attendre nos crocs se plantèrent précipitamment dans sa chair. Son sang commençait à ruisselet sur nos deux pelages jusqu’à ce qu’il pénètre dans notre gorge. On ne désirait pas la lâcher, elle devenait bien trop délicieuse. Seulement, elle est moi ne semblait pas d’accord avec ce point de vue, son regard améthyste nous transperçait, on serait mort depuis bien longtemps si son regard pouvait tuer. On lâcha prise, tout en ricanant, laissant couler son sang mélangé à notre bave sur le sable du désert.

« Tu nous as parfaitement imités, mais ce ne sera pas suffisant ! »

La douleur de l’impact nous rendit impuissants, on était perdu, ne sachant plus qui nous étions, où nous étions. Le noir s’installait peu à peu dans notre esprit, laissant nos âmes s’enfoncer dans le néant. Le vide s’installait, on essayait de lutter, mais il n’y avait rien à faire. Nos pupilles se refermèrent, notre souffle devenait régulier, comme si rien n’était arrivé, comme si la noire n’avait jamais existé. On voulait rester éveiller, pour notre maître, mais nous étions impuissants devant le démon.

Redevenant ceux que nous étions, cet esprit que nous avions si longtemps manipulé allait reprendre vie maintenant. Qu’avions-nous fait ? Ses yeux battaient légèrement, voulant voir de nouveaux la lumière de jour, et nous, nous nous sommes éteints pour la première fois.

Affaiblis, souffrant, mon corps me brûlait entièrement. Que m’arrivait-il ? Qui étais-je ? Je ne savais plus rien. Comment j’étais arrivé ici ? Je ne savais pas. Une femelle noire était proche de moi, elle avait du sang qui coulait le long de sa gueule. Je regardais à droite, à gauche, le sable était à perte de vue. J’étais perdu, j’allais sûrement mourir ici. Cela ne me faisait ni chaud, ni froid, je ne me connaissais pas, rien ne me manquait, j’étais rempli de vide.

Je me relève avec difficulté, les mots ne sortaient pas de ma gueule, mon regard était inexpressif, je ne bougeais plus, tremblant sous la douleur que je ressentais. Me connaissait-elle ? Ma tête s’inclina sur le côté, j’étais comme une feuille tombant d’un arbre, une feuille sans aucun intérêt. Mon esprit était comme un ruisseau, laissant l’eau s’écouler entre les rochers jusqu’à ce qu’elle atteigne le lac.

Sans riposter, je laissais la femelle me faire souffrir. Sans hurler, mon sang dégoulinait le long de ma peau pour pénétrer dans le sol. J’avais cette sensation, comme si tout ceci était normal. Mon esprit était toujours aussi vide, comme si j’avais perdu une chose essentielle à ma pauvre existence. Comment savoir, je ne me rappelais même plus de mon propre nom. Ma peau me faisait mal, sa morsure était placée pour me faire souffrir davantage. Puis, je sentis mon corps voler, comme si j’étais qu’une simple botte de paille.

Mes paupières se fermèrent sur elle-même, je voulais me relever, mais mon corps ne répondait plus à mes ordres. Il voulait seulement se reposer, profiter de la chaleur du soleil et dormir quelques secondes. Mes muscles n’étaient plus crispés, je me sentais bien. Je n’avais ni chaud, ni froid, mon corps était comme une plume.

Dans ce noir absolu, je ne voyais que quelques images, une louve blanche apparaissait, elle avait de magnifiques yeux verts. Sa voix était douce, et sa fourrure était indescriptible. Étais-je mort ? Je ne le savais pas, je ne savais plus rien. Pourtant cette douceur, je la connaissais, mais je ne savais pas pourquoi je la connaissais.

Ma respiration redevenait régulière, mon esprit était en paix, attendant ce que l’avenir me réservais.