Je ne prenais même pas la peine d'admirer le ciel et de m'interroger devant l'immensité du monde. La clairière sombre et délabrée donnait sur une vue grise et sans intérêt, loin de la végétation luxuriante du pays. Si cette petite ouverture sur ce boisé faisait rêver la plupart des plus jeunes, ils étaient toujours envieux d'aller s'amuser. J'y voyais pour ma part une invitation à rester dans mon coin, écoutant patiemment les murmures du néant qui flottait dans mon esprit.Avant que je ne devienne un loup indifférent, la faucheuse était de loin ma plus fidèle amie. On se donnait rendez-vous tous les soirs, dans l'endroit le plus lugubre de cette clairière. elle me surveillait dans l'ombre, toujours un peu plus nette à chaque coup de griffes qu'on enfonçait dans ma mâchoire... Combien de fois aurais-je senti son souffle glacial dans ma nuque, pour finalement me réveiller ? Mes parents étaient si cruels... Faut dire que je n'avais pas vraiment envie de me mesurer à eux, jetais trop influençable et naïf. Mais, je n'étais pas le plus fragile, ou celui qui est trop faible pour contrer les autres. Seulement, mon regard froid faisait de moi comme une proie facile à déchiqueter lentement dans l'ombre. Et chaque jour, le sang coulait, se mélangeant aux larmes et à la sueur. La recette idéale pour une rage parfaitement incorporée en soi, saupoudrée d'un amer complexe d'infériorité.

Ressentir un tel vide et sentir qu'il manque quelque chose a son existence me perturbait à un tel point. Parfois je croyais devenir fou et apercevoir la mort elle-même.

Je n'étais pas très proche de ma famille ; ils aimaient seulement me donner des coups de griffes pour me punir car je n'écoutais rien, et étais rarement en train de s'inquiéter pour moi. Ma mort n'aurait probablement pas changé grand-chose à leur vie. Pourtant je n'ai pas baissé les bras. Mon désir d'exister était plus fort que mes harceleurs. Les jours sont passés, j'ai forgé mes propres armes, construit mon indépendance. Mon corps a grandi, ma force s'est amplifiée, les rôles se sont inversés ; je n'étais plus la victime. La plupart des gens ne voulaient plus m'approcher, tellement que mon regard était l'âme d'un tueur et imposant. Mais au fond, je voulais juste être respecté par ma famille et ne pas être traité comme une merde.

Alors même que j’entamais mon 22ième mois, je quitte cette clairière qui était maintenant un vrai havre de guerre. Je voulais prouver que j'étais fort et compétant. Je ne voulais pas me donner à une communauté si bas de mon niveau, au contraire, à quelque chose qui en voudrait vraiment la peine. C'est là que mon voyage commença, prouver mes valeurs était la plus grande importance maintenant.