Ma mère m’avait cru mort. Elle avait vu ce corps ne respirait pas le moindre air qu’on lui offrait. Cet air lui donnait la vie. Cette mère n’a pu que pleurer la disparition de son fils. Celui qui ne verra jamais le jour. Celui qu’elle ne pourra jamais bercer au gré de ses envies. Elle ne le sentira pas téter ce lait pourtant vivifiant. Elle pensait bien faire. Elle ne pensait pas le voir en vie. Il était mort et les larmes coulant le long de ses joues n’étaient qu’une démonstration de cette véritable tristesse qu’elle ressentait. Elle devait l’oublier pour élever au mieux les deux sœurs de son fils. Elles devaient leur apprendre les joies de la vie et ses malheurs. Elle devait leur rappeler leur frère pourtant au ciel désormais. Pourtant, la soigneuse avait essayé. Mais sans aucun succès. Même leur père était présent. Ce père qui avait pris le cadavre avec lui pour l’enterrer après de sa famille. Soi-disant. Jamais il n’a enterré le petit cadavre que j’étais.  Mais étais-je vraiment un cadavre ? Non. Il le faisait croire. C’est à cause de lui. Lui et son maudit pouvoir. Ma mère ne pouvait pas le savoir. Elle le pouvait pas savoir qu’il maniait le rythme du cœur, la respiration… Il sait manier tout ce qui symbolise la vie. Il m’a montré mort. Quand je pense qu’il m’a fait croire qu’il était mon sauveur et qu’il faisait tout pour me protéger. Tout ce qu’il voulait c’était me faire croire que je lui devais une dette pour pouvoir me faire ce qu’il souhaitait.

Quand il a emmené le cadavre, ce n’était que pour le mettre dans cette grotte où il rejoignait une louve ayant perdu ses petits dans une attaque de prédateurs.  Cette louve était sa sœur, mais il me faisait croire qu’elle était sa compagne et qu’ensemble, ils feraient tout pour me protéger et me rendre la vie meilleure. Ils m’ont élevé dans cette grotte avec une interdiction. Ne jamais sortir de la grotte. Pourquoi ? Parce que la vie extérieure n’est qu’un danger. Je ne devrais être sur ce territoire, et aucun ne doit le savoir. Quand j’étais petit, alors que je n’avais pas encore un an, je me souviens que le soir, j’entendais des cris de douleur. Je ne devais aller voir, je le savais. Mon père me demandait de rester dans ce mini trou qui me servait de lieu de repos. Pourtant j’y suis allé. Je suis allé voir pour comprendre. Curiosité peut être. J’avais bien le droit à une erreur non ? Jamais je n’avais rechigné à quoi que ce soit, même si pour le moment, je n’avais jamais vu la lumière du jour. Mais c’était pour la bonne cause non ? J’ai vu ma mère adoptive se faire mordre de tous les côtés par mon père. Elle se faisait aussi griffer jusqu’au sang. Même plus profond encore. Elle hurlait de douleur. Je devais rester calme. Je devais partir. Je ne devais pas me faire voir. Mais un cri de terreur m’échappa alors que mon père venait de faire découvrir l’os de la patte. C’est alors qu’il me vit. Là, caché dans un coin, à avoir désobéi. Ma pire erreur. La louve s’effondrait alors que mon père s’approchait de voir avec un regard perçant. De la haine, c’est tout ce qu’il y avait. Je me souviens de ce qu’il me disait. « Tu veux prendre sa place c’est ça ? Tu te souviens ce que je t’avais dit ? Ne sors pas de ton nid. Et là, qu’est-ce que je vois ? Ce charmant louveteau en train d’observer. Tu sais ce que je fais aux loups qui ne respectent pas leurs promesses ? Oh, pas besoin de te le dire puisque tu vas l’apprendre ! »

C’est depuis que je ne connais que la douleur le soir. La louve ne souffre plus, j’ai pris sa place. Quand je dors, c’est le pelage couvert de ce sang visqueux. Quand je demande si je peux voir la lumière du jour juste quelques secondes, c’est des cris de douleur qui répondent à mon interrogation. C’est la louve qui prenait soin de moi après chaque punition. En même temps elle me disait la vérité sur mon passé. Elle avouait les fautes de son frère. « Un jour tu sortiras, je te le promets... » C’est ce qu’elle me disait avant de partir. Un jour, mon père nous a entendu. Il a su que je savais. Il s’approchait avec haine de la louve tandis qu’elle me poussait loin d’elle. Elle savait qu’il allait la tuer. Elle le savait parfaitement. « Ne regarde pas ! Fuis ! Par loin ! Je t’en prie ! » Sauf que je ne le voulais pas. Mon père tendit ses muscles pour se préparer à sauter. Il bondit sur ma mère. Un sentiment de rage me prenait. Je ne voulais pas la voir mourir, et elle ne mourra pas ce soir ! Dans un grognement de haine, je sentis une aile se déployer dans mon dos. Une seule et unique aile. Une impression m’entourait, comme si un espace s’était créé avec cette aile. Inconsciemment je guidai trois plumes de cet espace vers mon père. Elles sortirent de nulle part pour se planter dans les pattes de mon père. Je ne sais pas comment, mais il s’effondra sur le sol, permettant à la louve de courir vers moi pour nous faire sortir. Entre temps, j’ai pu observer ces plumes que je venais de faire sortir du néant. Ce sont de longues plumes vertes aussi tranchantes qu’une lame. Je ne sentais plus cette aile. Je suis redevenu normal. Alors je suivis la louve en direction de la meute d’où je venais. Je me souviens du ressenti du soleil sur mon dos encore parsemé de griffures à peine refermées. Je me souviens de cette joie profonde.  J’allais rentrer ma véritable famille. Mes deux sœurs et ma mère. J’arrivais sur le camp. Déjà un loup que je ne connaissais pas venait vers nous pour m’amener en urgence vers les soigneurs. J’avais l’impression qu’il savait qui j’étais, à moins qu’ils accueillent tous les intrus ainsi ? La louve qui m’accompagnait reste avec nous alors qu’on s’occupe de mes blessures. Dès que je voulais dire quelque chose, le loup qui me soignait me stoppait d’un signe de tête. Le repos avant tout qu’il disait.