J'observe mon corbeau, comme je le fais tous les jours alors que j'espionne. Cette fois-ci, j'ai choisi de ne pas l'utiliser, malgré son avantage. Pour une fois, je veux être à terre, et non sentir le vent sur mes plumes. Enfin, je devrais plutôt dire ses plumes. Parce que même s'il fait partie de moi, il vit sa vie et je ne peux la contrôler. De toute façon j'aime pas contrôler la vie des autres, m'amuser à les détruire est tellement plus amusant.

Je plonge mes yeux dans les siens. Ses yeux aux reflets rouges me scrutent alors que je laisse un rictus s'étirer sur mes lèvres. J'aime tellement voir dans ses yeux. Le monde est plus différent alors qu'à partir des miens il est si fade. Aven me répond d'un croassement. On s'échange souvent des mots ainsi. un langage que les autres ne peuvent comprendre. C'est peut être ça qui nous rend inséparable. Non, c'est plutôt le fait qu'il est comme un frère pour moi. En même temps, dès que j'ai ouvert les yeux la première fois, c'est lui que j'ai vu le premier. C'est ma seule famille, même si à première vue, on ne peut pas conclure ainsi. Un corbeau et un  loup, quelle idée. Des plumes et des poils, impossible. Je souris vivement à cette pensée. Nous ne sommes comme personne. Nous sommes différents, liés par le sang et les pensées. Liés par le mode de vie et les ambitions. Tout ce qu'aucun ne connaitra jamais. Nous sommes différents et personne ne peut le nier.

J'ai déjà chassé. Le goût du sang est encore présent dans ma gueule. je sais parfaitement que je ne devrais pas chasser, ce n'est pas mon job, mais je ne vais pas si souvent que ça dans le camp. Je passe la plupart de mon temps dehors, en solitaire avec mon Aven. Le seul compagnon qui accompagne ma vie. Le seul avec qui la gentillesse est de mise. Avec qui la complicité mène la loi. Il est vraiment dommage que notre lien nous échappe alors que je prends possession de lui. J'aimerai tellement pouvoir communiquer avec lui par des pensées. Enfin, nous faisons déjà ça, sans pourtant pénétrer dans la tête de l'autre. On se connaît tellement bien que le moindre regard est compris par l'autre. Il comprend la moindre de mes intentions, de mes ambitions... Tout ça, parce qu'il porte les mêmes en lui. Les envies de sang nous sont communes. Les envies de meurtres également. Nous sommes liés sans que les autres puissent y faire quoi que ce soit.
J'en ai marre de me balader dans les bois. C'est répétitif, et je pense que je vais rentrer. J'avais dis à ma maman d'adoption que je viendrai la voir de toute façon, alors autant y aller maintenant. C'est la seule que j'aime bien, sinon je hais tous ceux habitant ce camp maudit. Ils ont tellement niais qu'ils me donnent pitié. Alors si je rentre, c'est pour elle, et elle seule. Même mon corbeau les hait. C'est à peine s'ils le laissent venir avec moi. Et Aven ne supporte pas me quitter, alors il vient quand même. J'entends son croassement étrange. Il a entendu quelque chose ou a vu quelque chose. Il me prévient à chaque fois, c'est ça une  relation de confiance. Nous sommes si proches du but.

Il fait des cercles autour de moi, me demandant de le suivre. Je soupire et lui fait un signe de la tête pour qu'il m'amène là où il le souhaite. Ses puissantes ailes le font s'envoler à grande vitesse. C'est vraiment urgent selon lui.

Des paroles me vinrent aux oreilles. L'annonce d'un combat. Il va nous plaire. Je me dépêche de suivre Aven. Un attroupement de loups se déploient juste sous nos yeux. Je laisse mon regard aller sur Aven. Il est posé sur une branche non loin de là. C'était bien le combat qu'il voulait. Je lui souris en lui demandant d'un regard de se poser sur mon épaule. De ses puissantes ailes, il amène son corps vers moi, pour poser ses griffes sur mon épaule. Le blanc et le noir ne font plus qu'un.

Je m'approche du combat, bousculant sans m'en rendre compte les autres pour me mettre en première loge. Ou presque. Un loup se bat contre un autre. Parfait. J'ai limite envie de demander à me battre contre le gagnant. Ce que je ne fais malheureusement pas. J'observe sans un mot la scène de mes yeux clairs à la place. Le loup noir semble être très mal parti. Je vois le plus petit fondre sur sa proie qui finit à terre, le cou en sang. J'imagine être à la place de l'autre, le goût tu sang dans la gueule. Un moment juste parfait, et tellement attendu.


Un oméga. C'est donc l'oméga de la meute. Bien foutu pour un oméga pourtant, et avec une agressivité sans faille. Pire que moi peut être. Je ricane alors que les yeux de l'autre loup se fondent de colère. De la haine pure. Cet idiot croit qu'il a une chance contre l'oméga. Laissez moi rire. Aven lui-même croasse de rire. Ce loup est très mal barré et le corbeau est d'accord. C'est alors que j'échange un bref regard avec mon compagnon de toujours. Mes yeux lui disent clairement d'y aller. Un "va" des plus clairs. Ses yeux rouges pétillent alors qu'il s'envole vers les deux loups. Parfait.

Aven tend ses grandes ailes alors qu'il est juste entre les deux loups prêts à se jeter l'un sur l'autre. Il tourne le dos à l'oméga. Il n'est pas une menace pour lui. Je suis là de toute façon, et je n'hésiterai en aucun cas à sauter sur lui si jamais il fait le moindre mal à Aven. Il le sait parfaitement, et je doute qu'il arrive à faire quoi que ce soit contre une louve vivant à l'extérieur, et se débrouillant seule. Adorant combattre aussi. Aven bat des ailes proche du museau de l'adversaire, ses serres en avant, prêt à griffer au moindre mouvement.

Je m'avance de deux pas, quittant la ronde. Mes yeux trahissent une certaine envie de meurtre. Le premier qui ose, je le tuerai. C'est pas l'envie qui m'en manque.  


J'aime les menaces. D'ailleurs, Aven y répond avec un croassement. Lui aussi veut le voir mort.

J'observe le combat s'arrête et ne pas reprendre sans un mot. Dans un silence des plus total. J'aime pas le silence, même si je vis avec lui alors que je suis dehors. Le silence, est un résumé de vide. Plus rien ne résonne, plus rien de vit, c'est ainsi que fonctionne le silence. Il trahit le moindre soupçon de bruit. Le moindre bruissement de feuilles. Le silence est un art qu'il faut maîtriser, mais aussi un danger des plus originaux. On ne peut lui faire confiance alors qu'il sévit sur les terres. Si bien que j'ai envie de grogner, juste pour l'arrêter en ce moment même. Le loup noir, celui étant déclaré perdant me regarde avec haine. Oh, le pauvre chou, je lui ai éviter le pire. Il n'est pas content ? J'échappe un regard moqueur entendu avec mon compagnon de vie. Ce loup n'était qu'un imbécile bon pour faire rire les autres. Pas un rôle des plus excitant et joyeux, mais parfait pour ce type de loup. Il n'avait qu'à pas chercher.

Je laisse mon attention revenir sur le loup gris. Je crois que je vais lui dire quelques mots, j'ai besoin de savoir pourquoi il est un oméga alors qu'il a la corpulence d'un loup guerrier. Il a d'ailleurs pu terrasser sans difficulté un guerrier. Quand je me retourne vers lui, je le vois faire un pas de côté et bousculer les autres pour sortir de cette prison lupine. Je soupire. Ce loup est véritablement un cas.

Je sens les serres d'Aven se poser sur mon épaule et s'y enfoncer sans me faire de mal. Malgré sa force, il ne peut traverser ma peau. Elle est faite pour qu'il se pose ici sans mal. Je commence à suivre le loup gris. Aven le fixe de ses yeux clairs. Le voile rouge sang n'est plus présent malgré le fait que ce liquide de couleur rouge coule sur les babines de notre cible. C'est d'ailleurs à ce moment qu'il se retourne avec un regard de haine. On a dérangé l'oméga alors qu'il voulait le calme.


Je m'approche sans peur de ce loup. Aven doit être en train de le regarder avec mépris le connaissant. C'est d'ailleurs un tout autre regard qui me correspond. Un regard en quête de réponses s'il est véritablement le reflet de l'esprit. Je m'assois alors que je suis à seulement un mètre de lui.

C'est brusquement qu'il se retourne vers nous. Le monde est façonné de surprise quand on y réfléchit. Ce loup est assez étrange. Un peu comme nous deux tu me diras. Là, on cherche plus à comprendre qu'autre chose, et croyez-moi, ce loup, violent soit-il, ne me fait pas du tout peur. Pas une once de peur ne pointe le bout de son museau alors que je l'observe. J'ai l'habitude des menaces. J'ai l'habitude de donner de la peur aux autres. J'ai l'habitude de tout ça. Mon monde est fait de cette peur que les autres ont en me voyant. Alors la peur des autres ? Non, je n'ai peur de personne, même si quelqu'un voulait me tuer. Or, je ne pense pas que ce loup pense à quoi que ce soit d'autre qu'à me tuer.

Nous restons aussi statiques que nos corps nous le permettent. Aven plate juste encore plus ses griffes dans mon épaule, mais ça, le loup en face de moi ne peut le voir. Aven est tendu. Il doit sentir quelque chose que je ne sens pas. Mais je ne peux pas lui poser la question. Je ne peux pas montrer mon doute. Il ne doit pas voir ça comme une victoire, ou comme un défi de me combattre. C'est pas que je ne veux pas le combat hein ! Parce que s'il éclaterait, je me battrai à cœur joie. Disons qu'il y a plus important avant ça.


Je failli ricaner. Un loup choisissant d'avoir le pire rôle dans une meute ? Et en plus pour honorer le vœu d'une mère ? Non, il doit y avoir autre chose. Un loup ne peut vouloir être un oméga tout en aimant combattre. C'est juste impossible. Les oméga fuient la bataille comme s'ils fuyaient la mort. Or, il affronte la mort en la regardant en face. Il y a autre chose, j'ne suis certaine, et je ne partirai pas sans savoir. De plus, ce loup me ressemble. Ses pulsions sont identiques aux miennes. Un nouvel ami ? Non, pas ami. Allié peut être ? Non, je fais cavalier seul avec mon corbeau. Je ne veux juste pas l'avoir en ennemi peut être.

Je continue de l'observer alors qu'un changement opère. Aven pousse un croassement de peur, même si le loup oméga ne peut comprendre. Il veut que je fuis. Mais je ne le ferais pas. Même si les pupilles de ce cher loup sont aussi demandeuses de mort que l'est Aven lors des chasses. Je connais ces pulsions, et je ne partirai pas. Une bave sortait de sa gueule pour venir s'écraser au sol. je ne peux pas m'enfuir. Déjà parce que je ne le veux pas. Mais aussi parce qu'il va me prendre en chasse. C'est ainsi l'instinct des prédateurs. J'adore lorsque mes proies fuient. Je me souviens de ce loup que j'avais presque mis à mort. Il avait fuit. J'avais couru. je l'avais pourchassé jusqu'à ce qu'il s'épuise et que je lui bondisse dessus pour le blesser quasi-mortellement. Puis je l'avais planté là. C'était tellement... excitant.



C'est déjà trop tard petit oméga, mais ça, tu ne dois pas le savoir.


Je ricane doucement. Aven se pose d'ailleurs juste devant moi. Tu ne vas pas pouvoir me protéger de lui Aven. S'il veut me tuer, il le fera. Et tu y passeras. Je te donne un coup de patte pour que tu t'envoles loin de lui. C'est lui contre moi, et je veux que ça soit loyal s'il me saute dessus pour me tuer. Aven obéit en un croassement frustré. Oui t'aimes pas ça, et alors ?

Le regard du loup change. Attends, qu'est ce qu'il se passe là ? Ce loup est véritablement étrange. En plus, je crois que j ne connais pas son pouvoir. Je sais pas vraiment qui il est. C'est un peu un  mystère que je cherche à résoudre sans pourtant y parvenir. J'espère y arriver un jour, de toute façon je ne suis pas du genre à abandonner. C'est contre nature. J'ai appris à avoir ce que je veux, et demande. Même si c'est presque impossible, je recommence sans cesse et continue à essayer jusqu'à y parvenir. On est forgés ainsi avec Aven. Dans la pierre et le savoir. Dans la joie et le malheur. Dans tout ce qui est contraire et qui s'assemble. Tout est un tout qu'on ne peut défaire. Et le savoir et la persévérance en est le principal liant. Le tout est le tout de tout.

Il ne peut plus m'attaquer. Je le sais et le voit. Non, pas le voit, plutôt le sens je dirais. C'est assez étrange en fait. Comme si... non c'est pas possible. Je regarde le loup avec un air interrogateur. Lui-même semble réfléchir. Aven croasse de nouveau. Jamais il ne saura se taire. En même temps c'est à travers son croassement qu'on se comprend alors que se regarder est impossible.


Sa voix est totalement différente. Qu'est ce que c'est que ça ? Comment c'est possible ? Dites le moi ! Je vois le loup se retourne sans me donner un nouveau regard. Eh attendez !



Non, Erkayin, tu dois abandonner.

Je sais que je dois abandonner, mais je crois que ce loup ne veut pas me laisser fuir. C'est étrange. Cette situation est véritablement très étrange. Dans quoi t'es-tu fourrée Erkayin ? Dans de la merde et tu ne peux pas vraiment en sortir. Idiote, je ne suis qu'une idiote. Comment ai-je pu croire que je pouvais aider un oméga ? Je ne suis pas une louve qui aide. Je n'ai jamais eu la patience ni l'envie d'aider. Alors pourquoi là maintenant, alors que je n'ai aucunement ce don ? Je ne fais qu'empirer les choses. Franchement, être seule à l'extérieur est tellement mieux. Au moins je n'aggrave pas les choses. Je ne fais aucune bêtises, et je ne fais que ce qu'il me plait. Jamais en fonction des autres, juste en fonction de ce que je veux, de mes choix et de mes envies. Je savais que je n'aurais pas du m'interposer. Je savais que je n'aurais pas du venir dans le camp aujourd'hui. Je savais que je n'aurais pas du le suivre alors qu'il partait.

Le loup semble encore changer. Je ne sais pas si je le vois à travers ses yeux, ou alors si je le sens. Mais il y a une différence, je le sais. La façon dont je le sais n'a aucune importance, n'est-ce pas ? En revanche, je ne sais pas s'il est plus terrifiant qu'avant. A-t-il déjà été terrifiant pour moi ? Je sais pas si j'ai déjà ressenti de la peur à son égard. Ce foutu loup me ressemble, alors pourquoi me ferait-il peur ? Par contre, le voir s'avancer aussi lentement qu'un renard devant son lapin est flippant. Ou intimidant. Oh, et puis je ne sais pas. je sais pas ce que je ressens en ce moment, et c'est pas grave. On s'en fout totalement. Tout ce qui importe, c'est ce qu'il va se passer, pas le présent. Il n'est pas si dangereux en ce moment. le loup ne fait que marcher vers moi; mais que va-t-il faire quand il sera assez près ? Me sauter dessus pour me déchiqueter la gorge ? S'enfuir sans demander son reste ? Je ne sais pas, et c'est ce qui doit me faire peur. C'est ce à quoi je dois faire très attention.


Le loup est imprévisible. Sa langue râpant contre ma joue me dégoutte. Non, disons plutôt que je frissonne. La sensation est étrange. Désagréable parce que je sais qu'il n'est pas lui, mais aussi réconfortante peut être. Je ne sais vraiment pas. Je suis véritablement partagée. Soudain je ne sens plus rien. Un bruit étouffé retentit alors que je me retourne vers un loup possédé qui semble lui-même possédé. Il secoue la tête avec force. Qu'est ce qu'il se passe bon sang ?


J'ai envie d'exploser de rage. Qu'est ce que j'ai fait ? D'où quelque chose qui ne me concerne pas est ma faute ? Aven pousse un croassement moqueur. Digne du "ça te concerne plus que tu ne le crois". Va te faire Aven. C'est tout ce que j'ai envie que t'aille faire maintenant. Le loup hurle de douleur. Arrêtez ! Arrêtez bon sang !

Je crois que je commence à avoir peur. Non, pas je commence, j'ai peur. Ce loup aux divers esprits me rend bipolaire je crois. Je passe de la rage à la peur. Je passe de tout à autre chose. c'est totalement idiot. Je ne contrôle plus rien. Même Aven hésite entre foncer sur le loup pour le faire fuir et lui demander de me laisser en paix, ou alors fuir le plus loin possible. Aven n'a jamais eu à réfléchir sur la meilleure solution, il n'a jamais pensé à m'abandonner. Pourtant, il semble tirailler entre les différentes options. Il a peur pour nous.


Ce que je ressens ? Mais comment le saurai-je ? Je ne comprends pas une seule seconde ce qu'il raconte. Ce n'est pas moi l'idiote, mais lui. Je suis intelligente, lui, il est trop intimidant pour ce rendre compte qu'il n'est qu'un idiot sans nom. Enfin que dois-je dire ? Lui, eux ? Je ne sais rien, je ne veux pas me tromper.

Il ferme les yeux. Petit à petit, je vois les traits du loup oméga disparaître dans ceux de cette chose. Ses traits auparavant presque craintifs deviennent aussi terrifiants que ceux d'un monstre venu des profondeur. J'ai envie de fuir. Je vais fuir. Je ne peux plus rester là. Je ne supporte pas le fait de le voir ainsi. D'ailleurs, Aven vient sur mon épaule pour me tirer l'oreille. pars. Pars avant qu'il soit trop tard.