Mes pattes s'enfoncent doucement dans le sol de cendre, soulevant des petits nuages circulaires autour d'elles. Des nuages gris, pleins de particules minuscules qui peuvent aller partout, entre les poils, le museau ou les yeux… Elles sont aussi libres que le vent les porte. Jamais maltraitées, jamais kidnappées. Ce sont de petits êtres non vivants séparés de notre monde. La violence est propre aux animaux sociaux après tout, pas aux particules sans vie. Nous ressentons, et elles en sont incapables, ce qui les différencies de nous. Elles restent dans cet air qui les berce à leur guise. J'aurais aimé être l'une d'entre elles. Yylge n'aurait pas pu m'attraper, malgré tous ses efforts. Il aurait été incapable de quoi que ce soit. Mais la Nature n'est pas si bien faite que l'on nous le dit. Je ne suis qu'un être vivant. Qu'un prédateur soumis aux règles, cachant cette vérité qui fait rage, incapable de la prononcer. Est-ce qu'un jour quelqu'un saura ? Est-ce qu'un jour la justice sera rendue ? Je n'en sais rien, la justice ne semble plus de ce monde. Elle est "morte", elle se fait à celui qui a le plus de liens, pas à celui qui dit la plus pure des vérités. Personne ne fait confiance au fils d'un admiré. Il n'en est que l'ombre de cette grandeur lupine que personne ne remarque véritablement. Je devrais trouver des alliés, mais est-ce qu'un seul loup peut véritablement me croire ? La cheffe est un ange, certes, mais je doute qu'elle ne mette ne serait-ce un gramme de confiance en moi. Je ne suis qu'un "jeune" de sa meute qui a été malade. Yylge mettra ce que je dis sous le coup des hallucinations qui ont dues être causées par la fièvre. La fièvre a toujours eu raison sur la vérité. Je vais devoir me battre seul, de mes propres pattes, sans l'aide de quiconque. Je vais devoir être plus futé que ce loup malsain. Plus malin que le renard que l'on chasse. Il ne doit s'y attendre, et je dois être méfiant. Il me cherche encore, je le sais. Il attend son heure. Il attend la moindre faute que je pourrais faire. Ce n'est pas terminé. Le connaissant, je suis certain qu'il est capable de demander à Elemiah de me bannir pour que je devienne une proie comme une autre, pas un loup qu'il doit respecter. Il ne faut pas que je l'attaque, si je le fais, il aura une raison de me faire bannir. Je dois me montrer confiant, impeccable dans ma façon d'être.

Je retourne au camp. Me faire des amis, tel est mon prochain but. Je dois me lier à la meute, aux autres. Je dois apprendre à connaître un autre comportement que celui de la louve ou de Yylge. Alors, assis sur le sol, la queue entournant mes pattes avants, j'observe les loups de la meute de mes yeux verts. Le regard est fixe. J'attends.

Teika sur Epicode