En fait, soyons francs, c'était bien la première fois depuis son arrivée qu'elle se sentait réellement à sa place. Elle avait vraiment le sentiment que cette louve pourrait lui apprendre tellement de choses, qu'elle pourrait aussi lui apprendre à apprécier ses congénères. Car soyons honnêtes, elle est gentille avec eux, elle leur offre la plus grande partie de ce qu'elle possède mais elle ne les apprécie pas forcément. Elle fait cela par simple automatisme. On lui a toujours apprit à être gentille, douce et aimable avec les autres. Enfin, apprit est un grand mot. Elle l'a découvert toute seule, en vivant seule, mais surtout en ayant vécu avec sa maman. A chaque fois qu'elle était douce avec elle ? Sa mère la récompensait en lui offrant à manger ou autre. A chaque fois qu'elle était gentille avec elle ? Sa mère lui offrait un semblant d'amour sans que la louvette ne s'en rende compte. Et finalement, lorsqu'elle l'abandonna, M' se rendit compte que tout cela était faux, que sa mère n'avait fait que jouer à un jeu. Mais heureusement pour ses congénères, elle avait gardé sa gentillesse et sa bonté : tout simplement car elle est entière. Elle est sincère, réellement sincère, alors oui, elle préférait rester ainsi.

Lorsque la vieille louve lui ordonna de la suivre, la petite blanche ne se fit pas prier. Elle la suivit volontiers, avec toute la bonne volonté possible. En fait, elle avait réellement envie de découvrir son monde, elle avait envie de découvrir sa vie, mais surtout la découvrir elle-même en réalité. Elle se mit en marche, observant les environs avec attention. C'était magnifique ici, réellement. Les arbres étaient à profusion. Mais le plus beau dans tout cela était sûrement ces montagnes non loin. Ces montagnes qui se dressaient avec autorité pour venir embrasser le ciel. Mais elle resta brutalement scotchée et fixa la cascade. Sublime. Elle regarda l'eau tomber avec fracas, tandis que des stalactites étaient réalisées à cause du froid. Non, c'était vraiment sublime.

Finalement, elle osa. Elle posa un pied sur le seuil de la tanière et entra calmement à l'intérieur de la cascade. Elle s'arrêta quelques instants pour observer les environs et fut complètement subjuguée par l'endroit. Elle n'avait encore jamais découvert quelque chose d'aussi beau. Connaissait-elle de si beaux endroits en vérité ? Je n'en suis pas certaine. Car soyons francs, son paysage natal était complètement différent. Elle était née dans une forêt de pins, avec de l'herbe assez rare et beaucoup de terre ocre. Sans doute pour cette raison que sa fourrure était plus beige que blanche comme neige. La couleur ocre s'était imprégnée sur son pelage blanc de louvette âgée de quelques semaines. Elle finit par poser de nouveau une patte devant elle, marcha quelques pas et soudain ... Tomba sur les fesses pour se retrouver face à la plus âgée. Elle eut un rire silencieux, un rire de jeune louvette sourde ... Si là, Vénus ne comprend pas son handicap, c'est qu'il y a un véritable soucis quelque part. Elle se releva avec délicatesse, mais couina brutalement. En tombant, avec la fraîcheur, elle venait de se froisser un muscle.

Alors, en boitant légèrement, elle revint s'asseoir à quelques mètres de la louve. Là, elle plongea son regard dans celui de Vénus et secoua la tête. Elle n'avait pas peur de la fraîcheur, étant née dedans. Délicatement, elle passa sa langue sur sa cuisse gauche, comme pour faire passer la douleur au muscle grâce à cela. Elle avait réellement l'habitude de se débrouiller seule.

Sa langue se déplaçait délicatement sur son muscle endolori, la faisant quelques peu souffrir mais surtout sursauter. Mais sa maman lui avait toujours dit de lécher une plaie ouverte car elle cicatriserait mieux ainsi ou un muscle endolori car il permettrait au sang de circuler un peu mieux dans les veines/tendons de celui-ci. Enfin, elle n'était même pas sûre que ce soit sa mère qui lui ait dit cela, puisqu'elle ne se souvenait pas vraiment d'elle. Elle savait qu'elle était blanche comme elle, évidemment, qu'elle avait aussi des yeux bleus comme elle, mais c'est tout ce dont elle se souvenait. Elle se souvenait aussi de son abandon soudain, sans aucune raison et de la douleur physique/mentale que celui-ci avait provoqué chez elle. Comment avait-elle pu l'abandonner ainsi ? Comment une mère pouvait laisser seule une louvette handicapé ? Elle ne comprenait pas. Mais plus elle grandissait, plus elle prenait du recul sur sa vie, plus elle se promettait de ne pas devenir comme sa génitrice. Le jour où elle aura des enfants, des louveteaux, elle se promettait qu'ils seraient plus protégés qu'elle ne l'avait été. Elle refusait que ses petits soient à la merci des dangers de la Nature. Elle refusait qu'ils se sentent abandonnés comme elle l'avait été, dans sa plus tendre enfance.

Lorsque la guérisseuse vint vers elle, approcha son museau de son muscle mais surtout lui posa la question fatidique. Elle hésita quelques instants. Devait-elle réellement lui dire à quel point elle souffrait ? Devait-elle lui indiquer réellement l'endroit de sa douleur ? Ne risquait-elle vraiment rien à indiquer ainsi sa vulnérabilité à une inconnue ? Finalement, elle hocha la tête en pointant du regard une légère coupure sur sa cuisse ainsi que des spasmes que son muscles provoquait. Elle avait décidé de se confier à la guérisseuse, tout simplement car elle lui avait prouvé auparavant qu'elle pouvait. Cette louve paraissait foncièrement gentille.

Bien sûr, elle savait parfaitement qu'il fallait se méfier des apparences. Ce qui prouvait encore une fois qu'en un mois, elle avait grandit autant physiquement que moralement. Je vous avouerai qu'au tout début de sa vie, elle se serait jeté dans la gueule du loup sans même se poser de questions. Elle aurait confié sa vie à n'importe qui. Mais dorénavant, elle hésitait. Elle réfléchissait plus, elle essayait de poser le pour et le contre assez rapidement pour agir. Elle retenta de se lever encore une fois, mais un gémissement étouffé sortit de sa gueule tandis qu'elle se recoucha de nouveau. Contracture ? Hématome ? Douleur musculaire ? Coupure ? Elle n'en savait rien. Tout ce qu'elle savait c'est que son corps refusait de lui obéir et qu'il voulait absolument qu'elle reste au sol. Ce qu'elle fit. Elle ressortit de nouveau sa langue et la passa sur la blessure, toussant quelques fois en avalant l'un de ses poils. Un boulet, elle était un véritable boulet.

Elle souffrait le martyre, non sincèrement. La petite louve n'aurait jamais imaginé qu'une petite plaie, telle que celle-ci, lui ferait autant de mal. Mais n'était-ce pas le fait que ses muscles se soient raidis au moment de la chute ? Ne dit-on pas que durant une chute, il faut faire en sorte d'être mou, d'être détendue, pour éviter que nos muscles, tendus, se cognent inévitablement sur le sol lorsqu'il fait froid ? Souvent, un muscle tendu fait encore plus mal qu'une chute banale. Tout simplement car le sang se stoppe net à ce moment précis, tout simplement car un hématome naît immédiatement sous la peau sans que l'on s'en rende réellement compte. Alors, avec délicatesse, elle continua de lécher la plaie, essayant de calmer la douleur, mais ça ne servait à rien. Pire, encore, ça augmentait la douleur. Elle releva son regard bleu dans celui, rubis, de la louve en hochant la tête. Si elle devait utiliser son don pour la guérir : qu'elle le fasse. Elle voulait tout simplement guérir. Elle voulait recourir, elle voulait redevenir la louve qu'elle était avant cette chute. Boiter n'était pas dans ses objectifs, loin de là. Elle était jeune, alors elle n'avait pas besoin de ce handicap en plus.

En fait, même si elle ne connaissait pas réellement cette louve, elle avait confiance en elle. Elle avait le sentiment qu'elle était la mère qu'elle n'avait plus connu, cette mère qu'elle avait oublié petit à petit. Elle avait le vrai sentiment que cette louve pourrait lui faire découvrir tant de choses, qu'elle pourrait lui apprendre un savoir qu'elle avait besoin de connaître. En réalité, elle voulait la laisser pénétrer dans son esprit, dans son coeur autant que dans son corps. Tout simplement car elle savait qu'elle ne risquait rien. Peut-être était-elle folle de se laisser aller ainsi ? Peut-être était-elle totalement inconsciente d'avoir ainsi confiance en une inconnue ? Mais elle s'en moquait éperdument.

Elle se souvenait que d'une seule chose de son enfance : le fait que sa maman lui avait dit de ne faire confiance en personne. Que le monde était cruel et que plus on était confiant, plus on se faisait bouffer. Mais au final, elle n'avait fait confiance qu'à une seule personne : sa mère. Et au final qu'avait-elle fait : elle l'avait abandonné. Alors, pourquoi ne ferait-elle pas confiance en ce monde alors que la seule personne dont elle avait confiance l'avait trahi ? Ouais, pour elle, c'était parfaitement logique. Quand la seule personne en qui vous avez confiance vous trahi, et bien, vous devez vous résoudre à faire confiance au monde entier. Si on veut rester sociable, évidemment. Finalement, la jeune louve cessa ses soins, resta couchée sur le flanc et attendit que la plus vieille fasse son boulot.

Délicatement, elle se laissa aller. Elle laissa la louve faire, laissant tous ses sens derrière elle, tous ses souvenirs. En fait, elle s'endormait délicatement, laissant sa vie disparaître gentiment. Elle ne mourait pas, elle en était consciente, mais elle était dans un état catatonique. Un était qu'elle n'avait jamais connu, mais elle était véritablement heureuse de tomber sur quelqu'un qui prenait véritablement conscience d'elle, qui prenait réellement soin de sa personne. Elle oublia ses oiseaux, ces trois volatiles qui la suivaient partout. Ces animaux, qui délicatement entrait dans son environnement quoiqu'elle en dise, qui prenaient soin d'elle sans qu'elle n'en prenne vraiment conscience. Elle ne savait pas encore réellement qu'ils représentaient son pouvoir, qu'ils n'étaient pas seulement des gardiens de sa personne, mais qu'ils étaient surtout sa protection contre la mort. Evidemment, pour l'instant, ils n'étaient que des moineaux. Ils étaient minuscules, ne pouvaient se défendre contre des corbeaux ou autres animaux plus gros, mais ils étaient assez agiles pour pouvoir se défendre d'animaux plus lents. Durant son état, elle en oublia aussi son passé. Ce passé qui l'avait brisé. Ce passé qui avait souillé son âme sans qu'elle ne se souvienne réellement pourquoi. Mais surtout ce passé qui ne cessait de la faire hurler dans son sommeil, dans son subconscient. Ce passé, aussi, qui lui faisait connaître des cauchemars qu'elle n'imaginait pas, qui lui faisait naître des rêves morbides sans qu'elle ne comprenne pourquoi non plus.

Son regard se figea brutalement lorsqu'elle remarqua son âme, son fantôme partir de son corps. Elle n'en souffrit pas, mais elle eut véritablement l'impression de devenir un robot, un être sans coeur. Elle ne supportait pas cette sensation, mais elle savait parfaitement que ce serait éphémère : elle le lui avait promit. Ce fantôme était tellement beau ... Etait-elle aussi jolie ? Etait-elle aussi magistrale que ce dernier ? Etait-elle aussi pur que ce regard qu'il lui adressait ? Elle n'en savait rien. En réalité, elle n'avait aucune idée de sa propre beauté. Mais tout le monde, tous les loups, savait que cette petite louve était sublime. Elle le deviendrait encore plus en grandissant, c'était évident. Soudain, le fantôme disparu et pénétra dans sa blessure, lui arrachant un brutal couinement. Ce fut la pire douleur qu'elle n'avait jamais ressentit. Elle le sentit bouger dans sa plaie, farfouiller, continuant de la faire couiner. Mais délicatement, son cerveau s'éteignit et la fit tomber dans les bras de Morphée sans qu'elle ne le comprenne. Elle venait de tomber dans les pommes, dans un petit coma, en oubliant sa douleur : ça fit du bien, vraiment.

Quelques minutes, ou heures qui sait, passèrent avant qu'elle n'ouvre complètement les yeux. Au départ, elle vit trouble : ce qui était tout à fait normal après un tel coma, puis la vue redevint claire. Elle réfléchit, mais non, la douleur venait de disparaître. Elle n'avait plus mal du tout : le fantôme venait d'officiellement faire partir la douleur dans sa jambe. Alors, avec un grand sourire, elle hocha la tête. Oui, elle allait bien, très bien, grâce à cette louve. Alors, elle se leva rapidement, trop peut-être puisqu'elle ressentit un léger vertige, et vint déposer une lèche de reconnaissance sur le museau de la louve. Elle ne la remercierait jamais. Maintenant, elle ne voulait qu'une chose : que cette guérisseuse lui apprenne son métier, sa vie, son hobbie. Elle voulait devenir, elle.

En réalité, quand on y pense, le Destin fait réellement bien les choses. Il réalise parfois des choses qu'on aurait jamais pu imaginé. Comme la montée en puissance d'un président, qui pourtant ne vaux rien pour certaines personnes, dans un pays qui est déjà enclin à la puissance mondiale. Comme la rencontre de deux êtres, qui ne ressemblent en aucun cas, pour faire en sorte qu'ils aient des liens particuliers. Vous ne voyez pas ce que je veux dire ? C'est pourtant très simple. Lisez quelques livres, regardez des films ou même regardez la rue, c'est tellement flagrant. Vous voyez ces deux jeunes gens dans la rue ? Ils ne se ressemblent en rien, ils n'ont pas du tout la même vie, ils n'ont pas les mêmes objectifs et pourtant ils finissent toujours par coucher ensemble. Mais coucher n'est pas l'ultime étape souvent, non, elle est surtout l'étape du commencement. Mais si. Je vous explique : souvent ils couchent ensemble, une fois, deux fois, pour finalement se revoir. Ils finiront par boire un verre, discuter de tout et de rien puis finalement, ils se regarderont avec des yeux illuminés. Des yeux dont l'amour aura offert un nouvel éclat. Un éclat que même eux ne comprendront pas, ou plus tard. Puis finalement, ils viendront à se dire des mots qu'ils n'auraient jamais imaginé, à dévoiler des sentiments qui leur sont complètement inconnus. Oui, l'amour naît souvent de rien, mais surtout elle apparaît grâce au Destin.

Mais ici, actuellement, sur cette scène du théâtre de la vie, la rencontre était complètement différente. Ici, ce sont seulement deux louves banales, une blanche l'autre brune, qui se rencontrent. Elles se ressemblent physiquement parlant, mais elles n'ont rien en commun. Leurs vies sont complètement différentes, ainsi que leurs sentiments. Bien sûr, ici, on ne parlera pas d'amour à proprement parlé, mais surtout d'une amitié naissante, une magnifique amitié. Mais ne dit-on pas que l'amitié est souvent plus importante que l'amour ? Qu'elle est la seule compagne qui nous accompagnera toute notre vie quand l'amour disparaîtra ? Sans aucun doute. J'ai souvent entendu parlé d'un proverbe qui disait : l'amitié est là pour essuyer les larmes de l'amour. Après peut-être que je le cite mal, peut-être qu'il est faux, mais il signifie parfaitement ce que je pense de ce lien entre deux êtres. Finalement, lorsque la plus âgée proposa à la plus jeune de rester là pour pouvoir se reposer, cette dernière n'hésita pas et hocha la tête. Elle serait effectivement bien mieux ici.

Délicatement, un contact. Un contact qui fit frémir la petite louve ainsi que lui faire fermer les yeux. Un doux sourire se posa sur ses lèvres, tandis qu'elle profitait de ce bref contact. Sa maman n'a jamais été aussi douce avec elle, elle ne l'a jamais léché de cette manière, mais surtout elle n'a jamais été aussi tendre. Alors, oui, dorénavant, elle profitait de chaque instant de tendresse que la vie lui offrait. Finalement, elle remercia la guérisseuse par une dernière lèche sur sa patte près d'elle. Là, elle bailla un grand coup, signifiant que son corps était relativement fatigué de toutes ces émotions. Ceci fait, elle plongea une dernière fois son regard turquoise dans celui rubis de la guérisseuse, lui adressant toute la reconnaissance dont elle était capable. Puis, sans hésiter une seule seconde elle se leva, marcha quelques pas et vint se coucher, blottie derrière la brune pour ensuite fermer les yeux. Elle avait onze mois, mais elle se comportait souvent comme une louvette de trois mois. Elle avait besoin d'amour, c'était évident. C'était essentiellement ce qu'elle demandait au monde entier.