« Absence makes the heart more loving. » || PV. Dastan

« Absence makes the heart more loving. »

PV. Dastan

Il ne lui semblait pas s'être déjà levé de mauvais poil. D'aussi loin qu'elle s'en souvienne, ses réveils étaient toujours bercés par un bonheur intense. Après avoir quitté les bras de Morphée, tout allait bien. Enfin, ça s'était normalement. Pourtant, il faut bien que l'exception qui confirme la règle advienne un jour. Sinon, ce n'est pas drôle. Sinon ce n'est pas normal. Et même si elle n'avait que très peu dormi, ayant choisi de prendre un tour de garde supplémentaire pour foutre un peu la paix à Dastan et le laissé respirer, elle avait eu le malheur de se coucher seul au petit matin. Tremblant d'inquiétude bien plus que de froid, elle s'était laissé gagner par le sommeil qui envahissait son corps et l'amertume envahissant son cœur. Elle l'étouffait. C'était probablement pour ça qu'il n'était pas venu se coucher ici ce soir. C'était probablement à cause d'elle qu'il avait fui je ne sais où. Tout ce qu'elle espérait, c'est qu'il revienne sain et sauf. Elle ne s'en remettrait pas. S'il devait disparaître, du jour au lendemain. Si l'inverse n'était pas vrai, elle se rendait compte, en ces moments de solitude, au combien sa présence lui semblait vitale. Et dans cet excès de tendresse et de présence dont elle avait besoin, elle l'étouffait probablement. Il lui semblait avoir toujours été ainsi avec lui. Pourquoi ? Elle ne le savait pas très bien. Elle avait toujours mis cela sur le compte qu'elle n'ait pas de frère et soeur et pas grand monde pour jouer dans la tanière quand elle était jeune. Pourtant, elle ne s'était jamais attachée à un loup comme elle s'était attachée à lui. Et il lui semblait ne pas avoir autant de peine lorsqu'un loup la rejetait, pas autant qu'avec Dastan. Elle n'avait d'ailleurs jamais versé la moindre larme pour quiconque, qu'importent les mots utilisés et la façon de la rejeter. Il n'était pas le premier à prendre la fuite, à lui tourner le dos, à la renvoyer à ce qu'elle était, mais il était peut-être le seul pour lequel la douleur était si enivrante.

Et pourtant. Lorsqu'elle entrouvrit ses paupières, lorsque la lumière inonda ses iris mordorés, lorsque le corps de son camarade n'entra pas dans son champ de vision, elle ne put se sentir de bonne humeur. Malgré le soleil radieux, le gazouillis entêtant des oiseaux, les quelques camarades qui semblaient s'échanger des politesses plus que cordiales, son coeur ne put que se serrer. Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'il lui faisait ça ? Pourquoi est-ce qu'il tambourinait si vite tant l'inquiétude pointait dans tout son être ? Il ne lui semblait pas s'être autant inquiété pour un simple camarade. Elle n'était pas même certaine de souffrir autant de l'absence de ses parents. Pourtant, on ne peut pas dire qu'elle n'avait pas toujours tout eu avec eux. Ils lui avaient toujours tout cédé. Et c'est peut-être pour ça, qu'un refus, aujourd'hui, soit si dur à supporter pour son petit être. Clignant des yeux comme pour voir si on ne lui jouait pas un tour, elle eut beau les fermer et les rouvrir, Dastan n'apparaissait nulle part. Soulevant son corps mince et élancé, s'étirant rapidement et zappant tout bonnement la faim qui la tenait au ventre, elle alla renifler la couchette vide, comme pour retrouver un peu de réconfort dans son odeur. Il s'était peut-être simplement levé plus tôt et n'avoir pas voulu la réveiller. Et c'est ce qu'elle s'imagina jusqu'à ce qu'en se penchant, l'odeur soit bien plus éparse qu'elle ne voulait le croire. Non. Il n'avait pas dormi ici cette nuit. Ébouriffant son pelage d'inquiétude, laissant une énergie étrange la gagner, elle se mit à fouiller le camp de coups d'oeil furtifs. Nulle part. Il n'était pas là. Sentant son coeur battre plus fort, elle ne put rester en place plus longtemps. Passant devant ses camarades sans même leur accorder un sourire ou un geste, elle prit la direction de la sortie et laissa ses pattes l'a guidée. De toute façon, elle ne savait pas où le trouver. Et est-ce qu'elle en avait vraiment envie ? Pourquoi ? Pour essuyer un nouveau refus ? Une nouvelle fuite ? Et pourtant, lorsqu'elle crut reconnaître sa silhouette au loin, elle n'arriva pas à garder son calme, son coeur s'emballant comme il le faisait à chaque fois qu'elle le voyait. Et si elle prit toutes les précautions du monde pour ne pas refaire deux fois les mêmes erreurs, elle ne put se contenir qu'une fois à quelques pas de lui, laissant la distance qu'il désirait laisser malgré son envie de se blottir contre lui :

« Dastan ! »

waize

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feat esha

Dastan ne savait plus quoi penser de ses actes passés. Avait-il eu raison de prendre la fuite la veille avec Esha ? Pourquoi ne lui avait-il tout simplement pas dit ce qu'il avait sur le cœur ? Pourquoi ne lui avait-il tout simplement pas parlé de cette pseudo-phobie du contact avec les autres ? D'ailleurs, il n'avait pas la moindre idée de l'origine de ce comportement, pourquoi agissait-il ainsi ? Il n'avait pas subi de traumatisme majeur à première vue. Il devait apprendre à prendre sur lui. Sa rencontre avec cette toute petite louve l'avait intriguée, et il savait qu'il était à présent l'heure de rentrer. Lui qui n'avait pas dormit au campement des Kuragari se ferait certainement taper sur les pattes, mais il n'en avait pas grand chose à faire. Il avait eu besoin d'espace, rien que pour lui. Il devait rentrer et agiter son drapeau blanc.

Son précieux désert est désormais loin derrière lui, bien que sa nuit là-bas l'avait plus ou moins aidé à réduire son angoisse grandissante, il ressentait le besoin de rentrer. Il devait aller retrouver les siens, il ne devait pas rester indéfiniment dehors, comme les déserteurs qu'il haïssait tant. La forêt de leur territoire était droit devant lui, il serait bientôt rentré. Et même s'il prenait soin d'éviter le camp, il restait à proximité faisant mine de surveiller les frontières. Même si avouons-le, sa concentration n'était pas présente, il appréhendait.

Le stress était présent, et son cœur rata un battement en entendant la voix de la louve qu'il espérait ne pas voir arriver. Il n'avait pas d'excuses valables pour avoir fait le mur, il n'avait pas d'excuses pour avoir disparu la veille sur un coup de tête. Il ne savait rien. Lorsqu'il se tourna alors vers l'origine de la voix, il fut surpris de la voir stoppée à quelques mètres de lui. Avait-elle compris qu'il ne souhaitait pas le moindre contact ? Le loup d'ébène s'était alors assis, sagement attendant son châtiment.

« Esha. »

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PV. Dastan

Si elle n'avait pas pris soin de masquer sa venue ou même de soigner son arrivée, elle avait tout de même souhaité respecter de laisser une certaine distance entre elle et l'autre loup noir. Non pas qu'elle ne mourrait pas d'envie de se blottir contre lui, de sentir la chaleur et la douceur de son pelage, mais elle pressentait que tout ne se passerait pas comme dans ses plus beaux rêves. Après tout, tout avait si bien commencé la veille, il avait accepté sa présence. Enfin, jusqu'à ce qu'elle l'effleure d'un peu trop près et ne le fasse fuir pendant une journée et une nuit entière. Au final, tous les contacts réels qu'elle avait eus avec lui s'étaient toujours soldés de la même façon : la fuite. Et non pas qu'elle elle était gênée en quoi que ce soit, ni par lui, ni par son apparence, encore moins les aprioris des autres ou par son propre ressenti. Non. C'était plutôt lui qui prenait la poudre d'escampette dès qu'il en avait l'occasion. Pourquoi ? Elle l'ignorait. Et elle refusait de croire qu'en réalité, il ne voulait rien avoir à faire avec elle. Cette idée ne semblait même pas effleurer son esprit. Et son regard posé sur celui bleuté de son camarade ne reflétait qu'une joie intense de le retrouver. Une joie de le retrouver. Une joie enfantine. Une joie stupide. Certainement bien puérile. Une joie dégoulinante. Et cet effet, cette bouffée de chaleur soudaine, elle l'avait chaque fois que ses yeux avaient la possibilité de croiser ce loup-là. Pourquoi celui-là ? Elle ne le savait pas, mais elle avait compris depuis longtemps qu'elle ne pouvait décemment lâcher l'affaire avec lui. Peu importe le nombre de rejets qu'elle accuserait. Peu importe le nombre de fois qu'il fuirait. Elle reviendrait toujours. Et encore une fois, elle ne pourrait pas donner le pourquoi du comment si on le lui demandait. Elle n'aurait qu'à dire que c'était comme cela. Que le destin avait décidé de les lier. Enfin, plutôt de la lier elle à lui, puisque l'inverse ne lui apparaissait nullement comme réciproque. Pourtant, elle qui baissait si rapidement les pattes, ne s'était jamais autant accroché à ce loup qu'à un autre, allant jusqu'à bousculer les codes pour continuer de le suivre.

Peu importe où il avait passé la journée de la veille. Peu importe où il avait passé la nuit. Peu importe qui il pouvait bien être allé retrouver. Esha lui pardonnait tout. Il n'avait pas même besoin de dire quoi que ce soit. Il n'avait pas besoin de lui présenter la moindre excuse. Sa simple présence lui suffisait. Et ce même si c'était elle qui l'avait trouvé et pas l'inverse. Et si elle aurait aimé avoir un peu plus. Si elle aurait aimé voir une expression plus ou moins amicale ou reflétant au moins un sentiment moins neutre que celui qu'il affichait, être sur son faciès, cela aurait été mieux encore. Mais comme d'habitude, elle ne pouvait rien y lire. Rien de chaleureux, mais rien de particulièrement froid non plus. Non. Simplement une distance énorme. Un véritable fossé. Un peu comme s'ils étaient deux étrangers à se jauger. Pourtant, dans son coeur, Esha était loin de le considérer comme tel. Elle pensait d'ailleurs s'en être fait un bon ami, mais tout ça, ça ne devait être que dans sa tête. Et se dandinant d'une patte sur l'autre, elle guetta l'autre, dans l'attente d'une réaction de sa part. Tout pourvu que ce ne soit pas la fuite, se mit à implorer la Sentinelle hésitante. Et si quelque chose sembla transpercer son être lorsque Dastan se mit assis, ne brisant ainsi pas la distance qui les séparait, asseyant au contraire son poids sur l'esprit de la louve, elle ne put en tenir réellement rigueur. Trop gentille, encore et toujours, totalement aveugle même. Encore une fois, si elle sentait bien que quelque chose la gênait au fond d'elle, elle n'y vit rien à redire. Après tout, elle était peut-être trop collante et un peu trop tactile par moment. Ne souhaitant pour autant, ne pas vraiment rentrer dans son jeu, si elle ne s'approcha pas plus, elle ne prit pas pour parti de l'imiter. Et un peu décontenancée, réfléchissant avant de parler pour ne pas le faire fuir une nouvelle fois, elle laissa son hésitation poindre dans sa voix toujours aussi douce :

« Je… euh… hum… tu vas bien ? Oh… Si tu veux… Enfin, t’es pas obligé de me répondre… et… euh… Je peux partir si tu veux… Mais… ça… hum. Ça me fait plaisir de te voir. »

waize

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feat esha

Elle était là, juste devant lui. Il avait planté son regard bleuté dans celui de feu de la louve. Et il attendait. Il ne savait pas vraiment à ce qu'il devait attendre. Allait-elle se déchaîner sur lui pour lui faire comprendre qu'il avait fait quelque chose de mal, ou allait-elle simplement passer par-dessus. Comme une louve mature, comme ce qu'il aurait dû faire la veille. Son regard se dirigea vers ses pattes, il avait les oreilles brûlantes de honte. Lu, le loup d'ébène de quatre ans maintenant, se retrouvait complètement bête devant elle. Le plus immature des deux dans le cas présent n'était pour une fois pas la plus jeune. Lui qui n'agissait d'habitude pas sur des coups de tête, il avait l'impression d'avoir fait un énorme pas en arrière à ses côtés. Qu'est-ce qui lui prenait de se montrer si impulsif au final ? Il n'arrivait pas à comprendre. Il ne comprendrait certainement pas avant un moment.

Lorsqu'il entendit ce que la jeune louve avait à lui dire, son cœur se déchira. Il lui avait fait du mal. Il ne l'avait pas voulu, ce n'était pas son intention, et pourtant. Elle n'avait pas bougé, elle avait hésité. Il ne savait pas vraiment quoi lui répondre, la seule chose dont il était certain, c'est qu'il ne voulait plus lui faire de mal. Il s'était juré de la protéger. La protéger de qui ? De lui-même ? Peut-être bien. Finalement, peut-être qu’inconsciemment, il essayait de l'éloigner pour qu'elle ne s'attache pas plus à lui. Mais sa raison avait autre chose en tête, il ne voulait pas la perdre. Et c'est ainsi qu'il se rapprocha de la louve, son museau frôlait le sien. Et c'est ainsi que sa voix, raisonna dans un murmure qu'elle seule pouvait entendre.

« Jamais je ne te ferais une demande pareille. »

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PV. Dastan

Elle qui ne voyait habituellement que par le contact avec les autres. Elle qui n'entrevoyait une quelconque relation que par un certain sens du toucher. Elle se retrouvait là, à l'écart de ce loup qu'elle appréciait tant pourtant. Pourquoi fallait-il qu'il soit ainsi ? Pourquoi fallait-il qu'il soit aussi sauvage que ça ? Elle s'était compliquée la tâche en le choisissant lui. D'ailleurs, pourquoi lui ? Avait-elle réellement eu le choix ? C'est vrai. Quand elle avait posé son petit regard de jeune louveteau sur le camp entier, pourquoi avoir choisi celui-là parmi tous les autres ? Avait-elle pressentit que ce loup-là avait quelque chose de spécial ? Encore aujourd'hui, elle ne saurait exactement dire pourquoi lui. Cela lui était tout bonnement apparu comme une évidence à laquelle elle n'avait pu renoncer. Et d'ailleurs, encore aujourd'hui, elle ne le pouvait pas. Il suffisait qu'il disparaisse quelques minutes, quelques heures de son champ de vision et de raison pour qu'elle s'inquiète pour lui. Mais n'était-ce pas là le rôle d'une amie ? Et quand bien même si ce n'était pas à proprement le rôle d'amie de s'inquiéter pour celui qu'elle avait choisi comme être d'attachement, et bien tant pis, elle ne mettrait pas de nom sur ce lien qui l'unissait à Dastan. De toute façon, est-ce qu'un mot peut coller à une relation ? Est-ce qu'un mot peut suffire à résumer un lien entre deux êtres ? Elle en doutait fortement. Et se perdant un peu dans ses réflexions, elle n'entrevit d'abord pas que les choses bougeaient à l'extérieur. Elle qui d'habitude ne tombait que rarement dans des rêvasseries inutiles, se retrouva à lorgner, une fois de plus, sur les détails de leur relation, cherchant à comprendre ce qu'elle ne comprendrait probablement jamais. Pourquoi est-ce qu'elle s'attachait tant aux détails et ne voyait pas le principal ?

Elle ne retomba réellement sur Terre que lorsque son champ de vision fut envahi d'un corps lupin entièrement noir. Hoquetant de surprise, elle ne bougea pas d'un poil, observant avec son regard mordoré l'avancé de ce loup qui ne se tenait plus très loin d'elle. Pourquoi ? Comment ? Qu'est-ce qu'il faisait ? Il s'en allait déjà ? Ce n'était pas la bonne direction pour fuir pourtant. À moins qu'il ne veuille la narguer au passage ? À moins qu'il ne veuille mettre les choses au clair une bonne fois pour toute ? Peut-être qu'il en avait assez au final ? Peut-être qu'après presque deux hivers, il en avait marre de la voir traîner dans ses pattes ? Paralysée par un je ne sais quoi qui la retenait, elle ne bougea pas d'un poil, attendant la sentence. Et alors qu'elle s'attendait à être tout bonnement esquivée, on lui frôla le museau et on lui souffla un petit quelque chose. Les yeux écarquillés, les pattes presque tremblantes, elle eut du mal à contenir son étonnement. Tentant de garder un peu de dignité, elle ravala son étonnement en une seconde tout au plus, ne laissant qu'un voile infime de surprise dans son regard, remplissant le reste d'une joie intense et d'un sentiment dérisoire dont elle ne cherchait même plus à connaître la source. Si à force de chercher, elle n'y était pas parvenue, peut-être qu'elle devait faire preuve d'un peu de patience et de temps pour laisser la chose venir à elle. De toute façon, elle avait déjà tout essayé. Un sourire s'étira sur les commissures de ses babines. Voilà qui la remettait d'aplomb et de bonne humeur. La journée n'avait pas spécialement bien commencé, mais elle pouvait se terminer en beauté. S'il fallait le laisser venir à elle pour avoir droit à un tel traitement de faveur, alors elle tâcherait de se montrer un peu plus patiente, mais si la distance la rongeait et que le peu de contact lui faisait se sentir plus que jamais dépendante. Reprenant du poil de la bête, son regard plongea dans le sien et sans la moindre once de malice, tout en douceur, elle laissa des mots s'échapper de sa gueule :

« Euh ? Tu serais en train d’insinuer que tu ne veux pas que je reparte ? »

waize

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feat esha

La surprise de la louve pouvait se lire dans son regard. Ses gestes inhabituels ne la trahissaient que trop bien. Et même si elle essayait tant bien que mal de le cacher, c'était trop tard, il avait tout vu. Un très léger sourire vint alors illuminer Dastan. Il ne souhaitait pas qu'elle parte, cela dit, il ne l'obligerait pas non plus à rester à ses côtés. Il n'avait pas envie de la contraindre. Il avait pourtant l'habitude de la faire, mais avec la jeune louve, c'était différent. L'hésitation de la louve l'amusait. Elle semblait complètement perdue face à ses réactions. Enfin, qui ne le serait pas ? La veille se faire rejeter par un loup qui laisse tout en plan, le lendemain se faire approcher par se même loup qui a pourtant horreur des contacts. Qui ne serait pas perdu ? Il se rapprocha encore un peu, laissant son souffle parler pour lui.

« Qui sait ? »

Le loup d'ébène secoua la tête, avant de se lever. Il devait remettre de la distance entre eux, il était mal à l'aise. Il fit quelques pas avant d'agiter la tête pour lui faire comprendre qu'elle devait le suivre. Il n'en pouvait déjà plus de rester immobile. La seule chose qui diffère de la veille, c'est qu'il ne la laisse pas planter là, il l'invite à la suivre. Un si petit pas, et pourtant si grand pour le loup d'ébène.

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PV. Dastan

Elle était là. Plantée comme une potiche. À ne pas savoir trop quoi dire, ni faire. La dernière chose qu'elle voulait, s'était de se faire planter là. Encore une fois. C'était pourtant dans les habitudes du loup d'ébène de la laisser seule. Pourtant, aujourd'hui, il semblait en avoir décidé autrement. Et sans qu'elle ne puisse réellement dire pourquoi, le coeur de la louve s'emballa. Pas au triple galop, mais tout en modération. Elle ne voulait pas l'effrayer. Elle ne voulait pas le faire fuir encore une fois. Mais elle voulait profiter de chaque instant. Avec lui, plus que tout autre, elle voulait se montrer comme elle était réellement et non pas comme une autre, juste pour le plaisir des yeux. Était-il réellement bon de s'emballer pour tout ça ? N'était-ce pas ce qui avait causé sa perte hier ? N'avait-elle pas été laissé sur place juste parce qu'elle montrait un peu trop d'entrain et un peu trop d'affection envers ce loup ? Soupirant intérieurement et tentant de se contenir, elle laissa ses émotions à son esprit, son corps comme murer dans la pierre. Elle n'avait pas le droit à l'erreur. Pas encore. Pas une troisième fois. Et même si elle ne comprenait pas très bien la façon de fonctionner de son compagnon, elle le respectait. Plus que tout autre, elle ne voulait pas lui enlever sa façon de fonctionner et d'être. Après tout, c'était peut-être pour cela qu'elle l'avait choisi lui. Alors pourquoi voudrait-elle le changer ? Pourquoi voudrait-elle le modeler ? Deux loups identiques, ce n'est pas drôle. Et puis, si la tâche n'était pas si dure, est-ce qu'elle s'y attacherait autant ? C'est vrai, d'habitude, elle ne perdait pas plus de temps que cela avec les autres. Elle arrivait facilement à ses fins, il lui suffisait de laisser un sourire par-ci, un sourire par là et le tour était gagné. Avec lui, les choses étaient notablement plus compliquées. Mais c'est peut-être ce piquant qui rajoutait un peu d'envie à la louve.

Un sourire crispa très légèrement les babines de Dastan et ce point de détail, comme tous les autres, n'échappa pas à la louve. Comment exprimer sa joie autrement qu'en se jetant contre lui pour la lui démontrer ? Peut-être en restant sagement là, en ne bougeant pas. Après tout, avec lui, les choses semblaient vouloir dire l'inverse de ce qu'elles étaient. Ou tout du moins, autre chose. Et le pas de plus fit briller un peu plus l'éclat au fond des yeux perdus de la louve, ce pas de plus qu'il avait fait vers elle, ce nouveau souffle qui sortit de sa gueule. Esha ne manqua rien de tout cela. Aucun détail ne lui échappait réellement. Les généralités, les banalités, oui, les points de détails et les avancées mineures, non. Et si elle n'osait pas le féliciter explicitement de peur qu'il fuie, elle resta, pour toute consolation pour ce dernier, totalement stoïque, affichant simplement un petit sourire de circonstance sur la commissure de ses babines. Qui sait ? Si lui ne le sait pas, il ne fallait pas compter sur elle pour décrypter ses envies. Si lui ne se comprenait pas lui-même, elle n'était pas arrivée la belle noire. Mais elle s'en fichait pas mal. Laissant son regard pénétré le sien de plein fouet, c'est toute l'attention qu'elle se permettrait de lui offrir en ce moment même. Ne pas effleurer le papillon sous peine de l'effrayer, voilà ce qu'elle avait pour optique de faire. Pourtant, son corps transi mourrait d'envie d'effleurer ses jolies écailles. Se faisant violence pour ne pas bouger, le supplice fut moins intense lorsque de lui-même, le loup s'éloigna. Encore une fois ? La question heurta de plein fouet l'esprit et le coeur de la louve qui renflouait déjà une montée de larmes. Pas possible. Elle n'avait rien fait. En proie à une panique certaine, elle remarqua avant de sombrer l'invitation de Dastan à le suivre. Alors, c'est vrai. Aujourd'hui, elle pouvait fuir avec lui ? Effaçant en un quart de seconde toute trace de malaise, elle afficha la mine douce, sereine et enjouée dont elle usait si souvent et une fois à sa hauteur d'épaule, sans pour autant le toucher ou le frôler, elle lâcha avec toute l'innocence du monde :

« Je ne suis pas certaine de tout comprendre, mais tant que j'suis avec toi, ça me va ! »

waize

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feat esha

Dastan n'échangerait ce moment pour rien au monde. Visiblement, la jeune louve avait compris qu'il ne fallait pas le toucher, rassuré, un léger soupire sorti de sa gueule. Il lui avait fait comprendre à sa manière, il aurait pu le faire plus doucement, de manière plus adulte et posée, rien qu'en discutant. Mais ce n'était pas naturel pour lui, la fuite était la seule chose à laquelle il pensait dans des cas comme celui-là. Il ne comprenait pas d'où venait cette phobie, il avait beau tourner la question dans tous les sens. La case du toucher était tout bonnement bloquée, fermée à double tour et c'était ainsi. Il allait devoir prendre sur lui un jour où l'autre, il allait devoir se laisser apprivoiser.

La jeune louve le sorti de ses pensées. Lui non plus ne comprenait pas vraiment ce qu'il faisait, il se laissait simplement porté par le moment présent. Tout allait parfaitement bien pour l'instant, pourquoi fuirait-il ?

« Je suis pas certain de me comprendre non plus, mais si tu préfères, je peux toujours m'éclipser. »

Une pointe de malice avait pointé dans la voix du mâle. Il avait envie de s'amuser, et c'est ainsi qu'en un claquement de doigts, il n'avait fait qu'un avec le sol qui les entourait.

« Absence makes the heart more loving. »

PV. Dastan

Et elle ne faisait que répandre la vérité. Elle mentait rarement et encore moins à ce loup noir aux yeux bleus. Elle ne comprenait pas exactement tout ce qui se passait. Elle n'était pas certaine de capter les attentions de Dastan, ses sentiments, ses émotions, ses envies ou quoi que ce soit d'ailleurs. La seule chose dont elle pouvait être certaine, c'est ce qu'elle ressentait et ce qu'elle vivait elle. Et tant pis si cela ne convenait pas à la bienséance qu'elle passe du temps avec lui. Tant pis si les autres les regardaient de travers une fois au camp. Tant pis si elle se faisait jeter une nouvelle fois. Elle aurait au moins dit ce qu'elle avait sur le coeur. Et elle aura au moins profité de ce moment comme il se doit. Elle avait dit ces quelques mots avec un tel naturel et un tel sens du détachement que beaucoup aurait pu être étonné. C'est vrai, quand on est aussi jeune ou tout du moins qu'on se montre aussi juvénile, que peut-on capter du moment présent ? Que peut-on vraiment dire sur ce que l'on en pense et ce qu'on envisagerait d'autres ? Et si dans ses rêves les plus flous, elle cavalait collée au loup noir, aujourd'hui, elle se contenterait de trottiner à ses côtés. Pour ne pas l'effrayer. Pour ne pas casser quelque chose. Parce qu'elle ne voulait pas le perdre. Elle avait beau songer à tout ce qu'elle voulait, c'était toujours son image à lui qui lui revenait. Toujours ses deux yeux bleus qui se posaient sur elle, même quand il n'était pas franchement avec elle, voir même pas du tout. Après tout, peut-être qu'un jour, elle arriverait à lui faire accepter son contact. Tout du moins, elle essayerait de le faire. On dit que l'envie fait tout. Alors peut-être que si elle a simplement envie de l'apprivoiser, peut-être qu'elle y parviendra. Laissant son regard se promener sur le corps du loup, elle se contenta de suivre le mouvement.

Elle n'imposerait pas une destination à leur course. Elle n'imposerait aucune destination non plus à leur relation. Le moment venu, elle savait parfaitement que le choix ne lui reviendrait pas. Il lui avait toujours montré qu'il en serait ainsi. Elle avait beau avoir certains atouts, le reste des cartes n'étaient pas dans ses pattes, mais dans celle du mâle. Elle aura beau lui faire toutes les avances possibles et inimaginables, au fond, le seul décisionnaire dans l'histoire, ce serait lui. Et si elle n'était pas encore consciente des réels sentiments qui l'animaient, elle savait qu'elle ne lâcherait pas le morceau si facilement. Après tout, elle ne s'était pas accrochée si durement toutes ces longues lunes pour lâcher le morceau comme ça. Les choses avaient un intérêt à ses yeux ou n'en avaient pas. Et Dastan en avait un des plus importants, si ce n'est le plus grand de tous. Sur son petit nuage, ne prêtant aucune attention aux banalités, elle ne remarqua qu'après-coup que le sol avait changé sous ses pattes. La terre battue, l'herbe, tout cela avait été remplacé par une matière bien plus chaude et bien plus impactant. Les coussinets de la louve n'eurent aucune peine du monde à reconnaître la délicate sensation du sable et ses yeux n'eurent pas à faire un grand effort pour s'apercevoir que des dunes se dressaient un peu partout à l'horizon. Il l'avait donc amené jusqu'au désert. Son élément, songea Esha. Pourquoi ? Pourquoi l'avoir amenée ici ? Avait-il quelque chose à lui dire ? Entretenait-il quelque chose de spécial avec ce lieu ? Hormis son pouvoir, avait-il quelque chose d'autre en commun avec cet endroit ? À bien y regarder, ce lieu n'aspirait à aucun sentiment, il était calme et imperturbable. Un peu comme Dastan. Enfin, imperturbable jusqu'à ce qu'une brise vienne balayer le sable, la sorte de brise qu'Esha pouvait être pour lui. Rattrapée dans le silence par les mots du loup, Esha retrouva ses esprits, un peu tard peut-être. Elle n'eut droit de voir qu'une touffe de poils noirs disparaître, se muant en grains de sable. Stoppant nette sa course, la louve étonnée par la réaction de son camarade laissa un grognement plaintif sortir de sa gueule, avant de couiner d'une voix où le côté enfantin perçait nettement :

« T’es pas drôle Dastan. Faut toujours que tu fasses l’idiot. »

waize

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feat esha

Toujours caché dans le sable, toujours camouflé dans son élément, le loup d'ébène observait la réaction de la jeune louve. Le mâle souriait, il était bien là où il était. Il ne savait pas pourquoi il l'avait emmené ici, pourtant, il l'avait fait. Se sentait-il tant plus à l'aise en sachant que la fuite serait bien facile ici ? Il n'en ressentait néanmoins pas le besoin. Un léger grognement sorti de la gorge de la louve, il pouvait bien réagir comme il le souhaitait camoufler ainsi, mais un large sourire ornait son visage qu'elle ne pouvait pas voir. Qu'il aimerait pouvoir redevenir aussi innocent, enfin, l'a-t-il vraiment été un jour ?

Il prit son temps avant de se laisser réapparaître, son temps sous cette forme était terminé, ses limites étaient bientôt atteintes. Il s'était laissé matérialiser à quelques mètres de la louve, il avait besoin d'espace, mais son regard bleuté était toujours encré dans le sien. Son regard était à présent de celui celui que tout le monde lui connaissait, plus aucune trace de son sourire passé. Patience.

« Absence makes the heart more loving. »

PV. Dastan

Ce qu’il pouvait être enfantin parfois. C’est vrai. Entre eux, lequel était le plus immature du lot maintenant ? On pouvait bien lui reprocher ses caprices et ses manies d’enfant-roi, elle n’en restait pas moins mature quand le moment l’exigeait. Dastan, lui, il avait le don de se défiler dans ces moments-là. Comment avait-elle donc fait pour le choisir lui plutôt qu’un autre ? Encore une fois, elle se le demandait. Et encore une fois, elle n’aurait pas de réponse. Pas de réponse plus précise que parce que c’est lui et pas un autre. Soupirant sans cacher son début d’agacement, la louve noire se mit à fouiller le désert du regard. Elle se doutait bien que c’était peine perdue. Elle savait parfaitement qu’elle ne distinguerait pas les grains de Dastan des grains de sable propre au désert. Mais au moins, elle ne louperait peut-être pas sa réapparition. Et si elle savait qu’il ne resterait pas une éternité sous cette forme, elle savait aussi que plus le temps passerait et plus elle serait agacée de la situation. Pourquoi fallait-il toujours qu’il se défile ? Pourquoi ne pouvait-il pas affronter les problèmes, si l’on pouvait considérer Esha comme un problème, en face ? Bah. C’était peut-être de sa faute aussi. Elle était rentrée dans son jeu. Elle ne s’en était pas aperçue. Mais elle l’avait suivi quand même. Elle l’avait laissé choisir la destination. Elle l’avait laissé prendre l’avantage. Et maintenant, elle s’en mordait les pattes. Bien fait, grommela une voix dans sa tête tandis qu’elle luttait pour la faire taire. Où était-il ? Près d’elle ? Loin d’elle ? En profitait-il pour prendre la fuite ? Pour s’approcher ? Non. La dernière option lui paraissait peu probable. Dastan n’était pas de ceux-là. La première lui collait bien plus à la peau. Bwarf. Elle pouvait bien imaginer ce qu’elle voulait après tout, puisqu’il n’était pas là. Enfin, pas sous ses mirettes mordorées qui se remplissaient au fur et à mesure d’impatience.

Un nouveau soupir s’échappa de sa gueule. Dans le même temps, sa queue se mit à fouetter l’air, projetant des gerbes de grains de sable par-ci, par là. Les secondes s’accumulaient sans que la donne ne change. Et en ce moment précis, Esha se sentait vide, inutile et incomprise. Son pouvoir à elle ne lui était d’aucune utilité dans ce cas-là. De toute façon, que pourrait-elle y changer ? S’il voulait tout le temps fuir, à part l’enchaîner et garder toujours une patte sur lui, pas possible de le garder près d’elle. Elle devrait peut-être se faire à cette idée. Peut-être que depuis le début, il ne fait que jouer avec elle ? Après tout, elle n’y verrait que du feu si c’était le cas. Elle ne voyait pas plus loin que le bout de son museau quand ça le concernait lui. Alors comment ferait-elle pour s’en rendre compte ? Posant ses fesses sur le sable chaud et sec, la louve ne perdit pour autant rien de son attitude d’enfant impatient, tentant de ne pas céder au pic qui montait petit à petit. Patience, soufflait-elle pour elle-même. Il ne peut pas rester ainsi indéfiniment. Toi-même, tu le sais, non ? Et elle finit par avoir gain de cause. Ou peut-être bien que ce sont les capacités de Dastan qui finirent par le lâcher. Toujours est-il que le corps du loup se matérialisa de nouveau quelques mètres plus loin, remettant ainsi une distance cruelle entre elle et lui, affichant un message subliminal que la louve n’avait aucun mal à percevoir. Alors pourquoi ? Pourquoi est-ce que son regard était ancré dans le sien ? Pourquoi est-ce qu’il continuait de la fixer comme ça ? Et pourquoi est-ce qu’il se taisait ? Pourquoi il ne disait rien ? Il pouvait bien se moquer d’elle. Il pouvait aussi tenter de se défendre pour ce qu’elle venait de dire. Enfin, il y avait tant de choses à dire pour ne pas meubler ce moment de silence. Et comme si elle pressentait qu’il ne dirait rien sans rien, la voix douce d’Esha perla encore, ayant retrouvé de sa douceur et de son incompréhension coutumière :

« Quoi ? »

waize

« absence makes the heart more loving. »

feat esha

Elle non plus ne bougeait plus, elle semblait prise dans un tourbillon d'incompréhension. Tout ce qu'il y a de plus légitime. C'était un joyeux bordel dans la tête du loup d'ébène. Il ne savait plus quoi penser, il ne savait même pas quoi lui répondre. Après tout, lui-même ne savait pas pourquoi il s'était camouflé, pourquoi il s'était encore une fois éloigné de la belle sans un mot. Que devait-elle penser de lui ? Certainement que celui qu'elle avait prit comme exemple, comme modèle depuis toute petite n'était finalement qu'un lâche.

Il ne comprenait rien. Tout ce qui lui arrivait, les façons dont il réagissait dernièrement ne lui ressemblaient absolument pas. Lui qui est pourtant un fin stratège, un sang-froid à toute épreuve. Il n'était plus rien de tout cela en présence de la louve. À ses côtés, il ne ressemblait plus qu'à un faible louveteau sans défense et complètement perdu.

« Je suis sûr à 100% que je suis sûr à 0% de ce que je vais dire... J'ai vraiment des sentiments pour toi. Mais je ne suis pas sûr qu'ils soient négatifs ou positifs. »

Il avait laissé tout ça s'échapper sans le vouloir. Les oreilles basses, rouge de honte. Son regard n'avait plus rien de celui habituel. Il n'était plus que fuyant comme jamais. Des étoiles dansaient autour de ses yeux, il n'avait plus qu'une envie en tête : disparaître.

« Absence makes the heart more loving. »

PV. Dastan

Bêtement, cette question était sortie de sa gueule. Et puis quoi ? Qu’est-ce qu’elle attendait comme réponse ? Qu’est-ce qu’elle voulait entendre ? Voulait-elle réellement savoir ce qu’il pensait ? À quoi se rapportait vraiment cette question ? À quoi se rapportait vraiment cette question ? À ce qui se produirait ensuite ? À ce qu’il avait fait pendant ces deux jours d’absence ? Pourquoi est-ce qu’elle n’avait pas été plus claire ? Pourquoi est-ce qu’elle n’avait pas posé une question concise et précise au lieu de laisser planer un je ne sais quoi de douteux dans l’air ? Pourquoi ? Pourquoi laisser sa bouche parler avant même de réfléchir ? C’est probablement parce que c’est ce que les louveteaux font. Pourtant, elle n’en est plus une. Du moins, son corps n’est plus celui d’un enfant. Mais son esprit ? Son esprit, lui, est prisonnier depuis belle lurette dans ce monde-là. Elle ne s’en ait jamais défait. Elle n’a toujours eu d’yeux que pour ce monde-là, que pour cet univers où la vie est bien plus facile à aborder. Il suffit parfois d’avoir un angle différent, un point de vue autre, pour que tout s’éclaircisse. Et pourtant. Elle stagnait dans ce monde-là. Dans ses colères, elle se perdait parfois dans la rébellion de l’adolescence. Parfois, dans son sens du devoir, elle trouvait quelques points de l’adulte. Pourtant, elle n’en était pas moins prisonnière de l’infantile. Elle y retournait toujours. Elle y revenait toujours. Quoi qu’elle fasse. Elle revenait toujours à cette époque où rien n’avait plus d’importance que son petit être et cet autre être dans les pattes duquel elle traînait. Elle n’avait cessé de s’accrocher à celui-là, plutôt que d’aller chercher la compagnie des autres. Pourquoi ? Son cœur le savait peut-être, mais il restait muet à toute explication cohérente et logique. Ne restait alors qu’une perspicacité trop terre-à-terre pour tenter d’expliquer ce qui l’était difficilement autrement que par un mot précis qu’on refusait de lui donner.

Elle n’avait pas compris les attentions de Dastan en se muant dans le sable quelques secondes auparavant. Elle n’avait pas non plus compris son pas vers elle pour reculer ensuite. En fait, elle ne comprenait pas grand-chose du loup d’ébène. Elle le trouvait simplement atypique et savait que ses sentiments envers lui étaient forts. Si elle était incapable de les établir sur une échelle concise, c’est qu’elle n’en avait jamais eu à disposition. Amour. Amitié. Il n’y avait qu’un pas disait certain. Et elle, elle ne savait pas où ce fameux pas se trouvait. Est-ce que lui le savait ? Pourrait-elle lui demander ? Non. Ce n’est pas probablement pas une bonne idée. Et lorsqu’il articula quelques mots, pendu à ses babines, Esha n’en perdit pas un seul. D’abord paumée par la première phrase qu’il avait débinée, tentant de trouver si elle avait un sens plus ou moins caché que ce qu’elle semblait vouloir dire. Elle atterrit finalement un peu après sur la suite, qui pourtant, était, somme toute, la phase la plus importante probablement. Sentiments ? Qu’est-ce qu’il essayait de dire ? Encore heureux qu’il éprouvait un petit quelque chose. Personne ne pouvait rester de marbre face à un de ses congénères. Et pas après tant de temps passé à ses côtés. Il y avait forcément des émotions, des choses de ce genre, qui prenaient le dessus et qui donnaient ce que l’on appelle des sentiments. Mais là où le doute rongea le plus la louve aux yeux d’or, c’est lorsque résonna dans son esprit le négatif ou positif. Comment pouvait-il être aussi incertain ? Comment pouvait-il ne pas faire la différence entre de telle opposée ? Elle, elle était perdue entre des barrières dérisoires, tandis que lui targuait d’un côté et de l’autre des opposés. Du moins, c’est ce qu’elle avait capté de ces mots. Et le doute émanant plus que jamais de son corps, elle bafouilla comme une gosse avant de trouver ses mots pour tenter de ne pas le faire fuir une nouvelle fois :

« Hum… Je crois que… Non… Laisse tomber hein. Faut que t’arrêtes de sortir des trucs comme ça, tu vas me faire avoir un arrêt, imbécile. Mais je t’aime bien quand même… Enfin j’crois. »

waize

« absence makes the heart more loving. »

feat esha

Lui-même tentait de comprendre vainement de comprendre pourquoi il venait de lancer une telle bombe. Quels genres de sentiment pouvait-il éprouver pour la jeune louve. Pourquoi avait-il parlé de sentiments négatifs ? Il était loin de vouloir la voir s'éloigner. Il voulait la garder près d'elle. Il voulait pouvoir la protéger. Qui l'aurait cru ? Il y a encore quelques saisons le loup d'ébène en avait marre d'avoir une boule de poils entre ses pattes, qui le suivait comme son ombre et au jour d'aujourd'hui, il ne voudrait plus s'en séparer. Elle était bien, là, il n'avait qu'à tendre la patte pour l'attraper. Mais le chemin était encore bien long pour lui.

Le regard toujours fuyant, il écouta tout de même ce que la jeune louve avait à lui répondre. Elle semblait complètement à l'ouest elle aussi. Il avait réussi à faire d'une pierre deux coups : deux loups complètement gênés par ses âneries. Imbécile... Un léger sourire s'afficha sur ses babines, c'est vrai qu'il avait l'air d'un idiot à l'heure actuellement, il n'osait cependant toujours pas lever la tête vers la louve. Je t’aime bien. Qu'est-ce qu'elle voulait dire par là ? Il n'avait pas écouté la fin, complètement bloqué sur ces quelques mots.

Les secondes qui suivirent étaient pesantes. C'était pourtant à lui de l'écourter, mais les mots de lui ne venaient pas. Il ne pouvait pas la conforter, il n'était tout simplement pas à l'aise. Il releva alors la tête, sans pour autant la regarder dans les yeux avant de murmurer presque pour lui-même.

« Je me sens idiot, là tout de suite. Tu veux bien oublier ce que je viens de dire ? »

« Absence makes the heart more loving. »

PV. Dastan

Et un sourire de circonstance orna, une fois de plus, le doux faciès de la louve. Elle pouvait bien être gênée. Elle pouvait bien avoir toutes les peines du monde à s’y retrouver. Elle ne pouvait s’octroyer le droit de faiblir. Elle ne pouvait pas non plus fuir. Ça, ce n’était pas son fort à elle. Elle avait plutôt tendance à tout affronter avec le sourire au coin de la gueule et sa bonne humeur coutumière. Et c’est ce qu’elle ferait une fois de plus. C’est ce qu’elle s’efforçait de faire depuis le début. Ce minuscule sourire de convenance. Ce dérisoire rictus d’abord là pour masquer sa gêne, se mua en l’affaire de quelques secondes en quelque chose de bien plus vrai et de bien plus fort. Oui. Elle l’aimait bien. Comment ? Elle ne saurait encore comment trop le dire. Et c’est peut-être pour ça, que de surcroît, elle avait ajouté son « j’crois ». Pourtant. Elle, elle n’avait pas peur de ses sentiments. Non. Elle ne tremblait pas pour dire à quelqu’un qu’elle tenait à lui. Et elle le ferait sans problème avec Dastan. Seulement, quelque chose la poussait à retenir tout ça au fond d’elle. À la fois une peur irrationnelle de le perdre. Mais également le souci de savoir comment positionner cette affection. De l’amitié ? Un peu plut ? Un peu moins ? Non. Ce lien si fort. Il ne pouvait nullement être en dessous de l’amitié. Il était même probablement au-delà. Et si elle tenta un instant de trouver une quelconque consolation, si ce n’est une réponse, dans les yeux bleus de Dastan, ceux qu’elle aimait tant croiser. Ce n’est pas à cet instant-là qu’elle allait pouvoir le faire. Fixant désespérément le sol sableux, le loup semblait fuir son regard. Le gênait-elle à ce point ? Est-ce qu’elle était la raison de son attitude fuyante, une fois de plus ? Ce ne serait pas la première fois et certainement pas la dernière, songea Esha, perplexe.

Et malgré tout. Malgré son regard pesant, elle ne put se résoudre à le détacher du loup. Elle ne put se résoudre à l’abandonner en si bon chemin. Pas après tout ce qu’il avait pu dire. Tout n’était probablement pas sorti naturellement et c’est bien pour cela qu’elle aurait dû l’en féliciter au lieu de le réprimander faussement. Mais voilà. Tout était nouveau pour elle aussi. Dastan qui livrait ses sentiments, enfin un semblant de sentiment dans un cafouillis, elle-même n’y aurait pas cru. Et si au fond d’elle, il lui semblait avoir toujours attendu ce moment, elle le redoutait également. Trop tard maintenant, non ? Un soupir silencieux s’échappa de l’esprit de la louve, soulagée et gênée à la fois. Elle ne savait pas vraiment où se mettre. Alors comme une enfant, elle tentait de détourner l’attention, de changer l’atmosphère pour tenter de sortir la tête de l’eau. Était-ce vraiment la solution ? Ou ce qu’elle faisait n’était-il qu’une illusion servant à les berner tous deux dans le silence ? Ce même silence qui avait repris de plus belle. Après les paroles maladroites de la noire, le vide s’était installé. Une fois de plus, ce n’était pas franchement ce qu’elle avait voulu provoquer. Elle allait finir par croire qu’elle faisait vraiment tout à l’envers avec lui. Après la distance qui les séparait. C’est le silence qui avait posé ses aigres ailes sur eux. Et si elle aurait pu continuer de déblatérer sur tout et sur rien pour ne pas avoir à faire face à ce moment, la belle avait décidée de se taire et de le laisser faire. Pour une fois, il pouvait choisir de fuir ou non. Il pouvait choisir de faire ce qu’il lui semblait le mieux pour lui. Elle se fichait, elle, pas mal de devoir ramasser des dérisoires miettes de son être. Elle l’avait déjà fait et recommencerait cent fois pour lui. Accompagnant la levée du silence par un relevé de tête auquel Esha ne fut pas indécise, la voix de Dastan paru néanmoins comme un murmure presque intangible aux oreilles de la louve. Et si sa voix lâcha quelque chose, son esprit pensa tout le contraire :

« Détends-toi, ça va. Je peux laisser ça de côté. Mais, c’est si grave que ça pour toi ? Enfin, laisse tomber si tu veux pas répondre, c’est pas grave. L’idiotie, ça doit être contagieux. »

waize

« absence makes the heart more loving. »

feat esha

Il était simplement perdu, ses yeux pouvaient trahir la honte qui lui était tombée sur les épaules. Pourquoi ? Pour avec elle ? Depuis combien de temps n'avait-il pas perdu ses moyens face à quelqu'un. Certainement bien longtemps, si longtemps, qu'il n'en a aucun souvenir. Il ne savait pas comment gérer ces sentiments nouveaux, comment mettre des mots sur quelque chose, sur des émotions qu'on ne connaît pas ? La jeune louve lui disait de se détendre, qu'elle pourrait laisser ce qu'elle venait d'entendre. Est-ce que c'était vraiment grave ? Oui et non. Ses réactions ne lui ressemblaient pas, pour lui il en avait trop dit. Il n'aurait pas dû se laisser aller. Il n'aurait pas dû se trahir comme il venait de le faire. Qui plus est pour déblatérer des choses sans intérêts pour lui.

Le mâle secoua la tête et se redressa, faisant mine de se ressaisir. Son masque habituel était de nouveau plaqué sur son minois d'ébène. Il serait bientôt l'heure pour lui de la laisser de toute façon, son tour de garde n'allait plus vraiment tarder. Il n'avait pas vraiment intérêt à le manquer celui-là, il n'avait pas envie de s'en prendre plein la tête. Ce n'était pas vraiment le moment.

« P'tre bien. »

« Absence makes the heart more loving. »

PV. Dastan

Pourquoi n’avait-elle pas été honnête avec lui ? Pourquoi n’avait-elle pas dit que cela lui avait fait plaisir d’entendre un pareil discours sortir de sa gueule ? Peut-être parce qu’il affichait cette face honteuse et cette attitude gênée. Peut-être parce qu’avant de penser à elle, elle avait pensé à lui. Et si elle n’avait pas été totalement innocente dans ces quelques mots, elle espérait simplement détendre un peu l’atmosphère. Et surtout le détendre un peu lui. Après tout, tout le monde sortait des petits trucs comme-ci, comme ça. Et Esha en savait quelque chose. Elle n’avait pas bâti sa réputation de moulin à paroles en ne disant que des vérités et des choses avec intérêt. Parfois, sa langue fourchait aussi, parfois elle en disait trop aussi et parfois, elle aussi, venait à regretter ce qu’elle pouvait déblatérer. Pourtant. Rien n’était moins sûr quand elle parlait de sentiment. Rien ne sortait de sa gueule à ce propos sans qu’elle n’y songe réellement. Et si elle savait parfaitement que le lancer sur ce terrain le mettrait mal à l’aise, si elle savait pertinemment comment tout cela se terminerait si elle avait été un poil plus téméraire, elle avait préféré jouer la carte de la sécurité pour ne pas le froisser davantage. Après tout, ce n’était pas son objectif. À ses côtés, elle préférait notoirement prendre sur elle et se taire plutôt que de jouer les jeunes sans-cervelles et risquer de le voir fuir de nouveau. C’était là la technique préférée du mâle pour répondre aux problèmes. Tout du moins, pour répondre au problème Esha. En y réfléchissant bien, elle ne l’avait jamais vu se défiler devant quoi ou qui que ce soit. Seulement devant elle. Est-ce qu’elle le dégoûtait autant ? Est-ce que sa compagnie à elle lui était autant désagréable ? Et en songeant à cela, les quelques mots de tout à l’heure lui revinrent. Ce fameux discours qu’il tendait à vouloir faire oublier à la louve. Ces sentiments de nature inconnus qu’il prétendait avoir envers elle. Et encore et surtout, la nature potentiellement négative qu'il leur avait assigné.

Négatif… Sentiment… Ces deux seuls mots se mirent à résonner dans l’esprit de la noire. Et si depuis tout ce temps, si depuis toutes ces lunes, son entêtement ne faisait qu’accroître les sentiments négatifs du loup envers elle ? S’était-elle montrée à ce point agaçante ? Elle était-elle une aussi lourde croix de bagne à porter ? À son tour de laisser l’embarras et l’angoisse monter dans son esprit. À son tour de sembler perdue et de vouloir mettre de la distance entre le monde réel et ce qu’elle songeait. Se pouvait-il que depuis tout ce temps, elle se trompe à ce point ? Se pouvait-il que toutes ces manœuvres de rapprochement, toutes ces attentions qu’elle lui avait offertes, n’étaient que vécus de manière négative par Dastan ? Perdue dans ses pensées, elle ne remarqua que par après que le loup noir avait revêtu un peu de sa superbe indifférence. Elle ne le remarqua que lorsque ses yeux retrouvèrent un peu de leur usage. Au moment où il avait lâché un marmonnement. Marmonnement qui ne fit qu’accroître la sensation qui picotait les pattes de la louve. Et pourtant. Pourtant, elle ne pouvait se permettre de se montrer cash avec lui. Pas maintenant. Ce n’était pas le moment de lui demander la nature de ces sentiments qu’il venait de lui avouer. Après tout, c’est ce qu’il tentait de lui faire oublier. C’est ce pourquoi il avait repris cette distance coutumière et cette nonchalance. Mais la question lui brûlait la langue. Elle voulait le savoir. Elle voulait en être certaine. Elle ne voudrait pas l’importuner davantage s’il ne supportait plus sa compagnie. Réprimant des tremblements qui tentaient de monter dans ses membres, des larmes d’emplir ses yeux d’or, elle tint bon. Usant du peu de fierté qui lui restait, elle garda ce sourire sur ces babines. Ce sourire certes un poil dubitatif, mais un sourire tout de même. Et gardant à l’esprit que le temps passait, elle sortit une pacotille pour tenter de se sortir de la mélasse :

« Tu veux qu’on rentre ? »

waize

« absence makes the heart more loving. »

feat esha

Au fond, peut-être qu'il n'avait simplement plus envie de parler, peut-être n'avait-il plus envie d'être en compagnie de quelqu'un. Il ne voulait pas brusquer la jeune louve, pourtant, c'était bien ce qu'il venait de faire. La préserver, la protéger. Il devait s'éloigner d'elle, c'était lui qui lui faisait probablement le plus de mal à l'heure actuelle. Elle était jeune, elle n'avait que la moitié de l'âge du loup d'ébène. Après tout, peut-être que c'était déjà trop, peut-être qu'il ne pouvait pas s'adapter à une fougue pareille. Et pendant qu'il tentait de se rentrer toutes ces bêtises en tête, il savait très bien que son cœur pensait tout autrement. Il ne comprenait pas lui-même ce qui se passait dans sa tête, jamais auparavant, il n'avait pensé ainsi. C'était trop pour lui.

La douce voix de la louve d'ébène le sorti de ses pensées. Rentrer ? C'était peut-être la meilleure des idées. Il devait aller travailler. Il devait aller rattraper ses journées d'absence. Et il devait se vider la tête, il devait s'occuper l'esprit. C'est alors que d'un mouvement rapide, il se leva, accordant un mouvement positif de la tête à Esha avant de reprendre la route du territoire à toute vitesse.

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