Une journée de plus à errer bêtement sur des terres qu’il avait cent fois remuées. Combien de fois était-il passé près de cet arbre-là ? Combien de fois ses pattes avaient-elles frôlées l’herbe fraîche à l’approche de la tombée de la nuit ? Akihiko n’avait jamais réellement compté. Il n’était pas de ceux que ce genre de détail intéressait ou venait perturber l’esprit. Non. Il avait bien mieux à faire que s’atteler à de telles inepties dont il ne verrait, de toutes les façons, jamais le bout. À quoi bon ? À quoi bon tenter de maîtriser une chose aussi dérisoire que cela ? À quoi bon vouloir vraiment tout maîtriser point par point ? Un peu de challenge, un peu d’imprévu, ça ne fait de mal à personne. Si ? Un sourire en coin dans son esprit, le jeune loup se laissa aller à la divagation. Il n’y avait guère que cela pour remplir ses journées bien vides en ce moment. Un soupir s’échappa d’entre ses babines serrées. Machinalement, il continua d’avancer. Il se rendait je ne sais où, laissant le choix de l’itinéraire à ses pattes. Au final, sait-on vraiment où l’on se rend ? Quand bien même l’on connaît la topographie des lieux ? Quand bien même l’on souhaite se rendre à un point B ? Il avait bien entendu parlé d’une rumeur. Enfin, le vent courrait qu’une des deux grandes meutes demandait à voir un Mercenaire. Ce n’étaient pas les brutes et presque sans cervelles de Kuragari, mais les bavards et couards Hikari. Enfin. Il ne s’agissait là que de quelques autres rumeurs qui courraient à leur encontre. Au fond, Akihiko ne perdait que trop peu de temps à écouter ces ragots qui ne trouvaient aucun intérêt à ses yeux. Chaque loup avait la faculté de se différencier des autres et ce même s’il fait partie d’un groupe à la base. Et s’il pouvait bien faire le malin lorsqu’il s’agissait d’affronter l’individu, se frotter à une meute entière n’était pas de la même envergure.

Quittant les territoires tristement monotones du centre de la map monde, les pattes du gris le menèrent finalement là où ses oreilles avaient entendues du bruit. Remontant le monde, marchant vers le nord, il allait, inconsciemment, à la rencontre de ceux qui demandaient de l’aide. Pourquoi ? Non pas qu’il ait une once de sympathie pour quiconque. Non pas non plus qu’il ait une soif intarissable de rendre service. Non, rien de ça. Simplement qu’il avait besoin d’égailler un peu ses journées et que tout travail mérite salaire. Pourquoi donc, sinon, se bougerait-il pour quelqu’un d’autre ? Et après être passé de la navigation de croisière au pas de course, le gris prit vite une grande part sur le visuel à l’horizon. Découpant autrement le paysage, les montagnes rocheuses se dessinèrent sous ses mirettes imperturbables. Se gardant de s’attarder sur des détails comme l’observation bête et inutile du paysage, Akihiko laissa son museau flairer l’odeur ambiante, comme pour se persuader que sa mémoire n’avait pas flanchée. Prenant la peine de marquer l’arrêt une seconde ou deux au niveau de ce qui ressemblait à une frontière, le Mercenaire, légitime selon sa propre loi, reprit son chemin, piétinant ce qui, pour certains, étaient une barrière inviolable. Dépourvu du moindre intérêt pour la chasse, en cet instant du moins, laissa filer une flopée de proies tant sa discrétion laissait à désirer. De toute façon, il n’était pas en chasse. Du moins, pas à proprement parlé. Son estomac avait suffisamment mangé la veille pour ne rien réclamer. Aucune pitance inutile n’entrait dans sa gorge, ce qui expliquait probablement pourquoi il était son corps était si dessiné et si sec sous son poil. La seule chose qu’il cherchait à présent, c’était un être, une présence, histoire de dénouer le vrai du faux et d’occuper ce crépuscule qui peinait à gravir la pente abrupte de ces terres.

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