Sensation exquise du matin qui laisse place à l'après-midi. Rosée fraîchement déposée sur les plantes et à peine effacée. Calme, douceur et quiétude. Le monde ne pouvait s’inquiéter de rien aujourd'hui, car il semblait que la journée serait merveilleuse. Pourtant il n'y avait rien de merveilleux et de doux dans la démarche horriblement effacée du loup qui profitait de la brume pour avancer. De ses yeux bleus, l'animal observait les alentours avec une certaine vivacité d'esprit. On sentait en lui une certaine tension, mêlée à une terrible sensation d'angoisse. Mais était-ce vraiment lui qui angoissait ? Le doute subsistait. Car derrière les fourrées ou haut dans les arbres, les autres animaux le regardait avancer avec une certaine terreur. Le loup sombre était effrayant tant sa démarche lente approchait de celle d'un prédateur sadique et prêt à faire souffrir n'importe qui sur son passage. La gueule entre-ouverte, une détermination hors du commun. Voilà que le loup semblait avancer le long de la rivière comme un dieu défilant devant ses sujets. Probablement était-il un dieu, mais son nom demeurait ; Rhapsody.

Rhapsody avançait lentement le long de la rivière. Il parcourait les terres de sa meute en cette fin de matinée avec une grande détermination et l'envie de réussir. Il voulait chasser aujourd'hui plus qu'hier et était déterminer à ramener du gros gibier. L'hiver venait doucement et il savait que tôt ou tard, les proies se feraient plus rares et moins grosses. L'automne c'était tout juste installé, il voyait les feuilles tomber des grands arbres et il savait que cerfs et chevreuils avaient eu le temps de grandir tout l'été. Maintenant et plus qu'hier, la saison de la chasse était ouverte. Il était temps de faire des réserves de nourriture pour la meute, mais aussi de prendre du poids pour se préparer à subir les basses températures.

L'odeur d'un sanglier vint le heurter de plein fouet. L'animal ne devait pas être loin car il avait laissé des empreintes toute fraîche dans le sol encore humide de la nuit. C'était un bon départ pour constituer des réserves, alors lentement, Rhapsody bifurqua pour aller à sa rencontre. Il aperçu l'animal plus loin et se précipita sur lui sans stratégie aucune. C'était un gros mâle, probablement plus occupé à pister l'odeur d'une femelle qu'à surveiller ses arrières. Il se débattit quelques temps puis, finalement, il abandonna et Rhapsody l'acheva. Le loup allait rentrer avec sa proie, puis repartirait ensuite, à la recherche d'un autre animal.

A peine rentré au camps pour déposer le sanglier, sous l'oeil bienveillant de quelques loups de la meute des Kuragari, Rhapsody décida de repartir à la chasse, toujours d'un pas lent et déterminé. Il avait conscience qu'il pourrait peut-être ne pas trouver une seconde proie dans la journée, et donc qu'il devrait se contenter d'un sanglier pour aujourd'hui, mais il avait bon espoir de trouver quelque chose. Il avait l'impression qu'il était sous une bonne étoile depuis qu'il avait senti son pouvoir grandir en lui et en était plus que satisfait. Cependant, au bout d'une heure à suivre des pistes plus que médiocre et ne rien trouver d'autre que des lieux sans vie, le loup noir aux yeux bleus songea que sa bonne étoile n'était peut-être pas présente à temps plein. Tu n'es qu'un bon à rien. Il secoua doucement la tête. Il le savait, qu'il n'était qu'un bon à rien, pas la peine de le dire de la sorte. Frustré et agacé, il grogna légèrement. Cette voix n'avait peut-être pas totalement tord en lui soufflant qu'il n'était pas capable de chasser convenablement. Mais tout de même ; Rhapsody faisait toujours de son mieux pour aider les autres. Et c'est ce qui te rend si faible. Probablement.

Ne s'avouant pourtant pas vaincu, Rhapsody décida de poursuivre en s'aventurant à la limite des terres de la meute Kuragari. Il sentait ses pattes fatiguer légèrement après avoir passé tant de temps à aller et venir le long de la rivière, mais il n'abandonnerait pas de si tôt. Tout ce qu'il voulait, c'était une toute petite proie, rien d'une deuxième, qu'il pourrait déposer dans la tanière de sa meute. Le loup noir aux yeux bleus voulait se sentir efficace pour les siens. Il voulait réellement et sincèrement les aider de par ses talents. Et même si ceux-ci n'étaient pas très grands, il espérait au moins pouvoir faire quelque chose. Car il avait toujours eu le sentiment que peu importe la tâche, le simple fait de venir en aide était à saluer. Alors qu'il songeait encore au fait d'aider, la silhouette d'un autre sanglier se dessina au loin. L'animal ne semblait pas avoir remarqué la présence de Rhapsody qui s'en félicita. Lentement donc, il contourna l'animal pour être dans le sens du vent puis, avec une certaine agilité, il s'élança, attrapant l'animal de ses crocs et l'achevant dans la minute suivante. Deux sangliers, c'était vraiment pas mal pour un début de saison. Alors, non sans une certaine fierté, Rhapsody décida de rentrer.  

*ellipse de deux jours*
Rhapsody se leva ce matin-là et s’étira longuement. Il avait dormi comme un loir pendant toute une nuit, sans jamais se réveiller et il se sentait aujourd’hui habité d’une certaine énergie qu’il voulait investir dans la chasse. Alors, le sourire au coin des babines et le vent frais du matin épousant son corps, le grand loup sombre aux yeux bleus décida de s’aventurer le long de la rivière qui était définitivement plus peuplée que certaines autres parties du territoire Kuragari. Le pas lent mais sûr, le mâle avançait lentement à la recherche d’une piste qu’il pourrait exploiter. Il ne savait pas trop ce qu’il trouverait aujourd’hui, mais il avait plus qu’envie de ramener une très grosse prise qui achèverait d’impressionner ses congénères et surtout son alpha. Car Rhapsody voulait faire bonne figure et montrer aux autres loups qu’il prenait son rôle de chasseur très à cœur. D’autant plus qu’il aimait plus que tout chasser. Seule manière pour toi de camoufler ton manque de courage et d’aptitude au combat. Rhapsody grogna. Cette pensée négative l’agaçait plus que tout et, comme il ne trouvait pas non plus de piste, il s’énerva d’autant plus.

Toujours aussi agacé, le poil gonflé et le regard sévère, le chasseur Kuragari avançait, trainant derrière lui des sentiments plus que négatifs et des ondes aussi noires que les ténèbres. En l’espace de quelques secondes, sa bonne humeur c’était envolée et avec elle il avait vu les pistes s’évanouir. Comme si un esprit frappeur avait refusé qu’il soit sous une bonne étoile aujourd’hui. Pourtant, alors qu’il lui semblait que tout était perdu, l’odeur d’un cervidé lui parvint. Un peu surprit, il s’arrêta dans sa marche lugubre pour prendre le temps de humer les feuilles contre lesquelles le cerf s’était frotté quelques temps plus tôt. Il pouvait affirmer que c’était un cerf à cause de l’odeur plus qu’enivrante qui s’en dégageait et qui donnait cette sensation de faim plus que prenante. Il s’en lécha les babines d’excitation, tant la chasse qu’il s’apprêtait à vivre serait amusante, puis, il reprit sa route, pistant le cervidé probablement déjà loin. Mais, fort heureusement pour lui, l’animal s’était arrêté en aval pour s’abreuver. Il s’agissait là d’un vieux cerf qui avait probablement été détrôné de sa harde par un plus jeune et qui devait maintenant vivre seul. Rhapsody lorgna du coin de l’œil les longs bois de l’animal, mais ne s’en effraya pas davantage. S’il avait été prudent par le passé, aujourd’hui, cela ne l’intéressait plus. Alors, il s’élança et attrapa l’animal à la gorge directement. L’autre se débâtit mais Rhapsody ne s’en soucia guère. Puis, finalement, le cerf tomba. Le plus dur était maintenant de ramener l’animal jusqu’à la tanière.

*ellipse de trois jours*
Rhapsody avait quitté les Kuragari trois jours plus tôt pour partir explorer les terres de Ryûtora, toujours avec sa curiosité légendaire. Il avait fait un certain travail d’introspection sur lui-même, avait songé à beaucoup de choses concernant sa propre existence, puis, finalement, il avait décidé de rentrer. Tout d’abord parce que tous lui manquaient énormément, mais aussi parce qu’il se sentait investi du devoir de chasser pour les siens. Alors très lentement, il avait pris le chemin du retour, persuadé qu’il trouverait de quoi nourrir les plus affamés.
L’œil pétillant, il se trouvait embusqué derrière des buissons, à observer avec gourmandise et pourtant stratégie une horde de chevreuils qui broutaient paisiblement un peu plus loin. Il avait déjà ciblé un jeune aux croupes grasses mais sans bois, probablement né au printemps de cette année. Il était en retrait, probablement plus intéressé par l’idée d’enfreindre des interdits que celle de jouer la carte de la sûreté. Et c’était tout ce dont avait besoin Rhapsody. Puis finalement, alors qu’il lui semblait que c’était le bon moment, il s’élança, se précipitant vers le groupe. Seulement, ces derniers le virent bien trop tôt et eurent l’occasion de prendre la fuite avant même qu’il n’arrive à leur hauteur. Il hésita à l’idée les poursuivre mais abandonna bien vite. Il ne pouvait pas gagner à tous les coups.

Rhapsody décida donc de poursuivre sa route sur le chemin du retour en se concentrant sur une éventuelle autre piste. Il faisait beau aujourd’hui, en cette fin de matinée et le soleil qui continuait lentement sa paisible assenions réchauffait doucement la terre et les plantes sous les pattes du grand loup sombre aux yeux bleus. Le mâle se sentait de bonne humeur, même s’il venait tout juste de rater l’occasion d’attraper une proie à ramener. En fin de compte, c’était surtout la douce envie de revoir ses proches qui le rendait aussi heureux. Alors, le cœur léger, il avançait en trottinant, la truffe près du sol et les oreilles bien droites sur le sommet de son crâne, dans l’intention de trouver autre chose qu’il pourrait offrir au siens pour son retour. Il se demandait si les petits avaient grandi, s’ils avaient changé depuis la dernière fois qu’il les avait aperçus. Il se demandait également comment allait l’alpha, comment allaient les autres chasseurs. En fin de compte, il espérait que tous allaient bien. Et son cœur s’impatientait déjà de ces douces retrouvailles qui seraient plus que réjouissante dans son esprit. Seulement, au bout d’une heure, il se demanda s’il ne devait pas changer de piste, car celle qu’il suivait ne menait nulle part.

 Finalement, après quelques heures à chasser et alors qu’il se sentait sur le point d’abandonner, le mâle aux yeux bleus fut détourné de son chemin de traque initial par l’odeur plus qu’alléchante de sangliers. Il était quasiment sûr que c’était l’un d’entre eux qui s’était aventuré quelque part par là à cause du fumé très fort qu’ils avaient pour habitude de dégager. Il décida donc de suivre cette odeur au pas de course. Sur le trajet, il remarqua quelques trous profonds creusés dans la terre, probablement fait par le cochon sauvage pour se nourrir. Ravi de constater qu’il n’était pas sur une trop mauvaise piste, il poursuivit dans de plus grosses foulées. Et puis, au détour d’un fin sentier, il tomba sur le sanglier. Tous deux se toisèrent avec surprise, étonnés de se retrouver ainsi face à face. Fort heureusement, Rhapsody réagit rapidement et se jeta sur le sanglier qui tenta de le charger, peu impressionné par sa présence. Esquivant de justesse, le chasseur de la meute des Kuragari parvint finalement à achever l’animal.

Le lendemain, Rhapsody abandonna sa douce sieste pour décider d’aller chasser. Il avait envie d’attraper quelque chose de nouveau et d’un peu innovant aujourd’hui, pour permettre aux loups de varier leur alimentation. Il devrait donc aller un peu plus loin, remonter la rivière de sang et s’aventurer loin dans les terres de la meute des Kuragari. Il avait dans l’idée d’attraper des oiseaux pour émerveiller les louveteaux. Néanmoins, les oiseaux étaient des proies particulièrement compliquée à attraper et il savait d’avance qu’il aurait beaucoup de difficultés à ramener un volatile. Cependant, il espérait pouvoir user un peu de sa bonne étoile. Alors, il marcha pendant des heures avant d’atteindre une partie boisée ou il espérait trouver quelques oiseaux à attraper. Pendant longtemps il resta tapi, observateur et calculateur, à l’affut du moindre bruit, du moindre indice pouvant lui indiquer la présence quelconque d’un animal à plume. Puis finalement, son regard croisa le chemin d’une perdrix qui se posa à quelques pas de lui. Excitée, il s’élança sans trop calculer ce qu’il ferait ensuite. Par chance, il attrapa l’oiseau en plein vol et l’exécuta rapidement et proprement. Il avait eu de la chance, en aurait-il encore davantage ?

La perdrix dans la gueule, Rhapsody observa les alentours avec une certaine attention. Il percevait au loin le bruit d’un autre gros oiseau qu’il ne parvenait pas à identifier. Alors, le plus discrètement possible, avec sa trouvaille, il s’éloigna des lieux du crime pour se diriger en direction du raffut provoqué. Il aperçut bientôt ce qui ressemblait à s’y méprendre à un gros faisan et, excité à l’idée de ramener également cet oiseau plus charnu, il abandonna sa perdrix au pied d’une vieille souche d’arbre, un peu à l’écart puis, se tapissant à même le sol, il avança lentement vers la grosse volaille. Il remarqua bien vite qu’il s’agissait d’un mâle qui chantait, probablement pour attirer ou séduire quelques femelles. Il le laissa faire, l’observant avec curiosité pendant un long moment avant de finalement se décider à passer à l’action. Il s’approcha encore un peu, puis, lorsqu’il jugea qu’il était assez proche, il s’élança à la poursuite du gros oiseau. Rhapsody l’attrapa et lui tordit le cou rapidement, pour lui épargner de trop grandes souffrances, puis, il retourna auprès de sa première proie et décida qu’il ne pouvait rien porter de plus et qu’il était temps de rentrer. Il aurait toutes les occasions du monde de chasser plus tard.

*Le lendemain*
Le sourire au coin des babines et le cœur léger, Rhapsody décida de retourner chasser dès le lendemain matin. Il se sentait toujours protégé par sa bonne étoile et avait l’intuition qu’il parviendrait à chasser quelque chose de probant aujourd’hui encore. Plutôt que de choisir d’avance, il décida de se laisser porter par les pistes qu’il pourrait trouver sur son chemin. L’odeur d’un petit groupe de sanglier lui parvint et il décida de le suivre à bonnes foulées. Finalement, il remarqua leur passage près d’une souche d’arbre renversée ; la terre avait été retournée tout autour, sans doute pour y chercher quelques racines encore fraiche. Il continua donc sa route, persuadé qu’il trouverait mieux. Enfin il aperçut la petite troupe un peu plus loin. Très vite il sélectionna un jeune marcassin un peu à l’écart et s’élança vers lui. Le petit n’eut aucune chance de s’enfuir et Rhapsody, de sa puissante mâchoire, l’attrapa par la croupe avant de l’achever. C’était une bien petite et modeste prise pour aujourd’hui, mais c’était toutefois suffisamment raisonnable pour que personne ne meurt de faim au sein de la meute. Et pour le chasseur, c’était tout ce qui importait.

*Le lendemain*
Rhapsody se leva pendant la nuit et quitta la tanière sans faire le moindre bruit. Sa sœur le suivit du regard alors qu’il quittait le terrier mais il savait qu’elle ne s’inquiéterait pas de le voir partir ainsi au beau milieu de la nuit. Chasseur de l’âme, il arrivait parfois à Rhapsody de se réveiller subitement à une heure improbable pour ensuite partir chasser quelque chose de façon nocturne. Cette nuit-ci, le chasseur de la meute Kuragari avait bien envie de trouver un lapin ou un gros lièvre qu’il pourrait ramener aux siens au petit matin. Alors, après s’être étiré longuement et avoir salué quelques sentinelles, le loup sombre aux yeux bleus quitta les siens pour partir à la recherche d’une piste. Pourtant, après quelques minutes, il fut forcé d’admettre qu’il ne trouvait rien de bien satisfaisant. La plupart des terriers qu’il connaissait de longue date étaient vides. Probablement d’autres chasseurs qui étaient passés ici plus tôt et qui n’avaient pas laissé aux rongeurs l’opportunité de repeupler les terriers en même temps. Rhapsody ne se laissa pas abattre pour autant et décida qu’il était peut-être mieux d’aller plus loin sur les terres de la meute pour trouver quelque chose à manger.