« live while we're young. »

« live while we're young. »

avec esha

La veille, Dastan s'était couché de bien mauvaise humeur. Il n'avait pas voulu froisser la jeune louve à ce point, il n'avait pas vraiment envie non plus de la laisser planté là, dans l'immense étendue qu'est le désert. Il ne l'avait pas vu se coucher, pourtant, il avait veillé autant qu'il avait pu avant de sombrer dans un sommeil bien trop profond. Et comme d'habitude, le loup d'ébène s'était réveillé en même temps que l'astre solaire. Son premier réflexe fut de vérifier le nid de sa voisine pour s'assurer qu'elle avait bien dormi ici, rassuré la Sentinelle s'étira silencieusement avant de sortir de là.

D'un rapide coup d’œil vers le ciel, il savait qu'il ferait beau aujourd'hui. Et même si ce n'était pas officiellement son travail, il s'était dit qu'il allait tenter d'attraper quelque chose. Les minutes se faisaient longues, il marchait à travers les fourrés jusqu'à ce que son regard croise celui d'un lièvre. Ni une, ni deux, il s'élança à sa poursuite et l'acheva d'un coup de dent. Fier de sa prise, il retourna au campement. Il le déposa dans un premier temps l'animal dans un coin du camp avant de retourner en vitesse chercher quelqu'un.

« Debout. »

Dastan s'était approché doucement de la louve, la secouant doucement du bout du museau avant de sortir et de la laisser s'éveiller tranquillement. Il en profita pour aller s'allonger près de sa proie pour attendre la jeune louve.

« live while we're young. »

PV. Dastan

Elle était restée là-bas un moment. Seule. Dévastée. Accablée. Dans cette vaste étendue purement et simplement déserte. Elle avait pleuré un moment. Laissant tout le surplus d'émotion négative et tout le venin généré sortir de son corps. Elle avait probablement évacué toutes les larmes de son corps et pourtant, elle peinait à en vouloir à celui qui avait transformé ses rires en pleur. Le sable avait fait son affaire, absorbant les résidus de tristesse de la louve, ne laissant aucune trace de cet épisode, du moins en apparence. Aucune brèche n'était pourtant venue envahir le coeur de la louve, la blessure superficielle cicatriserait vite. Et si elle avait retrouvé la force de se lever alors que le crépuscule sonnait, elle n'était pour autant pas rentré de suite au camp. Inutile de dire qu'elle ne voulait pas le croiser. Inutile de dire qu'elle ne se sentait pas assez forte pour croiser son regard bleuté. Elle n'était pas même assez forte pour le savoir près d'elle. Alors, elle avait pris à partie d'aller un peu plus loin dans ce désert. Elle avait pris à partie de se perdre un peu plus dans ce royaume que Dastan appréciait et dont elle ne connaissait, finalement, pas grand-chose. Et si lorsque le soleil tapait, il y faisait chaud, lorsque la lune venait à prendre le relai, le froid remplaçait son acolyte, faisant frissonner un temps la louve noire. Ébouriffant sa fourrure et s'imaginant blottit dans sa couchette, elle laissa finalement son excursion se finir en tête-à-tête avec la lune, ne ramenant finalement personne de l'autre monde, faisant un trait sur son pouvoir qui ne la sortirait pas toujours des mauvaises passes dans lesquels elle se fourrait seule. Et finalement, épuisée par cette journée riche en émotion, par la courte nuit de la veille et par la marche qui se trouvait être bien plus laborieuse dans le sable que sur la terre ferme, elle retrouva la Rivière de Sang, la longea un moment avant de retrouver les siens. Saluant brièvement les Sentinelles de garde, elle leur adressa un sourire sincère et après leur avoir tenu compagnie quelques minutes, elle était retournée gagner sa couchette, prenant toutes les peines du monde pour ne pas poser son regard sur la silhouette noire qu'elle devinait endormie dans l'obscurité.

Et si le coucher ne s'était pas fait de la meilleure des façons, si elle n'avait pas même pris la peine se dire que la journée avait été bonne, elle s'était assoupie avec l'idée que le lendemain ne pourrait être pire. De toute façon, elle ne le laisserait probablement pas être pire. Et pendant qu'elle dormait paisiblement dans les bras de Morphée, elle retrouva son calme coutumier, sa bonne humeur ainsi qu'une bonne partie de l'énergie dont son corps avait été vidé. Dormant d'un sommeil de plomb et ayant des heures à rattraper, elle ne pressentit même pas le pic d'agitation de ses camarades à l'aurore. Elle ne sentit pas la couchette d'à côté s'agiter et se vider. Elle ne sentit même pas le loup revenir vers elle quelques longues minutes après. Mais ce qu'elle eut le loisir de pressentir ensuite, ce réveil presque idyllique, bousculé gentiment par une truffe tiède et un mot simple qui s'il ressemblait bel et bien à un ordre, ne fit qu'afficher un délicat sourire sur la commissure de ses babines. Et effaçant presque instantanément de sa mémoire tout ce qui s'était passé la veille alors qu'elle redressait une à une ses paupières, elle put entrevoir la silhouette de dos qu'elle avait boudé la veille s'éloigner. Prenant tout son temps pour retrouver ses esprits, Esha secoua sa tête, se redressa avec toute la grâce qu'on lui avait donnée comme cadeau et passa deux-trois coups de langue sur son pelage poussiéreux. Et jugeant que finalement, l'occasion était bien assez rare comme cela pour le faire attendre davantage, elle acheva ce rapide brin de toilette en secouant vulgairement son poil, envoyant valdinguer la poussière et les brindilles entremêlées. Et c'est avec les membres engourdis et une démarche pas tout à fait réveillée, mais toute en délicatesse, qu'elle quitta sa couchette pour chercher du regard Dastan. Après tout, il ne l'avait probablement pas réveillé pour rien. D'ailleurs, l'avait-il déjà fait avant ? Expiant toutes questions, décidant de, comme à l'accoutumé, profiter du moment présent avec sa bonne humeur retrouvée, elle alla s'affaler gracieusement contre le loup, posant un regard empreint de sentiment dans ses yeux bleus et articulant avec une pointe de malice dans un ramassis de douceur :

« Oui, monsieur rabat-joie ? Tu requiers ma compagnie ? Voilà qui m'en voit ravie. »

waize

« live while we're young. »

avec esha

La louve finit par sortir de la tanière, elle avait donc accepté l'invitation du mâle. Un léger sourire parcourait alors son visage. Lui qui ne laissait pas transparaître ses émotions se sentait presque obligé de le faire là, tout de suite. Il n'avait pas envie de la froisser deux jours de suite, une fois était bien suffisante. Esha était venue s'installer près de lui, et c'est avec une voix empli de malice qu'elle lui lança un petit pique. Un petit grognement de mécontentement sorti alors de la gueule du mâle. Elle n'était pas obligée d'en rajouter une couche quand même. Il était venu de lui-même, il aurait très bien pu la laisser bouder dans son coin et l'oublier l'espace de quelques jours. Mais il devait passer par dessus, ne pas se fermer comme une huître comme il le fait bien trop souvent. D'un mouvement du museau il avança le lièvre vers la noire, espérant qu'elle accepterait de partager sa proie avec lui.

« T'en veux un morceau ? »

« live while we're young. »

PV. Dastan

Faisant presque comme s’il ne s’était rien passé hier, ayant presque instantanément effacé l’événement de son esprit au-devant de ce nouveau jour qui se levait et du pas énorme que Dastan avait fait vers elle. Et dont elle n’était pas peu fière. Si elle avait su qu’il suffisait d’une ridicule dispute, d’un malentendu idiot, d’une prise de tête immanquable, pour qu’il se montre aussi conciliant avec elle, peut-être qu’elle en aurait joué un peu avant. Et si elle avait laissé sortir ce même petit sobriquet qu’hier, l’intonation était en tout point différent ce matin. Rien avoir avec la froideur d’hier, là, elle s’amusait plutôt de la situation. Pour une fois, elle se sentait presque désirée à ses côtés. Et dire que le soleil brillait plus fort dans son cœur aujourd’hui était peu dire. Elle allait certainement marquer ce jour d’une croix et s’en souviendrait tout au long de son existence. Il avait fallu que les larmes coulent pour que l’arc-en-ciel apparaisse. Et alors qu’elle ne lâchait pas le noir du regard, elle accueillit son petit grondement mécontent avec un sourire encore plus grand, bien contente de le connaître finalement ce rabat-joie. Elle qui était si expressive et lui qui l’était si peu. Ils s'étaient peut-être bien trouvés au final. Et alors que les loups commençaient à sortir peu à peu de leur sommeil, le camp gagnant en agitation, elle n'avait d'yeux ce matin-là, que pour celui qui l'avait invité à revenir parmi les éveillés, parmi les bons vivants. Bon, elle aurait peut-être pu profiter d'un sommeil un peu plus long et donc plus réparateur, mais à comparer avec ce qu'elle vivait là, maintenant, il n'y avait pas photo. Il pouvait venir la réveiller aux aurores tous les jours pour l'accueillir comme cela et se montrer si attentionné avec elle. Au sourire qu'elle portait à merveille sur ses babines, elle laissa s'ajouter un gloussement amusé, comme pour répondre à son grognement étriqué. Cette journée promettait d'être la plus étincelante et la plus belle de toute, une journée dont elle se souviendrait pendant des lustres pour être si rare et commencer sur une si bonne note. Et si le réveil des uns et des autres laissaient le camp dans une dynamique maussade, la gaieté qui enivrait son être inondait tout, ne laissant pas passer une once de fâcheux dans son âme.

Et le voir se tortiller pour pousser le lièvre qu'il avait sans doute chassé vers elle, la fit définitivement craquer. Depuis quand est-ce qu'il se montrait si gentleman ? Depuis quand est-ce qu'il lui posait des questions aussi peu réfléchies ? Comment pouvait-elle lui refuser quoi que ce soit après ce bond en avant ? Comment pouvait-elle faire autrement que d'accepter de passer un bon moment à ses côtés. Elle qui l'avait toujours cherché, elle qui avait toujours tenté de s'attirer ses bonnes grâces, se mit à penser à une grande victoire à ce jour. Et chargeant son sourire d'une dégoulinante tendresse pour le loup dont les deux yeux bleus attendaient une réponse, elle déposa innocemment un rapide coup de langue sur le coin de sa truffe avant de rapprocher le lièvre de sa gueule et d'en prendre un morceau. Et tout en mâchonnant le morceau de chair qu'elle venait de prendre, elle repoussa délicatement du museau la proie, invitant Dastan à en prendre un bout à son tour. À présent, elle en était certaine. Aujourd'hui serait une bonne journée. Et pour une fois, elle ne trouva rien à redire, rien à ajouter. La pipelette s'avoua vaincue par le silence. Ne voulant pas briser quelque chose d'invisible, de précieux, en cet instant qui semblait magique, presque imaginaire à ses yeux, elle se contenta de planter de nouveau son regard mordoré dans celui de son aîné.

waize

« live while we're young. »

avec esha

Le mâle pensait faire une bonne action pour une fois. Il ne s'était pas renfermé sur lui-même, il avait tendu une patte vers la louve. Quelques regards indiscrets se dirigeaient vers eux, insistants tout particulièrement sur lui. Qu'est-ce qu'il pouvait bien avoir horreur de ça. Il aurait dû choisir un coin plus à l'abri, reclus dans un coin comme à son habitude. Il aurait dû y réfléchir avant d'agir inconsciemment. Lui qui a tellement horreur de se faire épier, qu'on colporte des ragots dans son dos. Il prendrait la peine d'y penser plus la prochaine fois, de ne pas s'improviser gentleman. Enfin, si seulement prochaine fois il y a, il ne faut pas trop pousser non plus. Perdu.

Jusqu'à ce que quelque chose d'humide lui touche le museau. D'un mouvement brusque de la tête, il regarde la jeune louve les yeux écarquillés. Quelle mouche l'avait donc piquée ? Qu'est-ce qui lui avait prit ? Qu'avait-il fait pour mériter une attention pareille ? Il n'était pas le loup affectueux, le loup sensible. Il n'était que le loup dur, autoritaire et distant. Il croqua légèrement dans la chair fraîche de l'animal qui trônait entre ses pattes avant de passer un coup de langue sur ses babines. Ses yeux bleus perdus dans ceux de feu de la louve, il ne bougeait plus. Complètement figé.

« live while we're young. »

PV. Dastan

Arborant ce sourire doux qui la définissait si bien, elle ne délogea pas son regard de celui du loup noir. Et si elle pouvait bien pressentir quelques regards insistants à leurs égards, eh bien, elle s'en fichait royalement. Après tout, elle n'avait pas besoin de se cacher. Elle n'avait pas honte de la relation qu'elle entretenait avec Dastan. Après tout, ils se connaissaient depuis longtemps, se suivaient depuis longtemps, enfin, c'est surtout elle qui le suivait depuis longtemps, elle ne voyait rien de mal à passer quelques précieuses minutes à ses côtés. Sur son petit nuage, elle avait déposé son rapide coup de langue comme si de rien était, simple et banal signe d'affection pour elle, comme elle pourrait le faire avec un ami proche. Entendant par ami proche, Dastan et nul autre. Si elle sympathisait avec la plupart des loups qu'elle croisait, cela n'allait généralement pas plus loin que quelques échanges de banalités. Avec lui, il y avait un semblant de différent. Un semblant de petit quelque chose en plus. Qu'est-ce que cela pouvait bien être ? Elle se le demandait elle-même, ne comprenant pas pourquoi elle revenait elle-même à la charge, alors qu'avec d'autres, elle aurait si rapidement baissé les pattes. Peut-être parce qu'elle s'était persuadée qu'elle arriverait à en faire un bon ami. Peut-être qu'elle s'était donné ce petit objectif à atteindre pour simplement pimenter sa vie. Simplement pour avoir un cap à tenir et se fixer des obstacles suffisamment hauts pour ne pas crouler sous la paresse. Et si elle ne mesurait pas encore toute l'ampleur que Dastan représentait, elle savait qu'il serait probablement le plus difficile à convaincre. Enfin. Il lui semblait comme qui dirait important, à lui plutôt que tout autre, de lui prouver combien elle l'appréciait et combien elle ne voulait pas le perdre. Il était son challenge pour un temps, peut-être pour la vie. Et si aujourd’hui, elle pressentait une avancée majeure, c’était probablement avant de voir cette tête-là.

Évacuant ses pensées d'un simple battement de tête, elle fit le vide dans son esprit et se concentra de nouveau sur le présent. Et sur ce loup noir. Ce même loup noir qui affichait une expression plutôt inhabituelle. Un peu, comme-ci il avait vu un fantôme. Un poil paniqué, Esha se demanda si elle n'avait pas fait une bêtise et laissé un de ces macchabées sortir de l'autre monde. Sentant le stress monté, elle contint toute trace de nervosité et s'empressa simplement de jeter un rapide coup d'oeil en arrière. Rien. Personne. Pas même un esprit. Pas même un mort. Concentrant son pouvoir pour voir l'invisible et l'indétectable aux yeux de tous, elle ne trouva rien ni personne, pas même un esprit en berne. Alors quoi ? Pourquoi faisait-il cette tête-là ? Pourquoi affichait-il cette expression si étonnée. Choquée ? Totalement ahurie même. Qu'est-ce qu'elle avait bien pu faire ou dire pour qu'il soit comme ça ? Et tentant de se remémorer les quelques secondes passées, elle ne trouva rien d'étrange dans son attitude. Rien qui ne sorte réellement de l'habituel. Enfin, si ce n'est que lui soit venue l'a réveillée et lui propose de passer un moment avec elle, ce qui était bien sûr exceptionnel au vu du loup. Rien ne l'avait heurté outre-mesure. Alors quoi ? Laissant trôner une surprise sur son visage, elle laissa sa tête pencher davantage d'un côté, tentant de demander sans un mot ce qui perturbait à ce point Dastan. Et ne voyant aucune réaction de sa part, ne voyant en rien changer l'expression vide dans ses yeux, elle le poussa son museau du bout de sa patte, en ajoutant :

« Hey ? T’es sûr que ça va ? »

waize

« live while we're young. »

avec esha

GROS FAIL A REECRIRE ♫

« live while we're young. »

PV. Dastan

Et elle avait demandé cela avec toute l'innocence du monde. Toute cette innocence qu'elle portait encore en elle et qui faisait qu'elle n'avait parfois pas les mêmes réactions que les autres. Un poil plus immature, un poil plus enfantine, elle ne saisissait pas toujours tout ce qui touchait au monde des « grands ». Et puis, à quoi est-ce que cela servait de grandir ? Pourquoi devenir si sérieux ? Pourquoi devenir si austère et si froid ? À voir tous ses congénères, seul les plus jeunes étaient vraiment amicaux et prenaient le temps de passer du bon temps. Les autres avaient passé cette époque, délaissant presque toute vie sociale pour servir la meute et c'est tout. Esha espéra ne jamais devenir ainsi. Si c'était ça grandir. Si cela signifiait prendre de la distance avec ceux qu'elle appréciait. Si cela voulait dire creuser des fossés entre elle et le reste du monde. Alors. Alors, elle ne grandirait pas. Elle resterait la Esha adolescente qu'elle était. Et si en ce moment même, elle sentait bien que quelque chose clochait un peu chez Dastan, elle n'échangerait pour rien au monde sa compagnie pour des tours de garde ou pour une partie de chasse. Souriant intérieurement, sérieusement heureuse de profiter de sa compagnie et que cette fois-ci, cela vienne de lui, elle sentit une pointe de tristesse et d'incompréhension quant à son contact, il se recroquevilla comme une huître. Pourquoi agissait-il ainsi ? Avait-elle fait quelque chose qui n'allait pas en l'effleurant de nouveau ? Il était tatillon quand même. C'est vrai que lui n'était pas des plus tactiles et plutôt même distant. Mais il pouvait bien aller au bout de l'effort. Il pouvait bien accepter d'être effleuré quelques secondes. Après tout, ils se connaissaient depuis longtemps. Il devait bien savoir qu'avec lui, elle n'avait mis aucune barrière. Mais était-ce pour autant une bonne chose ?

Et une excuse sortit finalement de son joli minois. Pourquoi ? Pour cette absence ? Pour le recul qu'il venait de prendre ? Pourquoi est-ce qu'il s'excusait ? Un peu sur le cul, la louve noire ne sut réellement comment se placer par rapport à cette réaction. Ne voulait-il donc pas qu'ils soient amis ? Ne voulait-il pas qu'elle puisse le toucher ou l'effleurer ? Est-ce que c'était ça qui le mettait mal à l'aise ? Était-ce le regard des autres qui se faisaient insistant voir carrément lourd par moment ? Elle, elle s'en fichait de ce que pouvait bien penser les autres. Elle savait qu'elle l'appréciait. Et c'est tout ce qu'il comptait. Que les autres aient au diable si cela ne leur plaît pas, elle leur ouvrirait elle-même les portes de l'outre-monde pour qu'ils y entrent. Et si elle ne pouvait pas qualifier ce qu'elle ressentait pour lui, ce n'est pas parce qu'elle ne le voulait pas, mais parce qu'elle ne le comprenait pas elle-même. Elle était suffisamment proche de lui pour le considérer comme un excellent ami, peut-être même un peu plus. Mais qu'est-ce que cela voulait dire plus qu'ami ? Qu'est-ce qu'il y avait outre-mesure de l'amitié ? Laissant ses yeux se ternir d'une lueur vague, elle finit par retourner à ses esprits en entrevoyant la mine et l'attitude gênée de Dastan. Si c'était elle qui le faisait se sentir si mal, pourquoi était-il venu la chercher ? Pourquoi lui avoir proposé de partager un moment ensemble ? C'est vrai que ça ne lui ressemblait pas beaucoup. Et l'inquiétude commença à se lire dans son regard. Elle était inquiète pour lui. Et elle n'en cacha rien. L'imitant pour remettre une certaine distance entre eux, elle se rendit compte qu'elle avait peut-être été un peu maladroite dans ses gestes. Pourtant, tout était si naturel quand elle était à ses côtés. Elle ne voulait pas se retenir, pas lambiner pour un signe d'affection ou un autre. Mais peut-être qu'elle devrait finalement. Posant son regard sur ses pattes, gênée, elle articula d'une voix douce où pointait une source naissante de doute :

« Non, ne le sois pas. C'est moi... Si tu veux, je peux partir. »

waize

« live while we're young. »

avec esha

À la mine de plus en plus inquiète de la jeune louve d'ébène, Dastan ne savait vraiment plus comment réagir. Il n'avait pas tout à fait appris ce qu'il devait faire dans de telles situations, il n'avait pas appris à entretenir des relations, bien qu'amicales. Il ne voulait pas que la jeune louve s'éloigne, il ne voulait pas qu'un fossé les sépare. Il n'était pas toujours à l'aise avec l'adolescente à ses côtés, encore moins quand tous ces regards se posaient sur eux, il ne voulait pas qu'on le prenne pour ce qu'il n'est pas. Il ne voulait pas lui voler sa jeunesse, il voulait qu'elle pense à elle, qu'elle pense à ses proches et à ses amis plutôt qu'à se terrer avec lui.

Si tu veux, je peux partir.

Il encra une dernière fois ses yeux dans ceux de la louve, complètement désolé. Il ne souhaitait vraiment pas la faire souffrir inutilement, et son attention le touchait. Mais ce n'était pas à elle de partir. L'intérieur de sa tête ne ressemblait plus qu'à un énorme foutoir. Il devait s'éloigner.

« - Je suis vraiment désolé Esha. »

C'est la tête pendante qu'il s'éloigna encore d'elle. Il n'avait plus sa place ici, il devait s'éloigner encore une fois, il se dégonflait. La fuite était la seule solution viable, il ne savait pas comment réagir. Jamais personne ne s'était intéressé à sa personne. Pourquoi fallait-il qu'il soit aussi angoissé au moindre contact ? Il lui lança un dernier regard abattu avant de quitter le camp pour aller se morfondre seul comme il savait si bien le faire.

« live while we're young. »

PV. Dastan

Elle avait lâché ses quelques mots, la mort dans l'âme, l'esprit en berne, se retenant de s'écrouler. Elle devait faire bonne figure. Elle devait rester joyeuse ou presque, comme elle le faisait toujours. Elle ne voulait pas le froisser plus. Elle ne voulait pas le mettre plus mal à l'aise que ce qui lui apparaissait sous les yeux. Elle ne voulait que son bonheur. Et si pour cela, elle devait prendre la poudre d'escampette. Eh bien, elle le ferait. La journée avait pourtant bien commencé. Il était venu de lui-même la chercher, elle n'avait rien demandé, mais avait profité. Et une fois de plus, elle avait tout brisé. Elle cassait toujours tout avec lui. Comme la veille, quand elle l'avait trouvé dans le désert. À croire que ça ne lui avait pas servi de leçon puisqu'elle venait de le froisser une fois de plus. Et une fois de plus, il prit la fuite. Et il s'excusa de nouveau. Comment ? Comment pouvait-il encore s'excuser ? Pourquoi ? Pour ne pas la froisser elle ? Pour ne pas la vexer ? Et si elle n'était pas du tout atterrée par la décision du noir, son départ lui brisa le coeur. Et pourtant. Pourtant. Pour la première fois de sa vie. Elle mentit. Renvoyant une image plutôt sereine, presque souriante lorsque Dastan se retourna une dernière fois avant de s'éloigner et de disparaître. Pour la première fois, elle se montra égoïste pour ne pas le peiner alors qu'elle était en tort. Et lorsque l'ancre fut levée. Lorsqu'il eut totalement disparu, elle s'accorda à ne pas gâcher la proie qu'il lui avait amenée. Mâchouillant la chair tendre avec une amertume certaine, elle ne tenta pas de se chercher un quelconque réconfort. Avalant bien vite la proie malgré l'absence de sensation de faim, elle se débarrassa des restes, laissant une partie de chair pour l'Oméga qui passerait derrière, autant ne pas gâcher totalement la nourriture.

S'étirant de tout son long avant d'aller prendre son tour de garde auprès de Tomoe, elle s'éloigna pour aller veiller sur la frontière qu'on lui avait confiée. Fuyant elle aussi tous ses regards qui se faisaient pesant aujourd'hui, elle ne parvint pas à effacer de son esprit la mine choquée et absente du loup au moment où elle l'avait touché. Ce ne pouvait être que ça. Ses mots n'avaient pas la force de l'ébranler. Du moins pas autant. Elle s'était montrée trop familière. Trop proche de lui. Cela avait dû le gêner. Et alors qu'elle se fichait de l'image qu'elle pouvait bien renvoyer, elle pensa pour la première fois à Dastan dans l'histoire. Soupirant avant de reprendre sa route, arrêtée par l'ébranlement des souvenirs, elle ne put retenir les quelques larmes qui pointaient depuis qu'elle avait compris que cette détresse, elle avait été celle qui l'avait provoqué. À quel titre ? Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'elle s'était permis de le rendre aussi mal ? Cette journée avait trop bien commencé pour bien finir. Entre deux sanglots étouffés, elle réussit à extraire le seul mot qui lui venait en se revoyant agir comme une enfant :

« Abrutie. »

waize

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