Encore une fois, je m’étais éclipsée dans la nature des terres neutre. Je traversais la forêt parcourant le même chemin à chaque fois. J’avais beau connaître le parcours que j’effectuais, il y avait tout de même beaucoup de chose qui changeait en si peu de temps. J’observais la nature, j’étais curieuse de tout. Je regardais chaque fleur et chaque insecte qui courait sur la terre humide. Tout était plus merveilleux de jour en jour, je ne voyais plus le temps défiler, je continuais à marcher dans la même direction sans regarder derrière moi. La lumière s’infiltrait à travers les feuilles, donnant une ambiance douce et magique. Les oiseaux chantaient, les insectes vagabondaient entre mes pattes. J’arrivais dans un petit endroit étrange, où coulait un petit ruisseau. Il y avait beaucoup de papillons qui volaient tout autour de moi, je les observais avec attention. J’avais pris l’habitude de ne plus les attraper pour ne pas les tuer, Lava n’aimait pas quand je mangeais les papillons, moi ça ne me faisait rien, mais je n’aimais pas voir mon frère triste.

Absorbé par le spectacle des papillons, je ne sentis en aucun cas la présence du loup qui était derrière moi à quelques pas. Je m’assoyais et continuais à regarder les papillons voler au-dessus de ma tête. Je me retournais pour continuer ma promenade, et aperçus le mâle noir. Sur le moment, j’avais l’impression de le connaître, mais je ne me souvenais pas vraiment. Et enfin après de longues minutes à réfléchir, je me rappelais, c’était le grand pas beau et pas drôle, celui qui m’avait aidé à rentrer chez moi parce que je m’étais perdue, mais je n’étais pas vraiment sûr.

« C’est toi le loup pas drôle, c’est toi qui m’a ramené à ma maman ? »

Je m’assoyais de nouveau et incliné la tête sur le côté. La première fois que je l’avais vu enfin si c’est bien lui, il ne m’avait pas mangé alors il n’y avait aucune raison qu’il me mange aujourd’hui.

C’était bien lui le grand pas drôle, il m’avait reconnu, il devait avoir une bonne mémoire.

« Oui, c’est moi, et non, je ne me suis pas perdue et toi, tu es perdue aussi ? Parce que tu n’étais pas très doué pour me ramener chez moi hein. »

Je restais assise, il était vraiment étrange comme loup, il semblait toujours distant et en permanence ailleurs. Ses yeux étaient bizarres aussi, et la tête aussi était étrange.

« T’es un vieux maintenant ? Un vieux comme ceux qui raconte les histoires ? »

Faisait-il parmi de ces loups dépressifs ? Il avait l’air gentil quand même, il me faisait presque pitié. J’approchais alors du grand pas drôle, si je me souvenais bien, il s’appelait Sababa ou un truc comme ça. Sans vraiment de raison particulière, je posais ma patte sur son museau comme me le faisait Lava quand je mangeais un papillon ou quand je lui faisais peur. On ne mettait jamais les griffes, parce que c’était un petit coup tout gentil sans aucun mal. Il avait une expression bizarre ce qui me faisait rire. Je souriais fièrement devant le grand, je n’avais plus peur du tout, j’étais peut-être inconsciente, mais la peur s’était effacée de tous les coins de mon visage blanc. Je continuais à lui tapoter la tête comme ça et lui mordait l’oreille gentiment. Je devais lui apprendre à jouer, il ne savait pas faire, et puis j’étais encore petite.

« Sababa, je vais t’apprendre à jouer, tu veux bien ? »

Je lui attraper la queue pour le tirer vers les papillons tout beaux, il fallait jouer. Il n’y avait pas d’âge pour apprendre, c’était maman qui me le disait, donc il pouvait apprendre maintenant, même s’il était un vieux.

« Tu sais, ça m'étonne que tu n'aies pas peur de moi, alors que je suis un inconnu. Au fait, c'est Saeba et non Sababa»

Je regardais le grand qui avait enfin décidé de bouger pour jouer avec moi, je n’étais plus vraiment la petite du passé, mais je n’étais pas vraiment grande non plus et j’aimais toujours autant jouer avec les autres. J’inclinais a tête sur le côté pour écouter ce qu’il me disait, je ne pouvais pas m’empêcher de rire devant le grand pas drôle. Il était amusant.

« Tu n’es pas un inconnu, tu es le grand pas drôle, tu te souviens non ? Et puis c’est nul comme nom Saeba, je préfère Sababa. »

Je grattais la terre avec ma patte avant et plaquait mes oreilles contre mon crâne, je trouvais ça triste qu’il me traite d’inconnue alors que j’allais l’aider à apprendre à jouer. Mais bon, ce n’étais pas grave, il n'était pas doué pour parler aux filles celui-là, et encore moins à ceux de mon âge, j’en étais la preuve. J’essayais de reprendre de la vigueur et le tirais jusqu’à un endroit où il y avait plein de papillons partout.

« Tu vois les papillons Sababa ? Eh, bah, il faut les attraper, mais sans les manger, parce que ce n’était pas bien de tuer. »

Je regardais le grand pour voir s’il avait compris. Il n’avait pas vraiment envie de jouer, mais je devais l’obliger ! Comment il fera quand il devra jouer avec ses enfants s’il ne sait pas jouer ? Eh bah se sera grâce à moi ! Mais bon, il n’avait pas l’air super intelligent, peut-être qu’il n’avait pas compris ce que je lui demander parce qu’il ne bougeait et continuait à regarder les papillons voler. Je me mis à sautiller vers les papillons et les attraper avec ma gueule, puis je revins vers le grand et lui soufflait dessus avec les papillons qui s’envolaient sur son visage.

« Tu vois, on fait comme ça, à toi maintenant. »

Le grand pas drôle avait accepté mon jeu, quand j’étais revenue vers lui avec un papillon dans la gueule, il avait souri et semblait quelque peu surpris par l’activité que je lui proposais d’exercer avec moi. Il tenta à son tour, bandant les muscles de ses pattes, prêt à attraper un papillon qui était gentiment posé sur une fleur, mais ce fut un échec. Ce n’était pas évident pour tout le monde, moi-même la première fois, je n’avais pas réussi, mais comme disait maman à force de pratiquer on y arrive toujours. Les papillons n’étaient pas comme les proies, leur instinct était complètement différent de ceux que l’on chassait, on pouvait même dire que c’était complètement impossible de prévoir leur mouvement. Au moment où il se retourna de son échec, je ne pouvais m’empêcher de sourire et rire de sa tête. Moi aussi, je voulais attraper des papillons, c’était vraiment amusant de jouer avec Sababa.

« En fait t’es plus amusant que tu en as l’air avec ta tête toute bizarre, tu veux faire la course ? »

Je penché la tête sur le côté, il était vraiment drôle en fait, il avait du mal à attraper les petits papillons. Peut-être qu’il serait plus doué à la course, Lava gagnait souvent, je n’étais pas très rapide, mais en même temps, j’étais plus petite que mon frère. Je risquais de perdre aussi contre Sababa, mai, c’était un jeu, et les jeux, c’était pour s’amuser donc on était tous gagnant en fait. Je poussais du bout de la patte Sababa pour qu’il se décide plus vite, il était trop lent, si ça se trouve, il ne courrait pas vite. Il avait peut-être honte.

« Viens, ça va être drôle ! Tu as peur de perdre ? »

Je le défié sans aucune gêne, je n'avais pas peur. Sans l’attendre, je sautais par-dessus son dos pour gagner la course. Il me suivit après mon saut et me rattrapa trop facilement à mon goût, mais j’aimais courir comme ça, sentir le vent dans ma fourrure était agréable.

Sababa avait l’air de plutôt bien s’amuser, la preuve était qu’il avait dit que je trichais, tout le monde avait un petit côté enfantin au fond et lui, si j’avais bien compris, il ne l’avait jamais exprimé. Il avait gagné la course et semblait satisfait de cette victoire, la preuve était qu’il me narguait de ma défaite, même si je l’avais déjà anticipé d’avance, un louveteau comme moi ne pouvais pas gagner contre un adulte comme lui, c’était logique. Mais je ne disais rien et l’observais descendre du rocher pour aller se désaltérer. Il était à quelques pas de moi, je grimpais à mon tour silencieusement, retenais ma respiration comme le grand orange me l’avait appris. J’attendais patiemment et avant qu’il tourne la tête je lui sautais dessus. On se retrouva tous les deux dans l’eau, un rire s’échappa de ma gorge et le mâle m’observait sans comprendre.

« Je t’ai bien eu ! »

Des gloussements sortis de ma gueule, je ne pouvais plus m’arrêter de rire tellement sa tête était amusante. Avec ma patte, je lui jetais de l’eau sur la figure et continuais jusqu’à ce qu’il comprenne le but du nouveau jeu. Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas amusait de la sorte, Lava était souvent occupé avec Noah et moi, j’étais souvent avec Nyméria, on avait beaucoup de temps pour s’amuser tout les deux. Quand on se voyait, c’était le soir et on était tous les deux épuisaient par notre journée de formation, alors on se roulait en boule l’un contre l’autre et fermait les yeux pour partir dans le monde des rêves. Ça faisait du bien de s’amuser avec quelqu’un même si j’aurais préféré que ce quelqu’un soit mon frère, mais on ne pouvait pas tout avoir, et puis comme ça Sababa apprenais à s’amuser aussi.

Je me relevais, mon pelage blanc était trempé, je m’observais dans le reflet de l’eau, je ressemblais à un gros rat. Je tournais la tête pour voir le reflet du grand mâle et lui aussi ressemblait à un rat, mais en beaucoup plus gros et bien évidemment plus moche que moi. Je tentais de retenir un rire enfantin, mais je ne pouvais le tenir plus longtemps coincer au fond de ma gorge de petite louve et je rigolais encore en direction du noir.

« Vient-on va se sécher au soleil. »

En tournant la tête et gloussant, je sortis de l’eau pour aller m’allonger et laisser le soleil faire son travail.

Sababa sortit à son tour de l’eau froide, il marchait doucement vers moi. Le soleil avait commencé à réchauffer ma peau et mon pelage reprenait son volume habituel tout doucement. Il s’asseyait près de moi, il avait un air plus joyeux qu’au début de notre rencontre, cela me faisait plaisir, je n’aimais pas voir les autres tristes.

« Merci pour tout Henael, tu m'aides beaucoup. Je vais bientôt devoir partir et rejoindre ma sœur. Essaye de ne pas changer, ce sont les petits loups comme toi qui peuvent nous guider. »

Il parlait doucement, le vent portait sa voix au creux de mes oreilles, mon sourire s’effaça, je désirais encore jouer, mais le grand avait des choses à faire aussi contrairement à moi qui étais encore en apprentissage. Un jour viendra où je n’aurais plus le droit de jouer avec lui, car je serais devenue celle dont je rêve depuis toujours. Je baissais la tête triste, mes oreilles plaquées sur le crâne.

« Un jour, je serais comme ma maman, mais on ne pourra plus jouer tous les deux… »

Mon visage se retourna vers le sien et il eu un sourire sur les babines, il se retourna sans rien ajouter de plus et s’éloigna de moi. J’étais toujours allongé, l’observant partir jusqu’à ce que sa silhouette ne soit plus visible. Je posais mon museau sur mes pattes avant, léchant mon pelage encore humide. J’étais encore petite, mais je grandissais vite, trop vite même, je ne voyais plus les jours défilaient devant mes yeux que je penser être au lendemain de ma naissance. La période du lait était si lointaine, mais en même temps si proche. Plus rien n’avait vraiment de sens, tout se passait si vite que le monde changeait en quelques secondes. Je me levais à mon tour, rebroussant le chemin. Je foulais la terre la tête basse, je savais qu’un jour tous ceux que j’avais connu ou connaîtrais durant cette époque d’enfance ne seront de brève souvenir, car un jour ou l’autre, mon destin serait écrit. Je ne devrais plus que me consacrer à ma meute, désirer le bien de tous. C’était un sacrifice que d’oublier tous ceux que j’aurais connue, mais j’étais prête à le faire pour devenir celle que je devais être, celle que je désirais devenir. Le regard sérieux, je retournais sur ma terre natale, franchissant la frontière, aucun regard ne se posa sur ce qui se passait derrière moi, c’était peut-être la dernière fois que je croiserais la route de ce loup noir, mais aucun regret ne parcourrait les traits de mon visage.