Le soir venu, tu marchais tranquillement sur les terres de la meute. Le vent soufflait doucement, sans trop d’effort. Tu affrontais cet être vivant depuis des millions d’années sans jamais faiblir, pourtant, il était doux comme il pouvait être agressif et destructeur. En cette nuit, loin de ta nouvelle tanière et loin de ta famille, tu marchais le long des rochers jusqu’à sentir la douce odeur de ta sœur. Descendant une légère pente, tu repéras vite sa tanière sans la voir à l’intérieur. Marchant doucement dans les ombres des forêts comme toujours, tu laissas l’odeur te guider vers ton sang tout en restant cacher.

Elle n'était là, pas vraiment loin, mais tu restais toujours à l’écart, l’observant pour voir si elle va bien. Tu faisais ça chaque jour depuis la mort de vos parents, parce que tu n’avais jamais eu véritablement le courage de l’approcher plus, alors que c’était seulement ta sœur.

Ton regard émeraude passait sur l’horizon laissant le doux visage de ta sœur a ses occupations. Tu réfléchissais, à tout et as rien en même temps. Tu restais silencieux, assis, le dos parfaitement droit respirant l’air pur qui s’engouffrait dans tes poumons. C’était calme, bien trop calme, mais tu appréciais ces moments de détente et de solitude. Au fond, tu pensais à tes petits et ta compagne qui vivra auprès de toi jusqu’à la fin. Tu étais heureux et ne sentais plus le besoin de vivre dans les ombres de la forêt en observant les autres.

Profitant quelques minutes avant de repartir vers la tanière de ta bien aimée et de la vie qu’elle avait offerte il y a peu, tu sentis près de toi, celle qui avait partagé le flanc de ta mère. Un regard sur le côté et la blanche avait trouvé ta cachette pour une fois. Le savait-elle ? Savait-elle que tu l’observais chaque jour cacher dans les profondeurs des arbres ? Que tu ne cessais de la regarder par peur qu’elle souffre ou qu’il lui arrive quelque chose. Pouvait-elle le ressentir, ce même regard qui ornait vos pupilles.

« Bonsoir ma sœur. »

Toujours distant, toujours insensible, tu avais du mal avec les mots, mais elle le savait. Tu n’étais pas un monstre, pas comme tous ses canidés qui faisait souffrir les autres pour rien.

« Comment vas-tu ? J'ai entendue dire que tu as de la famille, félicitations. »

Tu restas tout de même de marbre, il était vrai que désormais ta sœur était devenue tante, tu ne pensais pas que cela arriverait un jour, mais aujourd’hui, tu ne pouvais plus y échapper. Tournant la tête dans sa direction pour noyer vos deux regards identiques, tu avais toujours été à l’écart des autres et surtout d’elle. Ça lui faisait mal, tu le voyais bien dans son regard, mais tu n’avais jamais vraiment réussi à être chaleureux avec les autres. C’était compliqué pour toi, tu devais faire des efforts, mais a chaque fois, tu t’enfuyais préférant les observer de loin.

« Je vais très bien, merci et toi? Tu seras une tante formidable, j'en suis convaincu. »

Depuis bien longtemps, tu n’avais pas prononcé son nom devant elle, tu la tutoyais ou appelais sœur, mais Thalia n’était jamais réellement sortie de ta gueule pour lui adresser la parole. Pourquoi ? Tu ne le savais pas, il bloqué au fond de ta gorge, alors tu ne disais rien, comme toujours.

Ton visage restait toujours aussi inexpressif, comme si ton cœur venait de disparaître, mais au fond de toi tu étais heureux pour elle et pour toi. Tu aimais ces petits êtres qui possédais une par de toi et de celle que tu aimais. Seulement, ton regard, ta posture, tes paroles ne montraient rien de tout cela. C’était bien dommage, mais tu ne pouvais plus changer à présent.

Il était dur pour toi de vivre en voyant le visage attristé de ta tendre sœur, seulement, tu n’y arrivais plus, tu ne pouvais plus faire marche arrière, cela te terrifiait trop au fond de toi. Restant ainsi, qu’un simple fantôme.

Je ne suis encore jamais allée sur le territoire des Hikari, pourtant, je suis un espionne non ? Si je veux devenir la meilleure espionne, je dois ramener des bonnes informations à mon alpha. Je dois être reconnue. Aven pense la même chose que moi, nous devons nous montrer forts. Plus doués que les autres en matière d'espionnage. Nous avons un don qui nous permet d'être discrets. Les corbeaux sont des oiseaux banals, qui sait qu'un loup se cache derrière cet oiseau au regard aussi blanc que ses ailes sont noires ? Aucun ne le sait, et sûrement pas les loups de ce territoire qui m'est encore inconnu. Je n'en connais que les frontières. Mon mentor a fait en sorte que je les connaisse par cœur. Leurs déviations, les risques de changements… Le moindre arbre qui montre la délimitation… Je connais tout par cœur, et les loups adverses ne pouvaient nous en empêcher. Nous étions en dehors de leur frontière. Dans un territoire aussi libre que l'est le ciel. Mon mentor était déjà entré dans leur territoire. Il avait déjà rapporté des informations intéressantes de ce lieu. Je dois devenir comme lui. Je dois être aussi silencieux qu'il ne l'était. Il faudrait que je refasse des entrainements d'espionnage avec lui, mais en rentrant dans le territoire des adversaires. En apprenant leurs faiblesses. En les analysant. En les comprenant. En faisant en sorte de garder toujours une longueur d'avance. C'est ainsi que nous sommes meilleurs, en apprenant à observer tout ce qui les concernent. En nous référant à toutes les informations que nous pouvons obtenir. Tout est une question de patience. Il faut être patient pour être un espion, ce n'est pas donné à tout le monde. La plupart des loups croient que la réponse va leur tomber tout cru dans leur gueule. Ils ne cherchent pas à observer le moindre détail. Ils ne croient que leurs premières observations qui sont souvent fausses. Mon mentor m'a appris à être patiente. Les louves aussi.

Je vois la frontière. Elle est juste là. Ces quelques arbres me le montrent gentiment, sous forme de menace. Tu passes, tu peux être tuée. La vie entre les meutes est ainsi. Tu vois un étranger qui se montre dangereux sur ton territoire ? Protège le au péril de ta vie. Et Rakuen sait que je peux être dangereuse quand je le souhaite. Je ne connais pas la pitié, et je ne sais pas si je la connaitrai un jour. Je ne veux pas de ce sentiment obscur qui nous rend faible. Un loup agonise ? Très bien, c'est juste que la mort a choisi son heure pour agir. On ne peut pas changer le cours des choses, c'est impossible. On peut juste essayer de le faire vivre plus longtemps dans la souffrance que le monde a créé pour lui.  

Je passe la frontière. Je vais en direction du bruit de chutes d'eau. Je peux être quasiment certaine de ne croiser aucun loup. Je n'aime pas l'eau. Et je crois que les loups en pensent la même chose. Fin, je crois. Je ne suis pas la louve la plus proche de ceux de son espèce, donc on ne peut pas dire ça en fait. Je me contente d'avancer dans cette direction, Aven me suivant via les airs chauds. Tiens, il serait peut être mieux que j'utilise mon pouvoir pour me déplacer dans ce territoire sauvage. Je fais un petit signe à Aven avant de m'assoir et de fermer les yeux. Je visualise mes veines. Ce sang rouge qui coule en elles… mais pourtant rien. Il n'y a pas ce sang noir qui coule avec lui. Je ne peux pas accéder à mon pouvoir pour je ne sais quelle raison. Je vais devoir me débrouiller seule. Je grogne doucement et continue ma marche en direction de ce bruit. On va utiliser les bonnes vieille méthodes.   

J'arrive enfin vers un endroit dégagé avec une sorte de tanière. Merde. Dans quoi je me suis fourrée ? Je me planque derrière un arbre en sentant une présence. Je suis trop loin de la frontière et trop près d'un loup pour me permettre de leur montrer mon dos. Je dois être discrète et attendre qu'ils s'en aillent ou rentrent dans la tanière pour fuir sans un bruit. Je m'allonge doucement en essayant de faire le moins de bruit possible. Observons. Entendons. Ecoutons.


A entendre cette voix, il y a deux loups. Je suis stupide, idiote. Pourquoi je n'ai pas fait demi tour quand je n'ai pas réussi à faire appel à mon pouvoir ? Je grogne à nouveau avant de demander à Aven d'aller surveiller dans les airs. Il ne faudrait pas que je sois vue
     

Teika sur Epicode